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La progressive mise au vert du Tour de France

La progressive mise au vert du Tour de France
Le paradoxe du Tour de France : un sport doux au cœur d'un événement polluant. - © A.S.O./ Charly Lopez
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Le plus grand événement cycliste du monde était de passage à Toulouse. Souvent critiqué pour son impact environnemental, le Tour de France progresse à petit pas. Reportage.

L’ambiance était comme la température, chaude, pour la remise en selle aux abords du Stadium. Après une journée de pause, Toulouse était le théâtre de la 11e étape du Tour de France ce mercredi 16 juillet. Entre le déplacement de la caravane, des équipes et des partenaires, la mobilité de cette ville ambulante et les déchets qu’elle génère vaut de nombreuses critiques à la Grande Boucle. Un paradoxe pour un sport pourtant propre par essence.

Si les hélicoptères, l’avion-relais, les nombreux véhicules et les 13 à 18 millions de produits dérivés donnés par la caravane laissent l’image d’un événement rétrograde et démesuré, l’organisation cherche à réduire son bilan carbone. Avec succès, puisqu’en 2021, la Grande Boucle a émis 216 000 tonnes de CO2eq, contre 342 000 tonnes de CO2eq en 2013. Un engagement environnemental qui repose sur 2 piliers : la mobilité et les déchets.

L’hybridation et l’électrification du parc automobile

Si le peloton avance à force de mollet, ce n’est pas le cas de tous les véhicules qui circulent sur les routes. L’organisation souhaite montrer l’exemple avec une flotte entièrement hybride, comprenant 9 véhicules 100 % électriques. L’année dernière, l’utilisation d’un camion électrique avait été essayée, mais l’essai s’est avéré non-concluant. “Dans certaines villes, y compris les grandes, on a encore du mal à trouver des recharges. On a fait le choix de passer nos camions en biocarburants. C’est une des améliorations” se félicite Karine Bozzacchi, responsable RSE du Tour de France. Cependant, cette énergie, bien que meilleure que le pétrole, est critiquée. Elle est difficilement généralisable, coûteuse et contributive à la déforestation.

Toutefois, les véhicules de l’organisation ne représentent pas la majorité de ceux présents autour des coureurs. Il y a notamment toutes les voitures des équipes. “Depuis plusieurs années, on essaye que toutes les familles du Tour participent à l’hybridation des véhicules. On leur demande de passer à l’hybride, et dans l’idéal à du 100 % électrique”, explique la responsable RSE. Cependant, toutes les équipes ne jouent pas le jeu, et surtout rien ne les y oblige. C’est par exemple le cas de l’équipe Ineos Grenadier, équipée de plusieurs gigantesques 4×4 tout terrain de leur marque pour rouler sur des routes parfaitement plates.

Concernant les voitures des directeurs sportifs par exemple, seulement 3 équipes sur les 23 sont 100 % électriques. Et ce grâce à Skoda, partenaire du Tour de France. L’entreprise tchèque a récemment prolongé son engagement avec l’événement, fournissant plus de 250 voitures cette année. Elle parraine des équipes comme Decathlon-AG2R La Mondiale, Visma Lease a bike et Uno-X (une entreprise de carburant et de stations-services, NDLR).

La mise au vert du Tour de France
Même les pétroliers électrifie leur parc automobile, non sans (grosse) contradiction écologique.

L’impact du public reste bien supérieur à celui de la course

On essaye d’emmener aussi nos partenaires. Skoda, FDJ, Continental ou encore Leclerc dans la caravane qui a 8 véhicules électriques” explique Karine Bozzacchi. Une amélioration, mais sur les 150 à 170 véhicules de la caravane, la part de véhicules électriques et hybrides reste relativement faible.

Néanmoins, les émissions de CO2 de la Grande Boucle proviennent en grande majorité des déplacements. Chaque été, les près de 10 millions de spectateurs qui se pressent sur le bord des routes représentent 94,1 % des émissions. Pour permettre à chacun de se rendre sur la course, l’organisation propose une plateforme de covoiturage sur son site et a noué des offres spéciales TER avec les régions. C’est par exemple le cas avec la région Occitanie pour les étapes locales. Pour 10 € par jour, il est possible de se rendre à Toulouse, Auch, Muret ou Montpellier pour assister aux prochains départs.

Enfin, la Grande Boucle souhaite promouvoir la pratique du vélo. Quoi de plus logique pour une course cycliste. Des parkings à vélo et des révisions gratuites pour les spectateurs sont présents aux départs de chaque étape. Toutefois, l’organisation souhaite aller plus loin, en mêlant écologie et social. “Ici, à Toulouse, on a une journée spécifique pour le Secours Populaire qui s’inscrit dans notre programme “L’avenir à vélo”. Le Tour de France doit pousser le grand public à plus utiliser le vélo. Donc on fait venir 200 enfants sur une étape. Ils pédalent quelques kilomètres avec un vélo jaune. Et ils pourront le garder à la fin. On est persuadé que si les gens commencent à faire du vélo tôt, il y a de grandes chances qu’ils continuent à le faire” explique avec conviction la responsable RSE.

Un tri à réinventer chaque jour

Depuis 2010, la Grande Boucle s’est mise au tri sélectif. Mais la gestion des déchets est un véritable défi à cause de 2 contraintes majeures : “le fait d’avoir énormément d’acteurs sur un temps très réduit et l’itinérance, explique Anthony Montagne, membre de l’association “Les Connexions” qui accompagne le Tour de France sur cette mission. Ça fait qu’on produit des déchets, et qu’on est tributaire du matériel mis à disposition par les villes-étapes. On ne doit pas perdre le geste de tri chez les acteurs du tour d’une étape à l’autre malgré les modifications de lieux, d’affichages, etc.

Pour ce faire, le Tour de France a mis en place une charte “C’est mon Tour, je trie” pour impliquer le maximum d’acteurs dans une démarche de gestion des déchets unifiée. “On ne peut pas s’adapter à chaque collectivité, explique de son côté Karine Bozzacchi. Cette année, quasiment tout le monde est en bi-flux” (une poubelle pour les déchets ménagers et une poubelle pour les emballages et papiers, NDLR).

Pour que chacun s’y retrouve, l’organisation a collé des stickers sur le devant des poubelles des zones techniques pour que chaque acteur s’y retrouve d’une étape à l’autre. “On leur dit de ne pas se jeter sur le premier bac venu, mais de se fier aux stickers. Ce message est bien passé depuis maintenant 13 éditions où je suis présent” raconte Anthony Montagne. Une mission partagée par chaque hôte et hôtesse des pavillons des partenaires qui a aussi pour mission de gérer les déchets. Un dispositif présent aussi bien au départ qu’à l’arrivée.

Réduire les déchets malgré l’itinérance

Le tri ne suffit pas : le vrai enjeu est la réduction à la source. Et là encore, le Tour tente de serrer les boulons. Et notamment sur le point où il est le plus critiqué : la caravane. “Dorénavant, on étudie le packaging de ces goodies, explique Anthony Montagne. S’ils arrivent emballés individuellement ou par 100 ce n’est pas la même chose ! Depuis 3 ans, les goodies de la caravane sont sans emballages, mis à part pour les denrées alimentaires. Sur l’ensemble du Tour de France, c’est une réduction de déchets qui est extrêmement importante.

Autre geste notable : la diminution des bouteilles en plastique. Si l’organisation se félicite de normaliser l’usage de bouteilles de 2 voire de 6 litres, elles restent largement minoritaires. Que ce soit dans les zones techniques ou dans le paddock, les cartons de bouteilles de 50 cl de Vittel, partenaire de l’événement, passent et repassent. En revanche, il est possible de voir les traiteurs utiliser des contenants en verre et non à usage unique. Sur le stand Senseo, partenaire du Tour, fini les verres mêlant cartons et plastique, il y a uniquement des écocups.

Ce même pavillon prend également en charge les biodéchets. Sur l’étape toulousaine, ces restes alimentaires sont séparés des ordures ménagères, triés et traités différemment. “On a aussi l’initiative entreprise par Stop Hunger dont le but est de reprendre les produits non consommés en don alimentaire pour des associations locales. C’est nouveau cette année”, se satisfait Anthony Montagne.

Le dernier point de cette réduction concerne les énergies. Dans les zones techniques de départs et arrivées, des toilettes sèches sont mises à disposition. Les toilettes d’invités fonctionnent à l’eau, mais avec des chasses réduites. Un moyen d’économiser la ressource, surtout pour des événements se déroulant annuellement l’été, en période de sécheresse. À noter que certains pavillons sont à panneaux solaires et autonomes en énergies. Cependant, cela reste une initiative individuelle et peu d’entre eux partagent une implication similaire.

Une affaire de symboles et de signaux

Au-delà de ces actions souvent peu visibles par le grand public, le Tour de France distille des détails qui en disent long. Un véhicule “environnement” ouvre désormais la caravane publicitaire. Une manière de sensibiliser le public en amont. Cela passe aussi par le comportement des cyclistes. Les bidons autrefois jetés à la volée et ramassés par les collectionneurs, doivent rester dans le porte-bidon, jusqu’à la zone de délestage. Elles sont au nombre de 4 à 8 par étape et permettent de préserver l’environnement tout en éduquant le public.

Les équipes toutes entières sont également concernées et éduquées. “C’est un public particulier car composé de Kazakhs, de Néerlandais, d’Italiens, et ont tous des sensibilités différentes. On met à disposition des conteneurs sur le paddock équipe à l’arrivée et au départ. C’est peut-être l’endroit où la qualité de tri est la moins bonne en sortie de Tour de France. Mais heureusement, ce n’est pas là où il y a beaucoup de déchets produits. Et en parallèle, il y a aussi des initiatives propres à chaque équipe. Je pense à Groupama-FDJ qui avait mis en place une initiative pour collecter les déchets auprès de leurs acteurs propres. Il faut savoir que l’ensemble des équipes ont une formation RSE un mois avant le Tour de France”, conclut Anthony Montagne.

De cette manière, le Tour de France s’implique depuis 2017 dans la Charte des 15 engagements éco-responsables, portée par le Ministère des Sports et WWF France, qu’il a signé. S’il reste encore de nombreuses marges de progression, l’événement semble avoir compris que son avenir passait aussi par un terrain moins visible que la route : celui de l’exemplarité.

> Lire aussi : Guillaume Martin-Guyonnet (Tour de France) : “Je n’ai pas la nature d’un révolutionnaire”

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