Solitaire du Figaro, Transat Café L’Or, Mini Transat… Les courses au large, qui font rêver petits et grands, se multiplient sur cette fin d’année 2025. Ces modèles de course sont-ils cependant toujours souhaitables et compatibles dans un monde en proie aux pressions des activités humaines ? C’est ce à quoi s’est attelé à réfléchir une cinquantaine d’acteurs de la course au large cet été.
Le vendredi 13 juin 2025, dans le Lab’Océan de la Colloc à la Trinité-sur-Mer, en Bretagne, les participantes et participants n’avaient qu’une seule question en tête : “Quel futur pour la course au large ?”. Animée par l’association La Vague, qui a pour objectif d’influencer le milieu de la voile de compétition sur les enjeux environnementaux et sociaux, la volonté était de se projeter en 2035, grâce à l’intelligence collective et de proposer des solutions concrètes. Pourquoi ? Parce que les courses au large font débat…
Du monde sportif, scientifique, associatif, institutionnel, industriel ou médiatique, toutes et tous sont animés par la même passion du grand large. Ils partagent également le même constat : la course au large reste encore confinée dans des schémas traditionnels de mise en avant de la performance, la victoire comme seul et unique vecteur de réussite. Une préoccupation partagée par l’invitée d’honneur, Clarisse Crémer, skipper qui a notamment participé au Vendée Globe 2024. Elle se trouve balancée entre les “dissonances” et le “désalignement” entre le goût du sport et de la compétition, du côté bâbord, et l’impact carbone de cette activité “non essentielle” à la société, du côté tribord. La volonté de voir advenir de nouveaux horizons était toutefois palpable, et la journée fourmillante d’idées.
La fabrication des bateaux, une empreinte carbone lourde
La construction d’un IMOCA comme celui de Clarisse Crémer émet 60 tonnes de CO2eq, soit l’empreinte carbone de 60 français pendant une année. Le plus gros poste d’émission est celui de la fabrication du moule, qui compte pour 30% de l’empreinte. Les bateaux étant la pièce essentielle de toute course, les participant(e)s proposaient notamment la réalisation d’une Analyse de Cycle de Vie sur l’ensemble du projet, une étude complète de la course pour réduire au maximum les dépenses énergétiques et d’émission de GES. L’intégration de biomatériaux grâce à des technologies dites vertes, comme des foils recyclés, des résines hélium ou encore des fibres carbone. Mais c’est aussi imposer des contraintes aux concepteurs et aux constructeurs pour stimuler la créativité. Enfin, l’anticipation de la fin de vie est un point essentiel car les bateaux finissent trop souvent à l’enfouissement ou à l’incinération.
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Repenser les modèles de courses au large
Les courses transatlantiques occupent une place centrale dans le calendrier des courses au large. Elles doivent d’ailleurs relever un certain nombre de défis, à cause du coût logistique de plus en plus élevé et de l’impact environnemental conséquent du rapatriement des bateaux. En effet, si l’aller se fait au gré des vents, le retour est effectué, quant à lui, en cargo, avec des émissions CO2 estimées à environ 10 tonnes par bateau. Pour parer à ces impacts, la mutualisation du matériel entre équipes ou la mise en place de quotas carbone pour les transatlantiques ont été évoquées. La solution du retour à la voile “serait fort symboliquement et en phase avec l’esprit de la course au large”. Ce serait aussi l’occasion de réinterroger la fréquence, la durée et le parcours des courses.
La classe Mini a déjà engagé des travaux pour savoir comment réduire ces impacts, faisant office de laboratoire pour tester des changements futurs. À l’initiative de son Conseil d’administration et en collaboration avec Anna Le Cossec, des ateliers de réflexion collective avec les adhérents ont été mis en place : “Classe Mini de demain”.
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L’impact sur la biodiversité marine
Naviguer sur un espace naturel partagé avec la faune marine pose également des questions sur l’impact sur la biodiversité. Les collisions en mer, concernant 75 espèces de la mégafaune marine, sont des préoccupations croissantes, que L’Équipe a récemment relayé dans une enquête passionnante. Peu déclarées en raison de la perception négative auprès du grand public, la course au large peut néanmoins être un point d’entrée stratégique pour alerter et agir.
Des solutions technologiques peuvent être utilisées, avec précaution et attention, pour la détection des mammifères marins (caméras, sonars, hydrophones, logiciel REPCET). D’autres solutions seraient aussi à envisager comme la modification des dates de départ des courses, pour éviter les périodes de reproduction et de migration. Le calendrier serait, dès lors, dicté par le vivant et non l’inverse. Cela peut aussi passer par la mise en place de zones d’exclusion temporaires ou permanentes, basées sur les études de risques obligatoires pour les courses. Ou encore la réduction de la vitesse dans les zones à risque, facteur très important dans le degré de létalité des collisions.
Cette journée d’échanges a donc été l’occasion d’identifier plusieurs leviers de progression, qui feront des courses au large des courses à la fois sportives, engagées et respectueuses. Il s’agit imaginer d’autres modèles qui feront à la fois rêver des millions de personnes et seront alignés aux enjeux environnementaux. Il s’agira aussi d’avoir l’engagement des skippers pour questionner le modèle dominant. Et ensuite, de faire évoluer les règles de course par les classes et la réglementation par les institutions. Pour faire émerger de nouveaux récits, tant porteurs de sens que respectueux du vivant.