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Sécheresse : le golf va-t-il devenir un sport saisonnier ? 

Sécheresse : le golf va-t-il devenir un sport saisonnier ? 
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Le changement climatique entraîne des étés de plus en plus chauds, avec davantage de jours de sécheresse. Une question s’impose alors : la pratique du golf, très gourmand en eau, sera-t-elle toujours possible, demain, en été ?

Deux fois plus de sécheresse en été, 15 à 27 jours où il manquera de l’eau dans les sols en plus chaque année : c’est ce qui attend la France pour 2050 selon le Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique. L’eau est d’ores et déjà une ressource à préserver, notamment en période de forte chaleur. L’été 2025 à peine commencé, le pays a été victime d’un épisode caniculaire qui a tout de suite asséché bon nombre de régions et la situation est jugée “préoccupante” par le Ministère de la Transition écologique. En 2022 et 2023, la France a souffert d’une sécheresse historique, et certains golfs – mais aussi terrains de football et de rugby – continuaient d’arroser leur gazon malgré les restrictions d’arrosage, et de nombreuses associations grincaient des dents. 

En juin 2023, onze d’entre elles avaient signé une tribune, publiée par France Info, demandant “de mettre en place dès cet été une politique ambitieuse permettant une répartition juste et soutenable de la ressource en eau” et exigeant “qu’aucune dérogation aux restrictions d’usages de l’eau ne soit plus accordée pour des usages non essentiels ou ne permettant pas de nourrir directement les populations”.

La Fédération française de golf (FF Golf) indiquait en 2022 que “la consommation nationale moyenne annuelle d’eau d’un golf est de 25 000 m3 par an et par tranche de 9 trous”. Ces 50 000 m3 d’eau par parcours de 18 trous équivalent à “la consommation de près de 1 000 Français sur un an” comme le rapportait 20 minutes. Dans un article paru sur Mr mondialisation, l’auteur calcule que l’ensemble des parcours de golf en France utiliserait “au minimum 30,7 millions de mètres cubes d’eau par an “, soit “la consommation annuelle de 565 000 habitants”.

“Ce ne serait pas le seul sport à être saisonnier, et l’inverse serait plutôt absurde”

Le golf doit-il ainsi devenir un sport saisonnier, qui ne serait pratiqué qu’une partie de l’année, pour éviter un usage trop important de la ressource en eau ? Pour Lou Chesné, porte-parole de l’association Attac, c’est inévitable. “C’est une solution d’adaptation au réchauffement climatique. Ce ne serait pas le seul sport à être saisonnier, et l’inverse serait plutôt absurde”.  

Gérard Rougier, directeur territoires et environnement et DTN adjoint à la FF Golf, soutient quant à lui que ce sport pourra toujours être pratiqué tout au long de l’année, mais peut-être plus partout en France. “Dans le sud du pays, où la sécheresse est plus forte, cela risque en effet de compliquer la pratique du golf en été. Mais le réchauffement climatique permettra aussi dans des régions plus au nord, comme en Normandie par exemple, de faire du golf plus souvent dans l’année.” 

La plupart des golfs utilisent par ailleurs de l’eau impropre à la consommation. En période de sécheresse, si le niveau de restrictions le plus élevé, dit de “crise”, est décrété, seuls les greens, qui ne représentent “qu’1 à 2% de la surface totale du golf” et qui sont “essentiels à la survie du parcours […] peuvent bénéficier d’un arrosage « réduit au strict nécessaire » entre 20h00 et 8h00, et qui ne pourra représenter plus de 30 % des volumes habituels”, assure la FF Golf.

Des alternatives qui peinent à convaincre

Au-delà de la sécheresse, se multiplieront également les jours où il fera plus de 32°C, température où il est déconseillé de faire du sport selon l’ADEME. En 2021, un rapport de WWF affirmait que d’ici 2050, “le réchauffement climatique pourrait faire perdre jusqu’à 24 jours de pratique sportive dans un monde à +2°C, et jusqu’à 2 mois dans un monde à +4°C”. En tous les cas, le golf semble contraint de devoir évoluer face au changement climatique. “Ce sport est en majorité pratiqué par les 10% de la population les plus aisés, ce sont ceux qui polluent le plus, ils sont responsables pour deux tiers du réchauffement climatique, donc ils devront s’adapter comme tout le monde”, soutient Lou Chesné. 

De nouvelles pratiques commencent déjà à se développer. En avril 2024, Golf Planète évoquait les “premiers Womens Word Sand Greens Championship”, où “tous les greens du parcours étaient des zones de sable”. Même si à l’instar du gazon synthétique, le sable ne demande pas d’eau et semble donc régler le problème d’arrosage des golfs, reste qu’il “coûte cher”, selon le média, et ne règle pas tous les problèmes environnementaux.

Autre alternative : le golf en salle. En janvier dernier, les golfeurs Tiger Woods et Rory McIlroy créaient la TGL, une compétition de golf indoor avec des simulateurs. Même s’il n’a pas été développé dans un but écologique, ce nouveau format de golf pourrait peut-être limiter l’impact environnemental que peut avoir un sport en extérieur. Mais selon Gérard Rougier, ces innovations ne sont pas l’avenir de ce sport, et “les golfs à 18 trous existeront toujours dans les prochaines années”

Armel Prieur, président de l’association Escape jobs propose alors de modifier l’environnement autour des golfs, en y ajoutant par exemple des haies. “Cela permet de capter du CO2, et aussi de freiner le vent qui assèche le gazon des greens afin de réduire ainsi les besoins en eau”. Une solution déjà mise en place dans de nombreux golfs comme l’assure Gérard Rougier, qui appuie le fait que ces lieux possèdent, en plus des haies, de nombreux arbres qui captent de grandes quantités de CO2. Une idée à nuancer selon Lou Chesné. “Effectivement, les arbres et les haies vont capter du CO2, mais ce n’est pas le cas du gazon des greens, qui ne fait que quelques centimètres et qui n’a pas les mêmes effets d’absorption qu’une forêt par exemple”

Même si la porte-parole d’Attac reconnaît l’engagement environnemental de la FF Golf, elle soutient qu’en “période de crise de sécheresse, où l’arrosage peut parfois être interdit pour les particuliers et même dans certains cas pour les agriculteurs, les golfs ne devraient pas avoir le droit d’utiliser de l’eau même pour leurs greens”. Un argument difficilement recevable pour la fédération, comme l’explique Gérard Rougier : “un green qui n’est pas arrosé n’est pas seulement inexploitable quelques jours, il doit ensuite être réhabilité”

Si les enjeux économiques sont parfois difficilement conciliables avec les enjeux environnementaux, ils se rejoindront à coup sûr, demain. La nécessaire adaptation au changement climatique doit permettre aux golfs de repenser leur modèle, à la fois dans leur gestion de l’eau, leur aménagement paysager, et leur accessibilité. Car au-delà de la préservation des parcours, c’est l’acceptabilité sociale et la pérennisation de ce sport qui est en jeu. Face à une ressource en eau de plus en plus rare, les arbitrages ne pourront plus épargner aucune activité, golf inclus.

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