Comment allier une carrière sportive de haut-niveau avec un engagement écologique ? Telle est la question qui taraude Ainhoa Leiceaga. La surfeuse performe sur le circuit QS européen de la World Surf League (WSL). En parallèle étudiante en physique-chimie, cette amoureuse de l’océan poursuit ses études en Master “Sciences de la mer”. Un moyen de mieux comprendre celle sur laquelle elle surfe tout au long de l’année, pour mieux la protéger. Rencontre avec l’athlète basque de 23 ans qui peut faire figure d’ovni dans un milieu finalement peu éco-friendly.
Ecolosport : Comment en es-tu arrivée à devenir surfeuse de haut niveau ?
Ainhoa Leiceaga : Mes parents n’étaient pas surfeurs, mais on habitait quand même à 15 minutes de la plage et ils m’emmenaient souvent là-bas l’été. J’ai tout de suite aimé la sensation avec l’océan, la sensation de la glisse. Et puis j’ai commencé par des cours de surf l’été, puis en club, puis au pôle et après le lycée, j’ai intégré le collectif France (réserve de l’équipe de France, ndlr).
Aux premiers abords, on a l’impression que le surf est un sport “éco-friendly”. En quoi est-ce un faux-semblant ?
Parce que surf rime avec voyage ! Ça demande de prendre l’avion, de partir dans les pays chauds quand il fait froid ici. Et ça ne va pas avec le respect de la nature, on est déconnecté. C’est le principal problème du surf. Mais il y a aussi le voyage bas carbone ! On peut faire des covoiturages, ou même des vans trips qui se font pas mal en surf. Et ça, ça va avec le vrai esprit du surf.
Les partenariats entre Jeep et des surfeurs, ça m’étonne autant que les grandes compétitions sponsorisées par les marques de bières. C’est carrément dans le nom ! Et c’est complètement aux antipodes des valeurs du sport. Moi je suis complètement contre, mais les organisateurs prennent l’argent où il est, sans regarder les valeurs véhiculées par ces marques.
Comment adaptes-tu ta pratique du surf à ton engagement écologique ?
Avant, j’avais pour objectif d’atteindre le circuit mondial, ce qui est normalement l’objectif quand on est sur le circuit européen. Mais en fait, cette année j’ai beaucoup réfléchi. Je me suis rendu compte que cet objectif de circuit mondial n’était pas compatible avec mes valeurs. Mon objectif, c’est de performer sur le circuit européen, quitte à me qualifier sur le circuit mondial, mais de ne pas y aller.
Avant, je prenais l’avion une fois par an, pour aller m’entraîner dans des destinations assez lointaines, notamment l’hiver. Maintenant je ne le fais plus. Je vais m’entraîner en Europe, en voiture puisqu’on ne peut pas prendre le train avec des planches de surf. Je ne vais plus m’entraîner en piscine à vagues aussi. Donc ça m’oblige à surfer plus que les autres.
Et puis, dans mon quotidien, je me déplace à vélo, ça m’entraîne aussi. Je ne mange quasiment pas de viande. Et ça, ce sont des engagements plus que compatibles avec ma préparation sportive. Je me sens mieux dans mon corps.
Qu’est-ce que la Fédération Française de Surf (FFS) ou la WSL pourraient faire pour réduire l’empreinte écologique de ce sport ?
Pour la FFS, il faut essayer d’organiser toutes les compétitions en métropole, et pas la moitié en outre-mer comme aujourd’hui. La plupart des surfeurs sont en métropole aujourd’hui, même ceux des DOM-TOM vivent pour la majorité en métropole. Historiquement, les compétitions avaient lieu ici, et ça fait quelques années que des compétitions ont lieu en outre-mer. Il faut revenir à ce qui se faisait avant.
Il faudrait faire plus de sensibilisation, avoir un pôle vraiment dédié à ça. Des initiatives existent comme par exemple le label écosurf, mais quand on essaye de joindre les personnes qui s’en occupent, ça ne répond pas. Une personne par club est censée s’en occuper, mais c’est au bon vouloir de chacun. Et puis, il faut que ça découle ensuite sur la formation des entraîneurs, qui sensibilisent derrière les pratiquants. Moi, je n’avais eu aucune sensibilisation quand j’ai commencé et aujourd’hui, c’est quasiment inexistant. On nous dit juste “quand tu sors, ramasse deux ou trois déchets” mais ça s’arrête là.
Pour la WSL, il faut essayer d’organiser les compétitions de sorte à ne pas traverser le monde à chaque fois. Essayer de faire un cycle. On fait toute l’Océanie, puis l’Asie, puis l’Europe, etc. Ça permettrait de réduire les transports. Et sur place, ne pas rouler en Jeep (rires).
Pourquoi avoir choisi de devenir ambassadrice de Pure Ocean?
Pure Ocean est une ONG qui lève des fonds pour des projets scientifiques qui ont pour but de préserver les océans. Ça peut être des projets de recherches, de reconstruction, de sensibilisation aussi. Elle regroupe ma passion pour la science et les océans en fait. Je sais à quel point c’est dur, même si on a de bonnes idées et des personnes compétentes, de faire naître un projet scientifique. Les moyens manquent.
Récemment, par exemple, on avait un rassemblement sportif qui s’appelle le “Climate Sport Camp”, et on va lancer à l’UNOC (Conférence des Nations Unies sur l’Océan qui aura lieu du 9 au 13 juin 2025 à Nice, NDLR) notre projet qui s’appelle “Athletes for science”. Le but est de créer des binômes athlète-scientifique pour donner de la voix à la science grâce au sport. On est soutenu par Marie Barsacq, ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative, et c’est une solution concrète pour agir.
Tu as une certaine exposition à travers tes réseaux sociaux, tes conférences, tes passages dans les médias. Est-ce que tu arrives à avoir l’impact que tu souhaites ?
Quand j’agis, je ne souhaite pas avoir un impact. En tout cas, je n’y pense pas. Je m’inspire du surf parce que sur une planche, on ne contrôle pas l’océan. Moi, je ne peux pas contrôler la réaction des gens ou des politiques. Je cherche juste à donner mon maximum. Et le moindre petit résultat va me donner l’impression que j’ai réussi.
Ton engagement écologique fort a-t-il un lien avec une forme d’éco-anxiété ?
L’écologie, c’est pour moi purement positif, donc ça me motive. L’écologie, c’est quelque chose de social, et ça nous amène à faire de belles rencontres, à se rapprocher les uns des autres. Entre hommes comme entre êtres vivants. Comme je suis toujours dans l’action, je ne suis pas éco-anxieuse.