Dans un rapport accablant publié le 18 septembre 2024, le think tank New Weather Institute révèle une partie des investissements massifs réalisés par les géants des énergies fossiles dans le sport pour redorer leur image.
« Les parrains du chaos climatique (…) engrangent des bénéfices records et se régalent de milliers de milliards de dollars de subventions financées par les contribuables. Nous devons tenir tête aux acteurs du secteur des combustibles fossiles qui, depuis des décennies, font preuve d’un inlassable zèle pour entraver le progrès » Ces propos sont ceux d’António Guterres, le Secrétaire Général des Nations Unies. Principaux artisans du dérèglement climatique, les géants du pétrole, du charbon et du gaz – en somme, des énergies fossiles – ont trouvé un nouveau terrain de jeu pour dynamiser leur capital sympathie : le sport.
Une récente étude du think tank britannique New Weather Institute montre les investissements dantesques réalisés par ces sociétés dans le secteur sportif, démontrant un certain syndrome de Stockholm. 5,6 milliards de dollars. Telle serait, au bas mot, la somme investie par les compagnies pétrolières dans le secteur sportif.
Les investissements colossaux (et sous-évalués) des compagnies pétrolières et gazières dans le sport
Dans le rapport « L’argent sale : comment les parrainages des entreprises fossiles polluent le sport » parue le 18 septembre dernier, l’association a recensé pas moins de 205 accords de partenariat. Le football avec 58 contrats signés, les sports mécaniques (39), le rugby (17) et le cyclisme (15) sont de loin les disciplines préférés de ces « parrains du chaos climatique ».
Aramco dont les investissements s’élèveraient à 1,1 milliard €, se trouve sur la plus haute marche du podium. Le « Partenaire mondial majeur » de la FIFA – jusqu’en 2027 – est suivi par Ineos (699 millions €) et Shell (423 millions €). TotalEnergies aurait injecté 306 millions € dans le sport en 2024. Ces estimations sont néanmoins largement sous-évalués. En effet, sur les 205 contrats obtenus, New Weather Institute n’a pu s’en procurer que 41 faisant apparaître une valeur monétaire. Les autres sont aussi opaques que le pétrole que ces compagnies exploitent.
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L’étude épingle aussi les sportif(ve)s. Ballon d’or du mauvais exemple : le footballeur Lionel Messi, qui promeut en effet sur les réseaux sociaux des États comme l’Arabie Saoudite, dont l’économie repose principalement sur les énergies fossiles. Un bel et malheureux exemple de sportwashing.
Le sportwashing pour améliorer sa réputation
Spécialistes de la mal-bouffe, producteurs d’énergies fossiles, compagnies aériennes… Les entreprises très polluantes sont présentes dans le sport depuis fort longtemps. Les décideur(se)s et équipes marketing de ces structures ont bien compris que le sport, plateforme d’influence majeure en perpétuelle recherche d’argent, pouvait devenir un coéquipier privilégié pour redorer leur blason.
Ainsi, ces compagnies, souvent d’envergure internationale, n’hésitent pas à sortir le chéquier pour appâter les gouvernances des clubs et les institutions du sport et, par la même occasion, acheter leur éthique. Elles arrivent aussi à diffuser au sein de ces entités sportives leurs éléments de langage, visant à adoucir un peu plus leur image. Si une firme comme TotalEnergies investit bien dans les énergies renouvelables, il est important de garder à l’esprit qu’elle inclue le gaz « naturel » dans ces énergies – alors que c’est une énergie fossile – et que son objectif à horizon 2030 est d’avoir un mix énergétique composé de 85 % d’énergies fossiles et de 15 % d’énergies renouvelables. Bien insuffisant pour respecter les Accords de Paris et à des années-lumières des signaux d’alarme tirés par les membres du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC).
Au royaume du sport business, les TotalEnergies, Ineos, Aramco et Shell sont donc accueillis à bras ouvert par des structures qui font fi de la réalité : la pratique sportive, même avec un réchauffement climatique global limité à +2°, sera très fortement impactée.
Des solutions-clés pour changer la donne
En conclusion de son rapport, New Weather Institute préconise 5 actions radicales et nécessaires pour en finir avec ces partenariats : introduire des interdictions de type tabac sur le parrainage des entreprises issues de l’industrie fossile ; rechercher et encourager activement des sources de financement du sport plus durables ; exiger une transparence totale sur les émissions de gaz à effet de serre des partenaires et les mesures prises pour les réduire ; effectuer une vérification minutieuse sur les effets de tout sponsor potentiel sur le changement climatique et retrait de ceux qui ne sont pas en phase avec les objectifs des Accord de Paris ; et enfin intégrer les accords de parrainage dans la stratégie ESG (Environnement, Social et Gouvernance).
Comme le souligne très justement Andrew Simms, co-directeur de New Weather Institute, « si le sport veut avoir un avenir, il doit se débarrasser de l’argent sale des grands pollueurs et cesser de promouvoir sa propre destruction ». Il est donc de la responsabilité des dirigeant(e)s du secteur sportif, vis-à-vis des générations actuelles et futures, de ne plus être les complices d’entreprises éliminant le vivant et nous envoyant vers un monde plus qu’incertain au nom de leurs profits économiques.