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Julia Pallé (Formule E) : « Le développement durable est le fer de lance de la Formule E »

Julia Pallé Formule E Ecologie Ecolosport
FIA President Jean Todt visits the FIA Formula E HQ in Hammersmith
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Créée en 2014, la Formule E a intégré – dès ses débuts – les questions environnementales au coeur de son développement. Nous avons rencontré Julia Pallé, directrice Développement Durable de la Formule E lors du E-Prix de Monaco. Elle évoque les liens entre innovation technologique et écologie, et la progression de cette jeune discipline automobile.

Julia Pallé, qu’est-ce que la Formule E et dans quel intérêt a t-elle été créée ?

Julia Pallé : La Formule E est un championnat de monoplaces 100% électriques, créé en 2014. La première course a eu lieu cette année-là à Pékin. L’objectif de la Formule E est d’être un laboratoire technologique pour le développement du véhicule électrique. En 2014, les gammes de véhicules électriques étaient très restreintes sur le marché automobile et nous savions à l’époque que la perspective était que le véhicule électrique allait réellement changer la mobilité de demain. Nous avions besoin de faire avancer les technologies utilisées, et notamment la batterie et les chargeurs.

Le sport automobile est un laboratoire qui doit permettre aux constructeurs de faire de la recherche et développement. C’est l’une de ses principales fonctions, de tout temps.

Comment la Formule E peut contribuer à améliorer notre impact sur l’environnement ?

Julia Pallé : À la base, la Formule E a été créé pour essayer de répondre à 3 problématiques. Nous sommes là pour apporter des réponses et des solutions, c’est la philosophie de notre championnat. Il y avait donc d’abord un problème technologique. Nous savions que nous avions besoin de développer la technologie autour des véhicules électriques, autour de la batterie, de la chaine de transmission ou d’éléments qu’on ne voit pas au quotidien mais dont les constructeurs ont besoin pour rendre nos véhicules plus efficaces et plus efficients.

Il y avait aussi un problème autour de la perception. L’idée de la Formule E est née en 2011, au moment du frémissement du marché du véhicule électrique. Leur perception n’était pas très bonne : le design n’étaient pas forcément très sexy, les voitures ont une faible autonomie et elles n’étaient pas très désirables. Nous avons donc utilisé la plateforme du sport, qui plus est en centre-ville, nous y reviendrons – pour montrer qu’il y avait des véhicules électriques qui couraient dans les rues que vous et moi allions emprunter le lendemain, dans nos voitures. L’idée était de mettre en avant le fait que ces voitures étaient excitantes et fiables.

Le dernier problème à résoudre était d’avoir les infrastructures nécessaires. La révolution électrique ne peut pas se faire sans l’infrastructure, notamment en termes de chargement. Lorsque nous avons les courses en centre-ville, il est très important d’avoir un fort soutien du gouvernement et des municipalités autour des enjeux de la mobilité.

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© Photo : Andrew Ferraro / LAT Images
Depuis la 1ère saison en 2014, quels sont les plus gros progrès effectués par la Formule E ? Le fait de passer de deux voitures par course à une seule par exemple ?

Julia Pallé : En effet. Les plus gros progrès ont eu lieu entre les deux premières générations de voiture. Une génération de voitures dure environ 4 saisons. Au bout de ces 4 premières années, nous avons réussi à doubler la capacité de la batterie. En termes d’innovation, c’est très court ! Cela a permis d’envoyer un signal très fort aux consommateurs en leur disant : le problème d’anxiété autour de la durée de la batterie est réglé.

Nous sommes en train d’étudier la troisième génération de voitures (la saison 2021 est la 7ème saison, ndlr) et nous avons mis le focus sur la charge. Comment allons-nous réussir à charger rapidement, voire ultra-rapidement, les véhicules ? Nous savons que la charge est le frein principal des consommateurs, ils ne veulent pas passer 20 minutes à recharger la batterie de leur véhicule, et c’est normal.

Comment l’énergie utilisée par les Formule E est conçue ?

Julia Pallé : Nous avons toujours mis en avant l’importance de l’utilisation de l’énergie renouvelable pour les monoplaces. La technologie autour des véhicules électriques, en tant que telle, permet de réduire les émissions de CO2, et c’est décuplé quand la source d’énergie qui alimente les batteries est renouvelable. Nous alimentons donc nos voitures avec cette énergie. Soit les batteries sont directement alimentées sur place avec de l’énergie verte, soit nous les chargeons avec du biofuel HVO. Il s’agit d’un déchet de la production et de l’utilisation d’huiles à usage domestique. Les huiles usagées de certains fast food sont par exemple transformées en HVO. C’est un biofuel de seconde génération, il n’y a donc ni d’impact environnemental ni d’impact social, dans le sens où nous ne détruisons pas de forêts ou de parcelles pour cela, et nous ne mettons donc pas non plus en danger les populations.

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La voiture de 2ème génération – © Photo : Simon Galloway / LAT Images
Faisons un parallèle avec la F1, où 0,7% des émissions carbone seulement sont faites par les voitures elles-même. Le reste est principalement dû aux transports et à la logistique. Qu’en est-il pour la Formule E ? Comment améliorer ces émissions liées à la logistique et aux transports ?

Julia Pallé : Nous mesurons depuis la 1ère saison nos émissions carbone, avec des études d’impact qui comprennent l’ensemble de l’évènement. Même si leurs émissions ne dépassent pas les 1% de l’ensemble des émissions carbone, nous travaillons beaucoup sur nos voitures car elles sont le symbole du championnat. Cependant, 70 à 75% de nos émissions proviennent des transports. Depuis les débuts de la Formule E, nous travaillons beaucoup avec notre partenaire DHL pour optimiser notre calendrier : nous essayons, chaque saison, de regrouper par exemple toutes les courses asiatiques d’abord, ensuite nous allons en Europe, etc… Cela permet aux transports de trouver des alternatives à l’avion (camions, bateaux…) et nous savons que cela réduit énormément notre impact. Les transports ont un gros impact car nous devons utiliser des avions. C’est notre véritable enjeu. Nous sommes au croisement de plusieurs industries, dont celle de l’aviation, qui commence à utiliser de manière assez expérimentale des biofuels. Nous essayons de les accompagner et les pousser à tester nos technologies, au moins sur notre propre logistique.

C’est aussi pour cela que vous préférez courir sur des circuits urbains que sur des circuits déjà existants ? Il y a moins de déplacements de fans…

Julia Pallé : Tout à fait ! Il est très important pour nous d’avoir des circuits en centre-ville, notamment car on ne propose ainsi plus de solution de parking à nos invités. Cela fait partie de notre ADN. Nous estimons avoir économisé 30 à 50% de nos émissions en ne permettant pas aux spectateurs de venir en voiture, et donc en encourageant la mobilité durable, en mettent en avant les solutions de transports en commun, largement répandues dans les villes et plus efficientes d’un point de vue environnemental. Notre philosophie est aussi d’être un événement accessible, c’est important pour nous.

Avez-vous mis en place des conditions d’accès, des prérequis ou des obligations à tenir sur le développement durable pour les écuries qui souhaitent s’engager en Formule E ?

Julia Pallé : Oui, nous travaillons à cela avec la FIA depuis quelques années. Nous avons demandé aux écuries cette année de se lancer dans une démarche de certification environnementale de leur gestion d’écurie. La FIA a développé depuis de nombreuses années un système de gestion environnemental pour les entités dédiées au sport automobile. J’ai demandé à ce que la certification devienne obligatoire pour pouvoir courir en Formule E – et pas le premier niveau de certification, mais le plus haut niveau ! Ils ont jusqu’à la fin de la saison 8 (fin 2022, ndlr) pour le faire. Et comme tout bon compétiteur, ils s’y sont tous lancés avec pour objectif d’être certifié d’ici la fin de cette saison, et c’est super !

Il est très important – pour nous et surtout pour eux – de pouvoir parler d’une manière très authentique d’une approche développement durable dans la gestion de leur équipe, dans un championnat qui le met au centre.

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© Photo : Andy Hone / LAT Images
Selon vous, quel est l’avenir de la Formule E sur les questions de développement durable ?

Julia Pallé : Le développement durable est plus qu’au coeur de la Formule E, c’est notre fer de lance. Nous cherchons toujours à regarder et à comprendre comment nous pouvons être les premiers, pas pour être premier mais pour inspirer les autres sports, leur montrer que c’est possible. En septembre 2020, nous sommes devenus le 1er sport à compenser entièrement nos émissions carbone depuis la création du championnat en 2014. C’est une fierté pour nous mais cela montre aux autres sports qu’il y a la possibilité d’être dans cette approche globale et authentique.

Nous avons aussi d’autres projets sociaux, qui sont aussi importants pour nous. Nous avons annoncé lors du week-end de E-Prix à Monaco le développement de notre programme Girls on track, avec la FIA, qui permet à des jeunes filles d’accéder à l’univers du sport automobile et de comprendre quels sont les métiers qu’elles peuvent exercer. Nous avons beaucoup de chance en Formule E d’avoir un univers très féminisé sur tous les types de profession et à tous niveaux hiérarchiques. Cependant, ce n’est pas toujours une évidence pour les petites filles de se dire « je vais en faire mon métier, c’est ça qui me passionne dans les sports automobiles. » L’idée est de leur ouvrir la voie et leur dire qu’elles ont tout à fait leur place !

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Michaël Ferrisi
Michaël Ferrisi

Ecolosport le PODDCAST explore la façon dont le sport peut contribuer à la réalisation des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) de l'ONU et comment ceux-ci peuvent soutenir le développement du sport.