Sportivement et écologiquement, la nouvelle formule de la Coupe du Monde des clubs de football qui a lieu cet été est un contre-sens. Cette fois encore, c’est le facteur économique qui a poussé le président de la FIFA à créer cette compétition, qui subit de plein fouet les conséquences du changement climatique. Éclairage en deux temps, dans notre dossier spécial.
Notre dossier sur la Coupe du Monde des clubs de football
> Épisode 1 (1er juillet) : Quand trop de foot tue le foot
> Épisode 2 sur les conditions climatiques à retrouver le 2 juillet 2025
Cet été, pour les footballeurs masculins, il n’y a pas de Coupe du Monde, ni de Copa America, d’Euro, ou de Coupe d’Asie des Nations. Hormis les jeunes talents qui ont joué l’Euro espoirs, tous les joueurs évoluant dans des clubs européens, dont les calendriers se surchargent d’année en année, vont pouvoir – enfin – se reposer. Tous ? Non ! Un certain Gianni Infantino, président de la FIFA, a décidé que 32 formations s’affronteront cet été lors de la nouvelle Coupe du Monde des clubs. Un nouveau format qui n’a pas l’air de convaincre les supporters. Selon un sondage réalisé en décembre dernier par Foot Mercato sur près de 60 000 votants, dont l’immense majorité est passionnée de football, 76% d’entre eux ne seraient pas “hypé” par la nouvelle formule du Mondial des Clubs.
Il faut dire qu’elle pose problème, tant au niveau de la santé des joueurs que de celle de la planète. 32 clubs venus des quatre coins du monde s’affrontent aux Etats-Unis. Douze formations européennes, six sud-américaines, cinq d’Amérique du Nord, quatre d’Afrique et d’Asie, et une d’Océanie. La compétition tend à être organisée tous les quatre ans, chaque année où il n’y a pas encore de compétitions organisées entre les nations. Le but est bien, nous l’avons compris, de combler l’espace vide et d’utiliser au maximum les joueurs.
Un calendrier surchargé et une santé menacée
C’est bien d’eux dont la FIFA ne se préoccupe que très peu : les footballeurs, et leur santé. Après l’élargissement de la Coupe du Monde des Nations, qui comptera à partir de 2026 48 pays au lieu de 32, la nouvelle idée de Gianni Infantino risque d’affecter encore les organismes. En août 2023, Raphaël Varane alertait déjà à ce sujet sur ses réseaux sociaux. “Les dirigeants et les joueurs nous font part de leurs inquiétudes depuis de nombreuses années : il y a trop de matchs, le calendrier est surchargé et c’est dangereux pour le bien-être physique et mental des joueurs”.
Anthony Alyce, fondateur du média Ecofoot, remarque que ce sujet émerge de plus en plus chez les joueurs, mais que cela n’a pas abouti – pour l’instant – à de réelles évolutions. “On parle davantage de cadence infernale, mais il n’y a pas vraiment d’effets. Les compétitions comme la Coupe du Monde des Nations ou la Ligue des Champions s’agrandissent, d’autres se créent comme la Coupe du Monde des Clubs ou la Ligue des Nations. Pour éviter les grosses blessures, le système à cinq remplacements créé lors de la reprise post-Covid est resté en place dans la plupart des compétitions, et les clubs élargissent leurs effectifs”.
Là encore, l’aspect économique pourrait faire bouger les lignes selon l’expert. “L’essentiel du chiffre d’affaires généré par le football est redistribué aux plus grands joueurs, donc s’ils étaient prêts à baisser leur salaire, peut-être que ça permettrait de diminuer le nombre de matchs. C’est le serpent qui se mord la queue”. Car c’est bien pour des motivations économiques que cette nouvelle Coupe du Monde des clubs a été créée. Selon Anthony Alyce, la FIFA chercherait à rattraper son retard sur l’UEFA, l’instance qui gère le football européen. “Sur le cycle 2019-2022, coupe du monde au Qatar incluse, la FIFA n’a généré que 7,5 milliards d’euros, contre 15 milliards pour l’UEFA. De plus, la FIFA n’a pas de grande compétition de clubs”.
Financièrement, cette compétition semble en arranger plus d’un. En juin 2024, l’entraîneur du Real Madrid Carlo Ancelotti avait très vite été repris par son président Florentino Pérez lorsqu’il avait affirmé en conférence de presse “La FIFA l’oublie : les footballeurs et les clubs ne participeront pas à ce tournoi. C’est négatif pour le Real, et d’autres clubs déclineront l’invitation”, comme le rapportait 20 minutes. “Les clubs européens sont plutôt satisfaits de cette compétition rémunératrice, qui pourrait rapporter jusqu’à 120 millions de dollars au vainqueur”, observe Anthony Alyce. Finalement, aucun des 32 clubs n’a décliné l’invitation.
La FIFA quant à elle, empochera-t-elle les 2 milliards de dollars qu’elle espère gagner grâce à cette compétition ? Si l’instance a mis plusieurs mois à trouver un diffuseur pour retransmettre son mondial, c’est désormais chose faite. “La FIFA a permis en coulisses à DAZN d’acheter les droits TV à l’aide de fonds saoudiens, en échange de l’organisation en Arabie Saoudite de la Coupe du Monde des Nations de 2034, détaille l’économiste du sport Pierre Rondeau. En échange, la plateforme diffusera gratuitement et dans le monde entier tous les matchs de la Coupe du monde des clubs. Ainsi, beaucoup de matchs seront joués à midi aux Etats-Unis, quand il fera 35°C, pour permettre à des supporters européens qui se contrefichent de cette compétition de la regarder tout de même car elle sera accessible gratuitement”.
Reprenons. Cette compétition, rendue possible par l’argent généré par l’industrie fossile saoudienne – les fameux pétrodollars au coût carbone important – organise des matchs dont beaucoup de fans ne se préoccupent guère, sous des températures élevées, mettant en danger joueurs et spectateurs. Sans surprise, les conditions climatiques ont donc joué des tours aux organisateurs, contraints d’interrompre plus de 6 matchs, rendant la situation définitivement ubuesque.

Les compétitions internationales, gros émetteurs de CO2
L’organisation de ce Mondial des clubs est davantage un symbole historique, avec la présentation du trophée par Gianni Infantino dans le bureau de Donald Trump en mars dernier. L’environnement, dont ces deux hommes ne se soucient guère, est également menacée par l’organisation de cette compétition et par les actions menées par la FIFA de manière générale. L’instance promet “d’être neutre en émissions carbone d’ici 2040” comme le rappelle Anthony Alyce. Mais il suffit de regarder le choix des pays hôtes pour les deux prochaines Coupes du Monde des Nations (2026 au Canada, Etats-Unis et Mexique, 2030 en Argentine, Uruguay, Paraguay, Espagne, Portugal et Maroc) et le nombre de déplacements qu’elles vont engendrer pour comprendre qu’il ne s’agit pas d’une réelle ambition mais, au mieux, d’une blague, au pire, d’un cas évident de greenwashing.
Pour la Coupe du Monde des clubs, les lieux des rencontres ont été quelque peu aménagés, davantage pour des questions de logistique mais qui servent tout de même les considérations écologiques et la santé des joueurs. “Douze stades accueilleront des matchs à travers les Etats-Unis, et pour sa phase de poules, le PSG est resté par exemple uniquement sur la côte ouest”, indique Anthony Alyce. Une sorte de “bonne nouvelle” à relativiser, quand on sait que les Parisiens ont parcouru près de 1 800 km en avion pour aller de Los Angeles, où ils joueront leur deux premiers matchs, à Seattle, où a eu lieu leur dernier match de poule, avant de rallier Atlanta, à 4 000 km de là, pour les huitièmes et les quarts de finale.
“D’un point de vue macro, on peut en effet s’interroger sur l’organisation d’une telle compétition”, assure Anthony Alyce. Pour Pierre Rondeau, s’il a l’impression que le CIO comprend l’enjeu d’être plus sobre d’un point de vue écologique concernant l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, c’est loin d’être le cas pour la FIFA.
Le dernier rapport du Shift Project rappelle à juste titre l’impact considérable des rencontres internationales parmi l’ensemble des matchs de football en France. Ainsi, le rapport explique que les 1% de matchs internationaux représentent 37% de l’empreinte carbone du football, là où les 94% de matchs nationaux en représentent quasiment autant, 39%. Il sera intéressant de se pencher sur le bilan carbone de cette nouvelle compétition, alors que la Coupe du Monde des Nations au Qatar en 2022 a émis plus de 4 millions de tonnes de CO2.
> Regarder la vidéo : Les GESI, de grands émetteurs de CO2
Calendrier surchargé, santé des joueurs et des spectateurs menacée, augmentation des émissions de CO2 du football, outil politique et de sportwashing : la première Coupe du Monde des clubs n’est pas encore achevée qu’elle semble déjà appartenir à un modèle du passé. Pourtant bien ancrée dans le présent, la compétition subit logiquement les conséquences du changement climatique. Ce sera l’objet du deuxième sujet de ce dossier, dès demain, sur Ecolosport.