En partenariat avec le magazine Les Sportives, média de fond de référence du sport féminin. Retrouvez ce sujet dans le n°24 des Sportives.
Médaillée d’argent en aviron aux derniers Jeux de Tokyo, en deux de couple poids légers, Claire Bové (24 ans) est une rameuse engagée sur les enjeux environnementaux. À quelques encablures d’échéances internationales importantes, avec Paris 2024 en ligne de mire, l’athlète, également étudiante en kinésithérapie, s’est confiée sur les liens entre son sport et l’écologie. Entretien
En avril dernier, vous faisiez part sur Linkedin de votre sensibilité et de vos engagements aux enjeux environnementaux. Concrètement, que faites-vous dans votre quotidien pour réduire votre impact ?
Claire Bové : J’ai conscience qu’être sportive, c’est aussi avoir un impact sur l’environnement car la pratique engendre par exemple beaucoup de déplacements ou d’utilisation de matériel. Alors, au quotidien, j’essaye de réduire ma consommation de carburant. Globalement, je ne me déplace qu’à vélo. Certes, j’ai 16 kilomètres à parcourir, cela prend du temps, mais c’est agréable de se déplacer à deux roues. C’est aussi une économie d’énergie et de ressource. De la même manière, pour les vêtements, cela ne sert à rien d’en acheter des tonnes. J’essaie plutôt de reprendre des vêtements déjà portés, d’aller dans les friperies. Ainsi, il y a moins de production, cela a un coût moindre pour la planète.
Votre discipline vous a-t-elle poussée à considérer les enjeux écologiques ?
Claire Bové : Dans l’aviron, nous avons un rapport important à l’environnement. L’eau est notre terrain de jeu. Nous sommes assez impactés par la pollution des rivières ou atmosphérique. Cela nous touche de près, nous le voyons au quotidien et nous ne voulons pas le voir pourrir… La Fédération française d’aviron est assez engagée sur ces sujets, elle évite le plus possible les stages à l’étranger. On en a beaucoup en France, aux mêmes endroits. On ne va pas quinze jours en Chine, puis au Pérou, etc. Seules les grosses compétitions nous amènent à aller à l’étranger, mais généralement, c’est en Europe. C’est important pour moi de le souligner.
Si des stages avaient lieu loin de nos frontières, vous iriez ? La question s’est-elle posée ?
Claire Bové : Nous avons eu ce cas de figure, une fois. Un stage a été organisé en Afrique du Sud pour éviter l’hiver en France, pourvoyeur de blessures. Il y avait un prérequis : il fallait que le stage ne dure pas dix jours mais soit plus long. Il y avait sûrement des endroits tout aussi bien et plus proches. Néanmoins, j’y suis allée. C’est aussi un sport d’équipe. Je ne peux pas simplement refuser et ainsi abandonner l’équipage…
D’où vous vient votre prise de conscience ? Cela est souvent dû à l’éducation des parents, à des sensibilisations effectuées ou à un déclic…
Claire Bové : Le premier déclic a eu lieu au collège. Nous avons regardé une vidéo choc, cela nous paraissait assez futuriste, mais c’est finalement ce qui est en train de se produire aujourd’hui. C’était une projection de ce qui pouvait se passer dans les prochaines années si nous ne faisions rien : la chaleur, les forêts qui brûlent, etc. Un scénario catastrophe. On y arrive et cela me fait très peur car je suis en contact avec la nature au quotidien. J’apprécie tellement de me balader en forêt, de ramer sur l’eau, le calme d’un lac, d’entendre les oiseaux chanter… J’ai grandi à la campagne, un peu loin de tout. J’habite aujourd’hui en ville et cela me manque de ne pas être dans un milieu naturel tout le temps.
Dans votre relation avec vos sponsors ou votre fédération, l’environnement est-il un sujet central ?
Claire Bové : Oui, clairement. Un partenariat, ce sont d’abord des valeurs, des gens avec qui j’ai envie de construire quelque chose. Si on ne s’entend pas sur un sujet – et celui sur l’environnement est pour moi très important -, si on ne respecte pas ces valeurs-là, ce n’est pas possible de cohabiter. Avec mes partenaires, je veux que nous soyons sur la même longueur d’onde.
Les sportifs de haut niveau pensent parfois devoir se taire sur cette cause. Est-ce que ça a été votre cas ?
Claire Bové : Au début, je ne me sentais pas très légitime à en parler en raison de mon impact négatif. Des canaux à moteur me suivent au quotidien, je reçois chaque année les dotations France qu’on n’utilise pas forcément. Ce sont plein de petites choses, sur l’alimentation aussi ou sur le gâchis. Néanmoins, je me sens de plus en plus apte à prendre la parole. Quand on a des résultats, on a une plus grande notoriété, donc on a envie de parler. Sinon, on ne le fera jamais. Il faut aussi que l’on se mette à écouter… Mais pour cela, il faut bien que quelqu’un dise quelque chose ! Même si l’on se prend des râteaux (sic) en disant que, sur ceci ou sur cela, il faut faire attention, c’est bien de s’exprimer.
Quel est votre regard sur les liens entre l’écologie et le sport ?
Claire Bové : L’écologie et le sport sont assez proches. Le sport est une dépense d’énergie mais aussi une ressource. Oui, c’est plus fatiguant de faire du sport que de s’asseoir dans sa voiture ou dans son canapé pour consommer, mais ça offre d’autres possibilités. Il faut s’ouvrir à d’autres façons de vivre et le sport peut nous aider en cela. Dans l’aviron, je crois que nous sommes assez proches de cette réflexion.
D’une manière générale, êtes-vous optimiste ou pessimiste sur l’avenir de la planète ?
Claire Bové : J’aimerais bien être optimiste (rires) et me dire que tout va changer, que chacun va avoir un électrochoc. Je crois que nous l’avons déjà tous eu, en fait. En 2020, lors du confinement, personne n’utilisait de voiture, la consommation était inférieure et la différence a été instantanée : il y avait plus de fleurs, l’air était plus sain… C’est possible ! Il faut faire des efforts à l’échelle individuelle. J’invite à être optimiste parce que ce sont des efforts à faire, sans trop de contraintes à mon sens. Dans le même temps, les changements ne sont pas assez rapides, trop de gens s’en fichent. Et cela pousse plutôt au pessimisme…
Photo à la Une : © Maja Hitij/Getty Images