Le réchauffement climatique touche toutes les régions du monde et notamment les pôles. Au Québec, ses effets sont divers et la neige devient une ressource importante qu’il faut préserver. Si elle commence à relativement manquer dans les stations de ski, elle peut aussi être recyclée pour économiser l’eau potable.
74 centimètres de neige. C’est le record établi par Montréal en février dernier. Depuis 1941, première année des registres météorologiques, la ville la plus peuplée du Québec ne s’était jamais réveillée sous un manteau blanc aussi épais. De décembre à février, Montréal n’a connu que 24 jours au-dessus de 0°C, soit deux fois moins que l’an passé. Alors, peut-on affirmer que le réchauffement climatique ne touche pas le Québec et, qu’au contraire, cette province canadienne se refroidit ? Tout n’est pas si simple.
C’est là où il ne faut pas confondre météo et climat. L’organisme Ouranos, né en 2001 d’un partenariat entre le Gouvernement du Québec, la société Hydro-Québec et Environnement Canada, détaille justement ce point. Le climat décrit “une longue période […] défini par les valeurs normales calculées sur 30 ans”. La météo, quant à elle, se réfère “au temps qu’il fait à un endroit précis, aujourd’hui ou dans un avenir rapproché”. Les pôles sont davantage touchés par le dérèglement climatique. Selon Ouranos, “alors que la Terre s’est réchauffée de 0,8°C durant les 70 dernières années, la température moyenne annuelle du Québec a augmenté de 1,1°C”. Ainsi, “l’intensité et la fréquence de certains événements extrêmes comme les vagues de chaleur et les précipitations intenses” sont accentuées.
Pour James Guilbaud, chargé de projets au marché sportif pour Tourisme Montréal, les effets du “changement climatique se ressentent déjà au Québec et affectent aussi le sport”. Début décembre, l’une des courses de la Coupe du monde de ski alpin devait se tenir à Mont-Tremblant, au sud du Québec, à une centaine de kilomètres de Montréal. Mais face au manque de neige, l’événement a dû être annulé.
Interrogé par Radio-Canada, le directeur de l’événement Nicholas Cogger affirmait à propos des températures qu’il s’agit d’une “anomalie” et que “selon les études, sur les 20 dernières années, c’est la première fois qu’on fait face à cette situation”. Invité en duplex à propos de la durabilité de cette course dans l’avenir, il explique qu’il ne voit pas cette édition annulée comme un tournant, mais plutôt comme une exception qui viendrait confirmer la règle. “En 20 ans, on n’a jamais eu ce genre de météo donc le risque [qu’il manque de la neige pour les prochaines éditions] existe à peine”, assure-t-il.
Manque de neige, fortes pluies, feux de forêts : les divers effets du réchauffement climatique
Les stations de ski québécoises sont pourtant directement impactées par le changement climatique. En plus du manque de neige, les fortes pluies et les périodes de canicule s’invitent dans la province canadienne en été. “Les feux de forêts sont une nouvelle réalité au Québec : ils détériorent la qualité de l’air et empêchent de faire du sport en extérieur” décrit Gabrielle Larose, directrice au développement durable de l’association des stations de ski du Québec.
De nombreuses stations commencent désormais à mettre en place du snowfarming. Il s’agit tout simplement de stocker la neige sur l’ubac – le versant de la montagne le moins exposé au soleil – ou sous une couche de copeaux de bois, afin de la garder au frais pour la saison suivante et éviter ainsi l’utilisation de canons à neige. Ces derniers sont très polluants car ils consomment énormément d’eau. D’après un dossier de la Commission internationale pour la protection des Alpes (CIPRA), “près de 1 000 litres d’eau sont nécessaires pour produire environ 2,5 mètres cubes de neige artificielle”.
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Au Québec, comme plus généralement dans l’ensemble du Canada, “l’eau n’a jamais vraiment été une ressource à économiser car il y en a en abondance”, analyse James Guilbaud. En effet, le Québec possède 3% des ressources mondiales d’eau douce, et l’ensemble du Canada en détient 20% selon un rapport du gouvernement. Mais les mentalités commencent à évoluer, et le recyclage de la neige devient de plus en plus une solution afin d’éviter la consommation d’eau potable.
Dans plusieurs pays, la neige est déjà considérée comme une ressource exploitable. En Suède, l’hôpital de Sundsvalls récolte la neige en hiver et l’utilise pour sa climatisation en été, d’après un article de Ville en Vert. Idem au Japon, où le recyclage de la neige dans l’aéroport d’Hokkaido permet de “diviser par deux les coûts de refroidissement” selon le responsable de ce dispositif Kota Honma, interrogé par le média 24 heures.
Dans l’un de ses posts LinkedIn, James Guilbaud émet enfin la possibilité de refroidir les centres de données avec de la neige, au lieu de l’eau potable utilisée pour l’instant : “Saviez-vous qu’une seule requête ChatGPT “consommerait” 500 ml d’eau pour refroidir les serveurs ? Imaginez maintenant le volume total… Et si on utilisait la neige comme source de refroidissement naturelle ?”

Le “fondeur à neige” recycle la glace des patinoires
Le recyclage de la neige est aussi une réalité dans le sport. C’est ce sur quoi travaille Alain Phaneuf. Père de deux joueurs professionnels de hockey-sur-glace, il a été marqué par la consommation des patinoires en eau potable. En effet, lorsque les surfaceuses à glace passent sur la patinoire pour l’aplanir, elles l’arrosent avec de l’eau chaude pour que la glisse soit meilleure. Ainsi, 600 à 800 litres d’eau potable sont chauffés et ne sont utilisés qu’une seule fois.
Alain Phaneuf pense alors à récupérer cette eau pour la réutiliser dans le même but. “Cette eau va aussi servir de fondeur à neige, explique l’inventeur. En fait, à chaque fois qu’on aplani la patinoire, on se retrouve avec un gros stock de neige dont il faut se débarrasser. Pour aller plus vite, on l’arrose d’habitude d’eau potable là encore chauffée et utilisée qu’une seule fois. Donc pour faire fondre de la neige, ça ne change rien que ce soit de l’eau réutilisée”.
Alain Phaneuf n’en est pas à sa première invention pour moderniser le hockey-sur-glace. Il a développé des buts en aluminium dont l’avantage est triple. Les buts, traditionnellement fabriqués en acier, sont 100% recyclables. En termes de durabilité, la donne change aussi : “Nos buts sont garantis 8 ans, mais peuvent être effectifs pendant 20, 25 ans, voire à vie. Alors que les anciens buts devaient être changés tous les 3 ans”, détaille l’inventeur. Pour les personnels travaillant dans les patinoires, ces nouveaux buts sont aussi un avantage puisqu’ils ne pèsent qu’une vingtaine de kilos, soit deux fois moins que les buts classiques. Une quarantaine d’arenas ont adopté cette invention au Québec et dans d’autres provinces canadiennes.
Même au Québec, il est difficile d’échapper aux effets du réchauffement climatique, même si des innovations naissent pour les limiter. Pour Gabrielle Larose, il est primordial de s’y adapter, en changeant notamment ses habitudes : “iI faut changer l’image qu’on a des saisons, l’hiver ne sera plus une période où on a de la neige de novembre à mars”. Les infrastructures doivent elles aussi évoluer. “Il faut maximiser l’utilisation du chalet de ski pour ne pas le laisser vide en été. La réponse n’est pas forcément touristique, ces lieux peuvent aussi servir pour créer du lien social”, suggère-t-elle.