Média positif et engagé pour un sport durable

L’Arkéa Park, un nouveau stade brestois qui fait débat

Brest Arkéa Park, un nouveau stade brestois qui fait débat
© Cabinet d’architecture François de la Serre/Arkéa Park
Twitter
LinkedIn
Facebook
WhatsApp
Email

À Brest, le projet de nouveau stade baptisé “Arkéa Park” a commencé. Prévu pour 2028, il permettra au club breton de bénéficier d’une structure moderne, à la hauteur des standards actuels du football français. Cependant, la construction de ce stade en périphérie suscite les débats. Financement public, confort, accessibilité, identité, écologie : les points de tensions sont nombreux. Ecolosport a enquêté et vous aide à tout comprendre.

Récemment classé 14e des 18 stades de Ligue 1 McDonald’s par L’Équipe, l’enceinte sportive actuelle du Stade Brestois 29 est surannée. Si le quotidien lui accorde une bonne accessibilité et une expérience économique de qualité, le stade Francis Le Blé termine bon dernier dans la catégorie “innovation et modernité”. Un constat partagé par tous les acteurs qui entourent le club finistérien. “Moi, je suis très attaché à ce stade-là qui est très vétuste, et ça c’est un point de départ qu’on partage tous” dit Glen Dissaux, vice-président de Brest Métropole et président du groupe des élus écologistes de Brest.

Face à cette observation, deux solutions ont été proposées. La première, consiste à rénover le stade Francis Le Blé. La seconde, est la construction d’un nouveau stade. Ce projet est dans les esprits des décideurs politiques depuis 20 à 30 ans. Il s’est matérialisé vers 2018 avec les frères Le Saint, propriétaires du club et patrons d’un réseau de distribution de fruits et légumes du même nom.

Cependant, ce projet aux enjeux à la fois sportifs, économiques et écologiques crée le débat, voire le conflit au sein de la métropole brestoise. Si les maires du GICA (groupe indépendant des communes associées) et la majorité politique soutiennent ce projet, ce n’est pas le cas de l’opposition, et notamment des Écologistes, et d’un ensemble d’associations réunies sous le “Collectif contre le nouveau stade brestois”. “Je crois que c’est une catastrophe tant écologiquement — on est dans une zone agricole, de connexion entre 2 vallées — qu’au niveau de la mobilité — on est dans une sortie de ville et une zone commerciale saturée de voitures — qu’au niveau de l’identité club et de l’avenir sportif” résume le leader des Verts. L’Arkéa Park suscite aussi des divisions parmi les riverains, et même parmi les supporters.

Un stade nécessaire ?

Glen Dissaux est un expert du sujet. “J’interviens par 2 aspects. D’abord le respect de nos engagements climatiques au niveau de la collectivité. Et à côté de ça, pour mon groupe politique, je me positionne sur ce projet pour l’impact écologique, les problématiques de mobilité, de déséquilibre économiques du territoire, et d’argents publics.” Abonné de longue date du Stade Brestois, il a choisi de prendre ce sujet à bras-le-corps. “J’ai même fait le déplacement jusqu’à Prague pour la Ligue des champions ! On ne peut pas me taxer de ne pas vouloir le bien du club” dit-il en rigolant.

Pour évoluer en Ligue 1 ou Ligue 2, un stade doit être classé au niveau T1 selon le règlement de la FFF. Le dernier classement a été prononcé en 2021 et pour une durée de 5 ans. Avec un constat clair, le stade Francis Le Blé ne respecte pas toutes les normes. “Le Stade Francis-Le Blé, stade centenaire, n’est plus aux normes du football professionnel. Cela fait 15 ans que le Stade Brestois 29 est obligé de solliciter des dérogations auprès des instances du football professionnel pour pouvoir continuer à accueillir des matchs”, résume-t-on au club. Selon l’étude de rénovation du stade actuelle réalisée en juin 2023, 11 dérogations doivent être demandées à chaque match pour pouvoir jouer.

Des décisions temporaires qui permettent à l’équipe brestoise de jouer à domicile, mais qui n’ont pas la garantie d’être reconduites indéfiniment, et qui ne résolvent pas les problèmes intrinsèques du bâti. “Il faut des investissements majeurs parce qu’on ne les a pas faits depuis très longtemps. Aussi parce que certains avaient le projet de nouveau stade depuis longtemps et donc on n’a pas rénové en temps et en heure. C’est un peu le serpent qui se mord la queue. C’est parce qu’il y avait ce projet de stade, qu’on a laissé Francis Le Blé dans cet état-là et qu’il est indispensable de faire des travaux dessus”, analyse Glen Dissaux.

Une non-conformité sur le plan national, mais aussi international. Auteur d’une exceptionnelle 3e place sur la saison 2023-2024, le club finistérien n’a pas pu disputer ses matchs européens dans son stade. Mais plutôt à Guingamp, à 100 km de Brest. Un argument de plus pour les porteurs du projet, mais difficilement audible pour l’opposition. “Comme le club n’a pas pu jouer ses matchs de coupe d’Europe à Francis Le Blé en l’absence d’agrément UEFA, ça a servi d’argument massue pour dire : “vous voyez, il faut un nouveau stade !”, récapitule l’élu brestois. C’est un argument complètement fallacieux. Il faut se rappeler que c’est parce qu’il y avait ce projet de stade qui traînait depuis longtemps qu’on n’a pas rénové le stade Francis Le Blé, et que donc on n’a pas pu jouer la coupe d’Europe à Brest. Il faut ramener de la sobriété.

“Tout est trop petit à Le Blé”

Le stade Francis Le Blé possède 3 tribunes, Arkéa, Quimper et Top Atlantique, en structure tubulaire, conçues comme des tribunes provisoires. La seconde ne peut par exemple ni être agrandie, ni couverte, à cause du voisinage. En réalité, au niveau de l’urbanisme, cette tribune déborde déjà de sa parcelle cadastrale. “Tout est trop petit à Le Blé, résume le Stade Brestois. Les vestiaires sont minuscules, l’infirmerie est installée dans un Algeco, la salle de presse est exiguë, le PC sécurité est installé dans l’école maternelle… Sans compter le manque de places de stationnement : les joueurs et les régies TV sont obligés de se garer dans les différentes cours de l’école Charles de Foucauld, ce qui engendre à chaque match de lourdes contraintes organisationnelles.”

Ce stade de centre-ville est coincé entre 2 écoles et des immeubles. Il est possible de rénover, mais pas d’agrandir la taille des tribunes, sauf en misant sur la hauteur, mais cela gênerait la vue des habitants. Sur ce point, seule la destruction des bâtiments voisins le permettrait. De plus, le stade Francis Le Blé n’a pas de parkings propres pour accueillir les supporters venus en voiture. Ils doivent se garer un peu comme ils le peuvent, gênant parfois la circulation, et la vie des habitants du quartier. “Une rénovation engendrerait même de nouvelles nuisances : travaux en centre-ville, élévation des tribunes qui créerait d’importants vis-à-vis pour le voisinage, etc. C’est pourquoi la ville de Brest, propriétaire du Stade Francis Le Blé, a abandonné l’option de la rénovation”, explique le Stade Brestois.

Un stade d’intérêt général ?

Le 26 février 2025, après une demande du Stade Brestois, l’Arkéa Park a été officiellement reconnu d’intérêt général, peut-on lire dans le journal officiel. Dans sa communication, le club finistérien insiste sur ce point. “L’infrastructure est indispensable pour maintenir et développer un club de football de haut niveau, or le Stade Brestois 29 est une locomotive pour la visibilité et l’attractivité de Brest et plus globalement du département.” D’autant plus que ce projet ne sera pas “juste un stade”. Les propriétaires du club l’imaginent comme un complexe utile tout au long de l’année. Avec la présence de restaurants, de bureaux, d’une crèche et d’autres services, ils annoncent que “1 000 personnes seront employées les jours de match, contre 700 à Le Blé”, et créer “entre 300 et 400 emplois pour l’exploitation de l’enceinte.”

La SAS Holdisport, porteur du projet, défini l’Arkéa Park comme un “complexe sportif et de loisir”. En plus du stade et du musée du club, on y trouvera des espaces de danse, un dojo, des loisirs indoor, un espace entreprise, un auditorium, un centre d’affaires, un escape game, un restaurant haut de gamme, etc. “Tout ça pour des bénéfices privés ! Cela relève-t-il vraiment de l’intérêt général ?” interroge Glen Dissaux. Pour lui, la reconnaissance d’intérêt général est “un truc automatique. Ça ne veut absolument rien dire et c’est toujours donné. C’est juste un tour de passe-passe juridique pour pouvoir simplifier les procédures et que ce soit moins sujet au recours.”

Cependant, là où l’Arkéa Park ira plus loin que n’importe quel autre stade, c’est dans la prise en compte du handicap. “L’équipement sera 100 % accessible aux personnes en situation de handicap, en allant au-delà des obligations réglementaires en vigueur, pour offrir une expérience d’égale qualité à tous les spectateurs et visiteurs, qu’ils soient porteurs de handicap ou non.” Un club multisports Sport Adapté sera même créé au sein du nouveau stade. Des jeunes en situation de handicap psychique ou mental pourront profiter d’activités sportives qui n’existent pas aujourd’hui sur le territoire, et un lieu de répit et des ressources sera créé pour leurs familles, avec des permanences pour les associations et travailleurs sociaux. Une initiative saluée par les opposants au projet.

Arkéa Park et argent public

Après avoir annoncé que l’Arkéa Park serait un projet 100 % privé, les Le Saint ont fait volte-face après le Covid-19, sollicitant l’aide des pouvoirs publics. Un point qui a cristallisé les débats. “Même si on n’est pas d’accord avec le projet, s’il y a 100 % de financement privé dedans, on n’a pas beaucoup de moyens de le contester. Là, on est dans un montage très compliqué et opaque, qui sera finalement largement financé par de l’argent public”, analyse le leader des Verts.

Dans le contexte financier actuel du football français plus que chancelant, et la politique d’austérité qui touche les collectivités territoriales, “on va mettre 50 millions d’argent public et s’engager pour 60 ou 70 ans ? Je trouve ça très périlleux !” s’exclame-t-il. S’inquiétant également du futur de ce stade. “Une société de projet gère le stade pendant cette durée et à la fin, l’équipement revient dans le giron public. Sauf que dans 70 ans, un stade de béton, je vous laisse imaginer l’état du truc ! Ce sera encore de l’argent public à mettre pour pouvoir l’utiliser. Et pendant ce temps-là, ce n’est pas nous qui en tirons les bénéfices ! C’est le privé.

En 2022, un coût de 85 millions d’euros était évoqué. Le stade a finalement été réévalué à 106,5 millions d’euros par les porteurs de projets l’année suivante. Face à ces chiffres, Les Écologistes ont exigé qu’une étude pour estimer le coût de rénovation du stade Francis Le Blé soit réalisée. “L’étude montre qu’il y a plein d’options pour rénover ce stade ! ironise Glen Dissaux. Le chiffrement de la rénovation du stade est entre 50 à 60 millions d’euros. L’Arkéa Park a été annoncé à 106,5 millions d’euros. Donc, déjà, c’est 2 fois plus ! Et l’évaluation de ce nouveau stade a 3 ans, quand on voit l’inflation ce chiffre paraît à présent très optimiste. Donc on est plus proche des 140, 150 millions d’euros, selon moi.” Une estimation qui concorde avec celle de Thierry Fayret, ancien 1er adjoint et vice-président de la ville et la métropole de Brest, qui estimait la facture à 130 millions d’euros en 2023.

Cependant, cette estimation ne prendrait pas en compte les aménagements que la ville devra payer à côté. “On parlait des coûts cachés : il y a le déplacement de la gare de tramway, signale le vice-président de Brest Métropole. Dans les 106,5 millions annoncés par les porteurs du projet, il n’y a pas les 15 millions que vont nous coûter cette nouvelle gare, la création de bretelles, etc.” Des dépenses qui s’ajoutent, et que les pouvoirs publics ne peuvent pas toutes assurer. C’est par exemple le cas de la passerelle du boulevard François Mitterrand, sur laquelle nous reviendrons plus tard.

Enfin, et par-dessus tout, Brest Métropole se porte garant. Premièrement, concernant les prêts avec une garantie d’emprunt de la métropole de 50 %. Deuxièmement, tout surcoût dépassant les 106,5 millions d’euros sera payé à 90 % par le public et à 10 % par le privé. De quoi faire probablement flamber la facture pour l’État, et un argument de poids pour les opposants au projet. “On a des difficultés à avoir de l’argent pour rénover des écoles, des maisons de retraite, et c’est ça ma priorité”, conclut Glen Dissaux.

D’autant plus qu’ils craignent que ce financement généreux ne se transforme en cadeau fiscal. “Si on met 50 millions d’argent public pour le nouveau stade et que les Le Saint décident de vendre le club à un groupe saoudien dans 2 ans. On leur a fait un don de 50 millions ? La collectivité ne va pas récupérer son argent !” alerte le président du groupe des Écologistes. Toutefois, la Métropole aurait obtenu, en échange de ses investissements, un droit de regard sur l’identité des repreneurs du club en cas de difficultés financières du club.

Une rénovation moins chère…

Ne serait-il pas moins cher de rénover le stade Francis Le Blé ? Pour le club, “c’est tout l’inverse”. Le Stade Brestois nous rappelle que ce projet est majoritairement financé par de l’argent privé et que la “participation publique est deux fois moins importante que ce qu’elle aurait été dans le cas d’une rénovation du Stade Francis Le Blé.

Pour cette affirmation, le Stade Brestois se base sur le coût de la rénovation du stade actuel, évalué à 50 ou 60 millions d’euros, en fonction des scénarios retenus, “payés intégralement par les contribuables de Brest Métropole”. Une prémisse contestée par l’opposition. “On ne sait pas combien ça va coûter aux contribuables brestois parce que ça n’a jamais été évoqué. Mais tout est possible là-dessus !” rapporte Glen Dissaux.

Par ailleurs, le club se base aussi sur les subventions qui devraient être versées, d’un montant de 30,2 millions d’euros selon le tableau de financement de mars 2025. Si on multiplie ce chiffre par deux, on obtient effectivement les 60 millions d’euros de la rénovation. Mais c’est sans compter les coûts liés aux aménagements urbains évoqués précédemment, ou encore le potentiel surcoût lié à l’inflation qui pèsera en quasi-totalité sur la métropole de Brest par exemple.

De son côté, le Stade Brestois assure que même en incluant les “aménagements publics et l’apport en capital via les SEM […], la participation globale de Brest Métropole dans le projet Arkéa Park est deux fois moins importante qu’elle n’aurait été en cas de rénovation de Le Blé.” Du côté de l’opposition, “on sait que la facture est déjà à 50 millions d’euros d’argent public minimum.” Une véritable bataille de chiffres et de chiffonniers.

… et des contraintes qui demeurent

Toutefois, le projet de rénovation du stade Francis Le Blé ne réglerait pas les problèmes structurels de l’enceinte sportive, comme le manque de foncier et les problèmes de stationnement. Un point sur lequel insiste le club, confronté à ces difficultés. Le scénario le plus ambitieux, à 60 millions, propose une reconstruction de 3 tribunes sur 4, et une rénovation partielle de la dernière, la tribune Foucauld, fêtant bientôt ses 43 ans. Malgré ces travaux, sur les 11 dérogations que doit demander le Stade Brestois pour jouer chaque match à domicile, 2 ne trouveraient pas de solution. La tribune Foucauld est trop proche de la pelouse, et le seul moyen serait de la détruire pour l’en éloigner. La zone VIP de cette tribune est également trop proche du terrain, mais il est actuellement impossible de relocaliser ces espaces ailleurs.

L’étude conclut que ces contraintes du stade Francis Le Blé sont surmontables. Toutefois, la charge organisationnelle dont se plaint le club demeurera, dans une moindre mesure. À cela, s’ajouterait une perte de revenus du club. “Dans l’hypothèse d’une tribune rénovée par an, les travaux s’étaleraient sur 4 ans. Le club serait privé d’une partie de ses recettes, mais ce sont surtout les supporters qui seraient pénalisés” explique le Stade Brestois. Cela signifierait la perte d’un quart des places durant les travaux, des billets plus rares et une ambiance affaiblie, contribuant au spectacle, et dans une faible mesure aux résultats. “Enfin, les riverains seraient largement pénalisés par les travaux en centre-ville”, rajoute le club des Ty-Zefs.

Pour faire bénéficier les travaux aux riverains, une solution plus ambitieuse aurait pu être mise en place. C’est ce que demandaient certains écologistes. “Il y a une option qui, selon moi aurait dû être étudiée, c’est de faire comme pour le stade de La Meinau à Strasbourg. Une grande opération de rénovation urbaine du quartier en même temps que les travaux du stade” illustre Glen Dissaux. En Alsace, ce sont tous les abords du stade qui ont été requalifiés avec des pistes cyclables, une végétalisation des sols, et même une fan zone.

> Lire aussi : Le Stade de la Meinau, un projet écologique récompensé

Un impact écologique important et sous-estimé

Le nouveau stade devrait être construit au Frontven, une parcelle de terres agricoles et naturelles de dix-huit hectares sur la commune de Guipavas, limitrophe de Brest. Un site choisi pour les places de stationnement existantes à proximité et la présence de transports en commun non loin. Un choix qui permet de limiter l’importante artificialisation des sols qu’engendrerait la création de l’Arkéa Park. Néanmoins, le Stade Brestois multiplie ses efforts sur ce point. Un stade d’une capacité réduite — 15 000 places — c’est un gage de “sérieux environnemental. Une jauge maîtrisée permet de concevoir une enceinte plus compacte, avec une emprise au sol réduite, ce qui minimise les impacts du projet sur la biodiversité”, nous dit le club, assurant tenir compte des enjeux environnementaux.

Un choix qui permettrait de préserver “100 % de la zone humide, 69 % de haies bocagères et 78 % des arbres existants”, annonce-t-on depuis le Finistère. Le Stade Brestois promet de réutiliser l’eau de pluie pour couvrir “86 % des besoins d’eau des sanitaires” et de créer toutes les places de parking “en revêtement perméable, à l’exception des places PMR”. Cependant, alors qu’était promise, la sanctuarisation d’une zone naturelle de 6,7 hectares gérée durablement sur 30 ans en novembre 2024, le club ne promet plus que 3,9 hectares “de prairies, fourrés et haies, pour servir de refuge à l’ensemble de la faune présente aux alentours.” Pourquoi a-t-elle été réduite de 42 % ? Difficile de le savoir, au grand dam de la faune et de la flore locales.

Ces actions ont été détaillées dans l’étude d’impact présentée à la Mission Régionale d’Autorité environnementale (MRAe) Bretagne qui a rendu un avis critique. Les 7 membres ont noté “la réflexion qui a été menée pour rechercher la solution présentant les moindres incidences et pour intégrer des aménagements de cette envergure au sein de l’environnement local.” Le positif s’arrête ici. Ils constatent un dossier qui n’a pas pris en compte “l’ensemble des situations susceptibles de générer des incidences sur les milieux et pour les riverains.” Une étude d’impact simpliste qui “se limite trop souvent à qualifier les incidences de “non-notables”. Et une “réflexion relative à la prise en compte des enjeux climatiques et énergétiques et de préservation des ressources naturelles quasiment absente de l’étude d’impact au-delà de la pose des panneaux photovoltaïques.

“Ce sera un stade pour le tout bagnole”

Le club se rassure et explique que, selon le bilan carbone commandé, que “la part d’émissions de CO2 liée à la construction était moindre : à peine 4 % du total des émissions, sur le cycle de vie de 100 ans. L’essentiel des émissions sont dues à l’exploitation du site ainsi qu’aux déplacements.” On estime que la mobilité du public représente 60 % à 80 % du total des gaz à effet de serre lors d’un événement. Un chiffre qui a également poussé les rouges et blancs à créer un stade à la capacité raisonnable pour “maîtriser le bilan carbone.

Le meilleur moyen de limiter l’empreinte carbone est d’utiliser des mobilités douces. Le terminus de la ligne de tramway A se situe à quelques minutes à pied de l’emplacement choisi pour l’Arkéa Park. Une ligne de bus s’arrête aussi au cœur de la zone commerciale, un peu plus loin. Depuis le centre-ville, comptez 20 et 30 minutes de transports respectifs pour arriver à destination. Des pistes cyclables seront également créées avec des parkings à vélos aux abords du stade. Ici, comptez également 20 minutes.

De bonnes idées, mais un projet déconnecté de la réalité pour l’opposition. “Ce n’est pas avec une ligne de tramway qu’on va amener 15 000 personnes au stade. La piste cyclable, très bien ! Mais qui va aller jusqu’à Guipavas à vélo ? Pas grand monde” estime Glen Dissaux. “Ce sera un stade pour le tout bagnole. Dans l’époque qui est la nôtre, ça va à contre-courant de l’histoire. Ce qu’ont du mal à comprendre tous les boomers autour du projet, et qui est assez agaçant, c’est que dans 50 ans, nous n’aurons pas les mêmes contraintes physiques, écologiques, financières, etc.

Si le Stade Brestois, promet des places de parking pour accueillir le public, leur nombre serait largement sous-évalué. Selon une étude sur l’accessibilité de l’Arkéa Park de mai 2024, 12 450 spectateurs devraient se rendre au stade en voiture chaque match. En tablant sur 2,5 personnes en moyenne par voiture, il faudrait alors mobiliser 4 980 places de stationnement. Or, seules 1 350 places seront construites autour de l’enceinte. Il existe bien plus de 2 300 places à proximité, dans la zone commerciale avoisinante.

Cependant, en fonction des jours de programmation des matchs, il pourrait y avoir des conflits d’usages. Néanmoins, même en considérant ces dernières disponibles, il manque toujours un millier de places de parking. “Des discussions sont en cours avec les acteurs concernés pour que les parkings des entreprises au Nord de la zone, en grande partie vides le soir et le week-end, puissent être mobilisés en priorité, et qu’une partie des places non utilisées par les commerçants de la zone Sud puisse être également utilisée en complément”, explique l’élu écologiste brestois. L’Arkéa Park semble déplacer les problèmes de stationnement et d’embouteillages les soirs de match, plus que de les supprimer.

Un problème d’identité

Ce nouveau stade au nom d’une banque, dans une zone commerciale, sonnant plus consommation que passion ne plaît pas à une partie des supporters. L’Arkéa Park existe aussi parce que les espaces des espaces de réception étaient trop petits, et pas au niveau des standards des autres clubs de football français dans le stade actuel. Dans cette nouvelle enceinte, les propriétaires du club souhaitent drastiquement augmenter le nombre de places réservées aux partenaires et aux VIP, 3 500 à 4 000 selon les estimations.

Certains supporters, comme membres de l’opposition, y voient le remplacement du football populaire par le football business. “On a une image à Brest du football à l’ancienne, dû aux propriétaires du club qui gèrent une entreprise locale. Le fait d’avoir un nouveau stade en périphérie, on sait très bien qu’on perd une bonne partie de cette âme-là. D’autant plus que le nouveau stade fait la même capacité que l’ancien. Et on nous dit dans le même temps que 2 000 à 3 000 places VIP et loges seront ajoutées. Donc ce sont des places en moins pour les abonnés.

De son côté, le Stade Brestois se veut rassurant. “Concernant le nombre de places pour le grand public, les porteurs de projet se sont engagés à ce que rien ne change. Il y en avait 11 050 à Le Blé, il y en aura 11 050 à Arkéa Park.” Le club souhaite également conserver la tarification “ascenseur” en place au stade Francis Le Blé. “Le principe est le suivant : les tarifs les plus hauts sont proposés lors de la mise en vente, puis baissent progressivement jusqu’à des tarifs très bas la semaine avant le match. Rien ne changera : voir certains matchs pour 5 ou 10 euros, ce sera possible aussi à Arkéa Park.

La promesse d’un stade avec toujours autant de places pour les supporters et les abonnés ne convainc pas les opposants au projet. Notamment les élus communistes, qui parlent de 3 000 places en moins pour le grand public. Dans une lettre ouverte du 19 mai 2025, ils demandent l’augmentation de la capacité du stade à 20 000 places pour pouvoir conserver une dimension populaire. “Oui, c’est séduisant. Mais la réalité, c’est que le taux de remplissage du Stade Brestois en Ligue 2 était entre 6 000 et 7 000 personnes, rappelle Glen Dissaux. C’est pas parce qu’on a joué la Ligue des Champions une année qu’on va remplir le stade tous les week-ends. On est un club qui joue le maintien, il faut être conscient de cela.

Le Stade Brestois assume ce choix d’un nouveau stade à la capacité réduite. “C’est un gage de sérieux budgétaire. Les porteurs de projet n’ont pas voulu reproduire l’erreur de certains “nouveaux” stades de Ligue 1, qui ont été surdimensionnés.” Participants parfois à la chute des clubs tellement les coûts étaient importants — comme pour Le Mans ou Bordeaux — ou affichant un faible taux de remplissage — comme pour Nice, qui a même annoncé vouloir supprimer presque 10 000 places. C’est pour les porteurs du projet l’assurance de tribunes toujours pleines, et d’une ambiance festive et populaire, comme au stade Francis Le Blé.

Et si les Pirates prennaient le large ?

Reste maintenant à savoir ce que deviendra le stade Francis Le Blé si le Stade Brestois s’en va. Sans équipe résidente, le stade n’aurait plus beaucoup d’utilité. On pourrait imaginer l’équipe féminine prendre la suite. Mais récemment reléguées en R1, la quatrième division, les joueuses n’attireront pas plus de monde que les 100 à 200 personnes du Centre Sportif de la Cavale blanche. Bien qu’il accueille également des événements pour des entreprises, le stade du “Petit-Paris” ne restera pas.

Le club souhaite s’en débarrasser pour de bon, et la métropole comme la mairie ne vont pas continuer à entretenir un stade en sommeil. “Il faut bien comprendre qu’il y a des coûts à ajouter pour démonter un stade comme cela. On peut imaginer que ça coûtera entre 6 et 8 millions d’euros. Mais il faudra vendre ça à un promoteur pour rentabiliser l’investissement public dans le nouveau stade. Ce sera du logement”, évoque avec peine Glen Dissaux.

Mais avec la disparition du stade Francis Le Blé, c’est toute la vie du quartier qui est affectée. Et à commencer par le bar historique des supporters du club : Le Penalty. Situé en face de l’entrée principale du stade, rue de Quimper, “il ne bougera pas” annonce clairement Corinne Le Madec, propriétaire de l’établissement. “À l’origine, c’est un bar de quartier. Mais c’est aussi le bar des amoureux du Stade Brestois. Avec son petit musée, ses maillots, ses photos, etc. De toute façon, les licences de distribution de tabac et de bière sont pour cette adresse-là !

Avec un taux de remplissage de 97 % sur la saison passée, les consommateurs ont afflué devant les tireuses du bar. Les jours de match, la rue principale est bouchée, piétonnière, et les spectateurs affluent en nombre. “Pour vous donner un ordre d’idée, on passe de 6 à 10 becs à bière. Donc si le club part du stade Francis Le Blé, c’est un très gros manque à gagner ça, c’est sûr !” s’exclame la gérante qui aurait préféré une rénovation du stade Francis Le Blé. “Un stade en ville, c’est super ! Pour la vie du bar, mais aussi pour la vie du quartier !

S’il y a eu un projet d’ouvrir une annexe à proximité de l’Arkéa Park, il n’en est rien aujourd’hui, et l’incertitude demeure. “Aujourd’hui, je n’ai pas de contact avec le Stade Brestois et je ne sais pas ce qu’il adviendra. On est dans l’inconnu, dans le flou total.

De nouvelles contraintes à Guipavas

Avec la création de nombreux espaces de consommation et de loisirs dans le stade, les porteurs de projets annoncent créer de l’emploi. Mais aucune étude de besoin n’a semble-t-il été faite. Il y aurait donc un risque de concurrencer les entreprises voisines et de déplacer le travail, plutôt que de le créer. Un scénario que redoute Glen Dissaux. “Moi, je refuse cette dynamique d’aller dévitaliser les centres-villes pour faire des zones commerciales où tout se passe et derrière nos villes deviennent des cités-dortoirs

Et si les commerces à proximité du stade pourraient bénéficier de l’attractivité de l’Arkéa Park les week-ends, rien n’est garanti. Premièrement, puisque le Stade Brestois joue une grande partie de ses matchs le dimanche après-midi, quand de nombreux commerces baissent le rideau. Deuxièmement, puisque le boulevard François Mitterrand, rue passante et commerçante, devrait être piétonne les jours de matchs.

À l’origine, pour relier la gare de tramway au parvis du stade, une passerelle était envisagée pour enjamber le boulevard et offrir un passage sécurisé pour les spectateurs. Cependant, cet aménagement a disparu du projet car trop chère. “Ça veut dire qu’à chaque match, on ferme intégralement ce boulevard et donc tous les commerces adjacents. Avec les sorties de ville le vendredi ou le samedi soir, en termes de nuisance ça va être quelque chose ! C’est pour ça que de nombreux commerçants et riverains sont mécontents aussi” résume le président du groupe des Écologistes.

Alea Jacta est

Alors cet Arkéa Park, initialement prévu pour 2022, va-t-il voir le jour ? Si les travaux ont déjà débuté dans la zone, il s’agit d’aménagements routiers, et non des travaux spécifiquement liés au stade. “Les travaux déjà engagés sont liés au fait que le quartier se développe. On n’est pas encore à la pose de la première pierre” énonce Glen Dissaux.

Une enquête publique d’une durée d’un mois et demi a permis à tous les citoyens brestois de s’exprimer sur l’Arkéa Park. On compte plus de 2 200 participations dans lesquels les Brestois font part de leurs observations et de leurs propositions. La commission d’enquête désignée par le Tribunal administratif, en charge de prononcer un avis consultatif sur ce projet a rendu sa décision le 15 juillet dernier. Elle déclare que “le projet “Arkéa Park” est justifié et présente un caractère d’intérêt général“, présentant ainsi un avis favorable “sans réserve“.

SI cet avis n’est que consultatif, il représente néanmoins une avancée majeure. Mais l’immense immense vaisseau rouge et blanc n’est pas encore sorti de son océan vert. “À part une subvention — que je n’ai pas voté du coup — de 10 millions d’euros à la société de projet, on n’a rien voté à la métropole. Rien n’est passé en autorisation d’urbanisme par exemple, explique le leader des Écologistes. Il peut y avoir tout un tas de recours.” Notamment de la part du Collectif contre le nouveau stade brestois, qui n’attend que le permis de construire pour déposer le sien. À l’initiative du collectif “Maner CoZad”, une ZAD s’était déjà installée sur la zone les 12 et 13 juillet dernier pour dénoncer ce projet. Une occupation illicite qui pourrait être amenée à se reproduire. Par ailleurs, il faudra compter sur les élections municipales de 2026 qui pourraient venir chambouler les choses.

Le début des travaux est prévu au 1er trimestre 2026, et la livraison du stade au cours du 3e trimestre 2028.

Twitter
LinkedIn
Facebook
WhatsApp
Email

Ecolosport le PODDCAST explore la façon dont le sport peut contribuer à la réalisation des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) de l'ONU et comment ceux-ci peuvent soutenir le développement du sport.

Ne ratez plus rien et recevez le meilleur de l'actualité sport et écologie dans votre boite mail !
3s
Ne ratez plus rien et recevez le meilleur de l'actualité sport et écologie dans votre boite mail !