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Ecolosport Inspire – Dans les vagues et les rêves d’Arthur Le Vaillant​

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Dans le cadre de notre nouveau format “Inspire” et de son premier numéro “Des vagues et des rêves”, Arthur Le Vaillant a rédigé cette tribune : une ode à l’amour de son sport, au respect de la biodiversité marine et à ses rêves pour demain.

“Ma relation à l’Océan est charnelle. Tout mon corps, mon âme, mon esprit sont à l’écoute de mon voilier. Dans la nuit noire, je ne vois plus : je ressens. L’équilibre, la vitesse, la houle sous mes fesses. Régler un génois, reprendre du chariot de grand-voile, vérifier si des algues freinent la quille. Douter. Puis voir les concurrents, pas si loin, et sourire : la vitesse n’est pas si mauvaise.

Il est beau, ce sport. Mais il ne doit pas perdre pied.

En mer, l’émerveillement est constant. Un souffle au loin. Des dauphins qui bondissent à l’étrave. Des globicéphales qui glissent sous la coque. Ces instants sont magiques. Ils nous connectent à la part de sauvage qui existe en nous, à ce que la terre ferme de nos maisons tout confort endort, et réveillent nos sens : l’ouïe, le toucher, l’équilibre, l’instinct. Je suis un marin mammifère. Et quand je croise des cousins mamifères marins, j’ai le sentiment d’appartenir à la même planète bleue.

Mais parfois, nos routes se croisent brutalement. Une collision. Un choc. Un cétacé blessé ou tué. Cela arrive. Moins souvent que dans la pêche ou le transport maritime, mais cela arrive. Et c’est une blessure dont on ne parle pas. Comme si nous traversions l’Afrique et que, sans le vouloir, nous percutons un éléphanteau. Nous continuons notre route, terriblement marqués, mais sans le raconter.

Nous avons une responsabilité : celle de ne pas fermer les yeux et de trouver des solutions.

La voile est un jeu. Un jeu devenu métier. Navigateur professionnel. J’aime la vitesse. Mais j’ai appris qu’elle est relative : parfois, gagner c’est simplement reculer moins vite que l’autre. Les grands « Ultims » sur lesquels j’ai navigué sont fascinants. Des machines capables de traverser l’Atlantique en trois jours et quinze heures. Des prouesses d’architectes et de designers. Mais plus on va vite, plus le risque de collision augmente. Certains bateaux “tapent” davantage : est-ce une question de fréquences, de vibrations, d’acoustique ? La science cherche encore.

Je vis cette tension entre mon désir de compétition et ma volonté de protection. Cette ambivalence m’habite. Mais demain, les deux doivent être compatibles. Nous devons inventer une course au large plus robuste, plus durable.

Déjà, la Route du Rhum, le Vendée Globe et d’autres épreuves intègrent des zones d’exclusion. La recherche avance : bioacoustique, systèmes d’écoute, technologies de détection. Des dizaines de chercheurs, d’ingénieurs, de marins s’y consacrent. Je remercie les navigateurs, les partenaires, les mécènes, les sponsors, les collectivités qui mettent déjà des moyens au service de cet enjeu.

Car la responsabilité du sportif ne se limite pas à la technique ou aux choix de route. Elle se joue aussi dans son récit, dans ce qu’il dit de sa trajectoire, dans le chemin qu’il trace pour les autres. Se mettre des œillères n’a jamais été une option pour moi. Même si j’ai mes doutes, même si je suis tiraillé entre l’envie de gagner et le besoin de protéger, je sais que je suis fait de ces contradictions, et que je vais avancer avec.

La voile a toujours été un laboratoire d’innovation. Routage, voiles, gréements, carènes, foils… toutes ces inventions ont façonné des voiliers magiques. Elles servent aujourd’hui à réduire l’empreinte carbone du transport maritime. Il est temps que cette créativité se mette aussi au service de la biodiversité.

Cohabiter : voilà le défi. Pratiquer un sport, un métier, une passion sans détruire, ou le moins possible. Intégrer les cétacés dans la définition même de la performance. Accepter que la vitesse ne vaille rien si elle coûte une vie de trop.

Et puis raconter. Dire. Communiquer. Parce que c’est au cœur de notre sport, et parce que c’est par la parole, l’émotion, le récit que nous convaincrons d’investir davantage dans la protection de l’Océan et de ses habitants. 

À quoi serions-nous prêts à renoncer ? Collectivement, joyeusement, en faisant un effort bien sûr, mais surtout en retrouvant un espace de cohabitation avec le vivant.

Partir au large, c’est l’inverse d’une vie d’enfant gâté. C’est vivre avec peu, tout optimiser, faire corps avec son voilier. C’est se reconnecter à tous ses sens.

L’Océan est une école.
Une école de patience et de liberté.
D’émerveillement et d’équilibre.
De silence et de sensibilité.

Je suis un marin mammifère.
Et ce que je veux transmettre, c’est cela : cohabitons, cohabitons, cohabitons, tant qu’il est encore temps.

Tu as quoi dans le cœur ?
Un morceau de vert, de bleu, et une montre qui ne donne plus l’heure.”

> Découvrez notre dossier Inspire sur la relation entre sport et océans : “Des vagues et des rêves”

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