Dans une étude sortie ce lundi 3 février 2025, New Weather Institute affirme que le football est responsable de l’émission de 64 à 66 millions de tonnes de CO2 chaque année, soit l’équivalent des émissions d’un pays comme l’Autriche !
Son avantage est aussi son inconvénient. Sport le plus populaire, le plus joué et le plus suivi de la planète, il cristallise aussi les tensions écologiques autour du sport. Il faut dire que le football n’a pas un maigre impact sur l’environnement. Il a été quantifié par le New Weather Institute, qui a sorti son rapport “Dirty Tackle: The Growing Carbon Footprint of Football” en début de semaine. Ses conclusions sont claires : l’empreinte carbone annuelle du football est estimée entre 64 et 66 millions de tonnes de CO2e, soit l’équivalent des émissions d’un pays comme l’Autriche.
Plus préoccupant encore, cette empreinte ne cesse d’augmenter, notamment en raison de l’expansion des compétitions internationales et des contrats de sponsoring avec des industries polluantes. Ces raisons font partie des trois facteurs principaux qui expliquent cette empreinte élevée.
Voyages, construction et sponsoring : les 3 facteurs problématiques
Il y a d’abord les voyages liés aux compétitions internationales. Les matchs internationaux nécessitent d’innombrables voyages en avion, que ce soit pour les équipes ou les supporters. Un seul match de Coupe du Monde génère entre 44 000 et 72 000 tCO₂e, soit l’équivalent de 31 500 à 51 500 voitures britanniques roulant un an. Un chiffre qui ne faiblira pas avec l’ajout d’équipes dans la compétition (passage de 32 à 48 équipes), et la multiplicité des lieux de compétition puisque l’édition 2026 aura lieu sur un continent entier (Canada, Etats-Unis et Mexique) et l’édition 2030 sur 3 continents (Amérique du Sud, Afrique et Europe). L’UEFA n’est pas en reste avec la nouvelle formule de Ligue des Champions, qui ajoute de nouveaux matchs au calendrier.
Il y a ensuite la construction et la rénovation des stades. Les infrastructures sportives consomment énormément d’énergie, tant pour leur construction que pour leur exploitation, qui sont parfois injustifiées. Au Qatar, la plupart des stades ne sont pas utilisés, deux ans après la Coupe du Monde. En France aussi, certains stades construits pour l’Euro 2016 et surdimensionnés peinent à se remplir, pour différentes raisons, à l’image du Matmut Atlantique de Bordeaux, ou à l’Allianz Riviera de Nice.
Dernier point : les contrats de sponsoring avec des entreprises polluantes, qu’ils s’agissent de compagnies pétrolières ou aériennes, par exemple. Plus de 75% des émissions du football sont liées aux partenariats avec les géants du pétrole, du gaz et du transport aérien. En 2024, FIFA a signé un contrat avec Aramco, la plus grande compagnie pétrolière du monde, suscitant une forte indignation parmi les joueuses et les activistes climatiques.
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À titre d’exemple, les 4 plus grands contrats de sponsoring (Qatar Airways, Qatar Energy, Hyundai-Kia, McDonald’s) de la Coupe du Monde 2022 ont représenté plus de 16 millions de tCO2e générés. Et les 4 plus grands contrats de sponsoring des clubs européens en 2023 – le PSG avec Qatar Airways, le Real Madrid ou Arsenal avec Emirates, Manchester City avec Etihad Airways – ont engendré 8 millions de tCO2e. Oui, faire la promotion de ces activités polluantes a un coût climatique très élevé !
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Le football coupable et le football victime
Les effets du changement climatique sont déjà visibles dans le monde du football. Le rapport met en exergue certaines conséquences bien visibles. En mai 2024, le stade Arena do Grêmio, au Brésil, a été inondé. Lors de la Copa America 2024, joueurs et arbitres ont souffert de la chaleur extrême – ce qui pourrait être le cas dans certains stades nord-américains lors de la Coupe du Monde 2026, et notamment en Californie, où les incendies peuvent ravager en outre les infrastructures. De plus en plus de matchs ont aussi été annulés en Angleterre à cause des pluies torrentielles.
“Le football se trouve hors-jeu face à la crise climatique. Il est de plus en plus vulnérable aux conditions climatiques extrêmes d’une planète qui se réchauffe, et son empreinte carbone importante et croissante aggrave le problème” témoignent la joueuse néerlandaise Tessel Middag, et le joueur britannique David Wheeler.
Le rapport émet un certain nombre de recommandations pour que la FIFA et l’UEFA tiennent leurs impossibles objectifs climatiques (réduction de 50 % des émissions d’ici 2030, neutralité carbone en 2040) : rompre les liens avec les sponsors polluants, à l’image de l’interdiction du sponsoring du tabac ; réduire le nombre de matchs internationaux et privilégier des compétitions plus régionales ; favoriser les déplacements durables des supporters et des équipes (train, bus, etc) ; construire des stades plus durables et limiter leur multiplication ; et encourager les joueurs et les clubs à être des porte-paroles de la cause climatique.
La balle est désormais dans le camp des instances dirigeantes : continueront-elles à jouer contre leur propre avenir, ou saisiront-elles l’opportunité d’être un moteur du changement ? Il est temps d’agir avant que la planète ne siffle la fin du match.
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