The Shift Project vient de publier son rapport final « Décarbonons le Sport » et quantifie pour la première fois l’empreinte carbone annuelle du football et du rugby : elle est de 2,2 millions de tonnes de CO2e.
183 pages. C’est le volume du rapport final du think-tank The Shift Project sur le sport, dense en informations et en chiffres. Logique : il y a tant de choses à analyser et à dire sur l’empreinte carbone du sport, et dans ce cas précis du football et du rugby. Après 2 ans de travaux, le rapport « Décarbonons le Sport – Un premier applicatif au football et au rugby » vient donc de livrer ses conclusions, dans le cadre du Plan de transformation de l’économie française (PTEF). Le sport, comme l’ensemble de la société, est confronté aux multiples impacts du changement climatique… auquel il contribue évidemment à travers ses activités.
“Parce que nous voulons continuer à pratiquer, à vibrer, à célébrer nos passions communes, nous devons relever le défi collectif de l’atteinte des objectifs climatiques, sans tricher et sans craindre la blessure en cas de crise énergétique” écrit en préambule le think tank dans son rapport. “C’est à cette condition que le sport sera résilient, pourra garder la place qu’il a dans nos vies, voire en prendre davantage.”
2,2 millions de tonnes de CO2e émis par le football et le rugby français selon The Shift Project
Alors, combien ? Combien de tonnes de CO2 émis par ces deux sports majeurs en France ? Au total, ils génèrent 2,2 millions de tonnes de CO2e par an, soit l’équivalent des émissions des habitants d’une ville comme Rennes ou Lille. Le football amateur et professionnel français génère 1,8 millions de tonnes de CO2e chaque année. Le secteur professionnel en est responsable de 275 000 tonnes, les amateurs générant les 1,525 millions de tonnes restantes. Les chiffres sont à mettre en perspective avec l’étude du New Weather Institute, qui évalue l’empreinte carbone annuelle du football mondial autour de 65 millions de tonnes.
> Découvrir : La synthèse Football du rapport « Décarbonons le Sport »
Côté rugby, les mondes amateur et professionnel génèrent 390 000 tonnes de CO2e chaque année en France. Ici aussi, la plus grande partie vient logiquement des amateurs (220 000 tonnes), à peine en avance sur le secteur pro (170 000 tonnes). Le nombre de pratiquants est pourtant loin d’être le même. Ici le rugby professionnel paye pour les déplacements de ses spectateurs (74%) et des ses équipes et salariés (11%).
> Découvrir : La synthèse Rugby du rapport « Décarbonons le Sport »
Dans chacun des sports, et sans surprise, les émissions de gaz à effet de serre proviennent principalement des déplacements. La part est de 47% dans le football, de 62% dans le rugby. Un match international de l’équipe de France génère d’ailleurs 20 fois plus de gaz à effet de serre (GES) qu’un match de Ligue 1 ou de Top 14. En cause, le nombre important de spectateurs se déplaçant sur de longues distances, souvent en avion. Par ailleurs, les 1% de matchs internationaux représentent 37% des émissions totales, là où les 94% de matchs nationaux représentent 39% des émissions. On peut difficilement trouver meilleur argument au besoin de relocalisation des compétitions, et non à leur internationalisation.
Les autres sources d’émissions de GES proviennent principalement, selon les travaux du Shift Project, de la construction, de l’entretien et de la consommation énergétique des infrastructures (21 %), suivies de la fabrication des articles de sport (18 %) et de l’alimentation et boissons proposées lors des matchs (10 %).
Si les chiffres du football sont plus élevés que ceux du rugby, c’est en grande partie car le nombre de spectateurs et de licenciés y est bien plus élevé. Si les émissions de GES étaient calculées par licencié, les chiffres se rejoignent : 0,67 tonnes de CO2e pour un joueur de rugby amateur, 0,69 pour un joueur de football amateur. Côté ballon rond ou ovale, la répartition est quasiment la même : les deux-tiers de l’empreinte carbone des amateurs sont liés aux déplacements et aux équipements sportifs, tous deux particulièrement dépendants des énergies fossiles.
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Le football et le rugby trop dépendants des énergies fossiles
C’est en somme la conclusion du rapport « Décarbonons le Sport » : le football et le rugby sont trop dépendants des énergies fossiles et se rendent donc particulièrement vulnérables face aux chocs énergétiques et climatiques à venir. La décarbonation des moyens de transports est particulièrement nécessaire et les solutions sont connues de toutes et tous : préférer le train ou le bus à l’avion, préférer le vélo, les transports en commun ou le covoiturage à la voiture individuelle.
La réduction de la consommation – et donc de la production – d’équipements, d’énergie, d’alimentation carnée ou d’emballages sont d’autres leviers majeurs cités par The Shift Project. En outre, ces deux sports sont aussi soutenus financièrement par les géants des énergies fossiles, en France (TotalEnergies dans le rugby), en Europe (Gazprom ou Ineos dans le football) ou ailleurs dans le monde (TotalEnergies ou Aramco dans le football), aggravant le constat et la facture carbone.
> Lire aussi : Géants des énergies fossiles et sport, les liaisons dangereuses
L’objectif reste de diviser par 5 l’empreinte carbone du football et du rugby. Rêve utopique ou véritable possibilité ? The Shift Project a démontré dans ce rapport que cela était possible, mais que cela passait par une profonde transformation des modèles en cours et par un maître-mot : la réduction. La réduction des compétitions et des matchs, la réduction de la dépendance à l’avion, la réduction des distances à parcourir, la réduction des consommations liées au sport… En ce sens, le rapport propose de redéfinir le calendrier sportif – une demande par ailleurs régulièrement émise par les athlètes professionnels pour des raisons de santé. Il propose aussi de rapprocher les matchs des spectateurs, avec des compétitions plus locales et régionales, et de modérer leur rythme et/ou leur taille.
Pour lever les nombreux freins économiques, structurels et comportementaux à la transition, le rapport propose l’activation de 4 pré-requis : améliorer la coordination entre les acteurs du secteur et flécher les financements, planifier la décarbonation, former les professionnels du secteur aux enjeux environnementaux, sensibiliser et accompagner les acteurs du sport. Pour décarboner le sport, il faudra aussi explorer d’autres disciplines, collectives ou individuelles. La méthode est connue, il n’y a plus qu’à !