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Comment la data se met au service de la transition écologique du sport

Comment la data se met au service de la transition écologique du sport
© Joshua Sortino / Unsplash
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Clubs de Ligue 1 et Ligue 2, Jeux olympiques, cyclisme : les compétitions et les organisations sportives utilisent de plus en plus la data pour accélérer leur transition écologique. De nouveaux ponts se développent ainsi entre ces acteurs du sport et des spécialistes en collecte et utilisation de données.

Nous en parlions en février dernier, la Ligue de Football Professionnel (LFP) a placé la data au cœur de sa nouvelle stratégie RSE. La LFP a noué deux partenariats : le premier avec l’entreprise Sami, concernant la réduction de l’empreinte carbone des clubs, le second avec la plateforme Zei, avec pour objectif de mieux gérer les déchets et les consommations d’eau et d’énergie. Ces spécialistes de la data vont collecter des données auprès de la Ligue et des 36 clubs de football professionnels.

L’objectif est pour chacun de suivre leurs performances ESG (environnemental, social, et de gouvernance) et de pouvoir les comparer avec d’autres clubs. Il n’est en aucun cas d’établir un classement, comme l’explique Noël Bauza, fondateur et directeur de la plateforme Zei. “En se comparant avec les autres clubs de Ligue 1 et Ligue 2, voire avec des formations d’autres sports inscrits sur notre plateforme, un club pourra mieux se rendre compte sur quel domaine il est en avance, et au contraire comprendre là où il doit s’améliorer”. En remarquant par exemple que l’arrosage de sa pelouse consomme deux fois plus d’eau que la moyenne des autres stades, un club pourrait ainsi cibler ce point défaillant.

En plus des valeurs absolues collectées, Zei vise les valeurs relatives, pour mieux pouvoir comparer les clubs entre eux.“Au lieu de se contenter du nombre de déchets produits par un club, on cherche aussi le nombre de déchets produits par million d’euros”. Ainsi, avec cette unité de mesure, un club avec un budget plus restreint pourra quand même se comparer avec un club plus aisé, et inversement.

L’avantage de cette centralisation sur une même plateforme, c’est aussi l’utilisation des mêmes méthodes de calcul de consommation d’eau ou d’énergie, notamment. “Parce que si un club calcule par exemple sa consommation d’énergie pour le chauffage dans ses locaux en comptant le nombre de kilowattheure par mètre carré, et un autre le calcule en fonction du nombre de kilowattheure par personne, il sera impossible de comparer les deux résultats”, détaille Noël Bauza.

Zei et la LFP ont établi plusieurs “modules”, sur différentes thématiques, pour que chaque club puisse faire sa transition écologique à son rythme. En fonction des données qu’ils ont déjà collectées, les clubs vont être plus ou moins en avance dans leur transition. “C’est pour ça, appuie Noël Bauza, qu’on voulait vraiment quelque chose de modulaire pour avancer le plus vite possible, de manière globale, mais sans pour autant laisser de côté les clubs moins avancés qui ne parviendraient pas à suivre”

Même si le partenariat entre Zei et la LFP ne sera effectif officiellement qu’à partir de la saison 2025/26, les travaux ont déjà commencé. “Pour le moment, on travaille sur un référentiel CSRD (directive européenne relative à la publication par les entreprises d’informations en matière de durabilité, ndlr) pour avoir un rapport RSE qui va être commun entre les différents clubs, ce qui leur permet de ne pas avoir à faire le travail tout seul”.

> Lire aussi : La LFP dévoile sa nouvelle ambition environnementale pour le football français

La data aux JO, encore plus proche du terrain

L’utilisation de la data s’est largement répandue dans le sport, bien au-delà de la LFP et jusque dans la plus grande compétition mondiale, les Jeux olympiques. Lors des Jeux de Paris 2024, Kevin Martel travaillait justement sur le sujet, en tant que Manager Data. Sa mission était davantage sur le terrain, et visait à “accompagner les opérationnels à mieux planifier leur événement en utilisant leurs données historiques”. Autrement dit, il s’est basé sur des données issues des précédentes éditions d’une compétition, pour mieux anticiper les besoins logistiques. “Par exemple, pour les Jeux de Paris on a déployé un Tx (taxi dédié à l’organisation) pour 3 accrédités, se souvient-il. C’était trop, donc pour la prochaine édition, on recommande de déployer un taxi pour 6 accrédités, pour mieux faire tourner le service”.  

Il a été nommé Manager Data des Jeux au début de l’année 2021. Sa première mission consistait à récupérer auprès du CIO les données issues des trois dernières Olympiades afin de mieux anticiper les besoins de Paris 2024. “C’était difficile, parce qu’on avait beaucoup de données des Jeux de Tokyo, mais c’était une “édition Covid”, on ne pouvait pas s’y baser à 100%. Pour Rio, on avait assez peu de données. Et Londres, on en avait un petit peu plus, mais c’était il y a 12 ans, donc on ne pouvait pas non plus se baser complètement dessus.”

Les Jeux de Paris ont demandé une organisation monumentale puisqu’il fallait gérer les transports, l’hébergement, et les repas de près de 15 000 athlètes et para-athlètes et leur staff, et également les transports et repas des 45 000 bénévoles. Après avoir défini l’ensemble des besoins pour un site, c’est-à-dire, entre autres, le nombre de bus ou de panier-repas pour les bénévoles, le plus dur restait encore à venir. Il fallait coordonner toutes les équipes. “Il ne faut pas que l’on se retrouve avec un site où on a une fréquence de bus toutes les 3 minutes, parce que l’équipe transport considère qu’il va y avoir énormément de monde, et de l’autre côté l’équipe restauration qui estime le contraire, et qui prévoit ainsi très peu de nourriture, décrit Kévin Martel. Il faut éviter ce type d’incohérences, parce que l’un ou l’autre va se tromper à un moment donné, et peut-être que la vérité est au milieu des deux. Le but était donc de partager au maximum ces informations pour avoir une base de données de référence qui permette à chacun de vérifier si ses hypothèses sont pertinentes ou incohérentes avec le reste de l’organisation”.

“Pour des gros événements on a tendance à surdimensionner”

Tout au long de ces Olympiades parisiennes, Kévin Martel et ses équipes ont dû constamment s’adapter à une communication plus ou moins réussie entre les différents pôles. “C’était la partie la plus challengeante, ça a été très compliqué, il y a des tableaux Excel qui traînaient dans tous les coins, chaque site était un peu libre, avec des niveaux de maturité et de précision différents. Ce n’était pas optimal”, regrette t-il.

La data sert justement à mieux anticiper les besoins pour éviter au maximum la surproduction et la surconsommation, “parce que pour des gros événements, on a tendance à surdimensionner et donc ça entraîne un gâchis écologique et financier”, affirme Kévin Martel.

Selon lui, l’utilisation de la data pourrait être appliquée dans tous les sports, mais de manière différente. Avec l’entreprise Re.Events, qu’il a créé après les Jeux, il travaille désormais avec différentes fédérations et organisateurs d’événements. “On ne va pas collecter les mêmes données en fonction des enjeux d’un événement. Par exemple, pour le football, l’un des enjeux est l’arrosage des pelouses. Elles consomment énormément d’eau. Nous allons passer beaucoup plus de temps à collecter de la donnée de qualité sur l’arrosage de pelouse, que sur les transports, parce qu’à partir du moment où les supporters sortent du stade, ils seront gérés par les transports publics et non pas par l’organisateur”

Côté transports, justement, les données collectées permettent aussi de savoir comment vont et viennent les publics sur l’événement. Mais, selon Kévin Martel, la data n’est pas la solution à tout : elle doit permettre aux organisations sportives d’adapter leur stratégie en conséquence. “Par rapport aux déplacements des spectateurs étrangers, la data ne sert qu’à faire des constats. On sait que la plupart d’entre eux viennent en avion, et donc on sait que leur moyen de transport est beaucoup plus polluant que celui des autres spectateurs. Maintenant, ce sont des solutions stratégiques et politiques qui doivent être mises en place pour limiter le nombre de spectateurs étrangers ou les obliger à prendre un moyen de transport plus neutre en carbone.” 

D’autres structures, comme 261PI et son partenariat avec l’UCI, souhaitent utiliser les datas pour mesurer et donc renforcer les stratégies ESG des organisations sportives. La data ne se met pas qu’au service du développement économique ou sportif des structures, elle favorise aussi leur transition écologique.

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