Dans le cadre de notre format “Inspire” et de son deuxième numéro “Gardiens des glaces”, Azaïs Perronin a interrogé Christophe Ogier, glaciologue et guide de haute-montagne, sur la façon des les sports de montagne peuvent évoluer avec le recul et la disparition progressive des glaciers.
La montagne a retiré son manteau de neige pour laisser place à un paysage plus minéral. Christophe Ogier a grandi avec des monts enneigés mais consent à voir cette carte postale se métamorphoser. “Visuellement, la montagne de demain est différente, moins blanche, avec moins de neiges éternelles mais elle est belle tout de même, à sa façon”.
Pour atteindre ses sommets, ses voies d’escalade et ses pentes ardues, la voiture n’est plus l’automatisme. Le discours sur la performance sportive en altitude a lui aussi changé : elle est désormais jugée à l’aune de nouveaux critères. “Faire l’ascension de l’Himalaya en ayant pris l’avion et employé une vingtaine de porteurs est certainement moins valorisé qu’une ascension à la maison, plus créative. On part du bas, on claque la porte de chez soi avec son matériel et on enfourche son vélo pour rejoindre sa voie”.
Là-haut, le rapport au temps est différent, influençant disciplines et pratiquants. Avec le retrait des glaciers, les versants deviennent plus instables, comme dans le massif du Mont-Blanc. “Typiquement, le téléphérique de l’Aiguille du Midi est construit sur un sol qui se réchauffe jusqu’au moment où il pourrait tomber”. Sans remontées mécaniques, l’alpinisme prend une autre forme. “Maintenant, pour accéder à une goulotte dans le bassin du Géant, on marche une journée au lieu de prendre un téléphérique. Les sacs sont plus lourds, la performance est amoindrie parce qu’il y a plus de logistique. On renoue avec une approche plus authentique, fidèle aux valeurs montagnardes classiques”.
Les infrastructures imposantes comme les grands funiculaires sont peu à peu abandonnées. Désuètes, les maintenir coûterait cher. La clientèle étrangère qui hier se rendait dans les grandes stations de ski alpin a déserté. Christophe Ogier s’interroge : “je me demande si le changement climatique en montagne ne va pas engendrer une baisse du tourisme de masse. Le ski construit dans les années 80 est voué à disparaître”.
Le ski de descente cède progressivement sa place à d’autres pratiques. Avec le réchauffement et la hausse des précipitations, la limite pluie-neige remonte en altitude. “À 3 500 ou 4 000 mètres, au-dessus de la plupart des stations de ski alpin, il y a encore de la neige. Là-haut, le ski de randonnée reste possible”.
En parallèle, d’autres disciplines se développent. Les glaciers offraient autrefois un accès direct aux parois en altitude. “Sans eux, il faut traverser des amas de débris rocheux, souvent pénibles, sur un sol instable, puis remonter. Des courses de grimpe perdent de leur intérêt quand d’autres pratiques en gagnent. C’est le cas du parapente qui s’affranchit de ces difficultés nouvelles”. Lorsque les glaciers disparaissent, de nouveaux espaces de nature émergent : les marges proglaciaires. “Ces zones vierges gagnent du terrain. Une vie nouvelle y apparaît en montagne, qu’il faudra chérir et protéger”.





