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Série « Le sport à la rescousse de l’eau » (3/4) – La Vague, un collectif qui se mouille pour la transition écologique de la voile

La Vague Ecolosport
© Martin Keruzore
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Présente dans 60% de notre corps et recouvrant 72% de la terre, l’eau est un bien fondamental à la vie, un élément désormais menacé par la crise écologique. Face à cet immense défi, le monde du sport se mobilise pour venir à la rescousse de l’eau !

Série « Le sport à la rescousse de l’eau » (3/4) – Dans ce troisième volet, nous allons vous présenter La Vague, un collectif de navigateurs œuvrant pour accélérer la transition écologique des courses au large.

Paul Meilhat et Arthur Le Vaillant sont deux skippers chevronnés. Route du Rhum, Transat Jacques Vabre, les deux compères ont participé à des compétitions mythiques et comptent plusieurs tours du monde au compteur. Des expéditions qui, au fil des années, leur ont permis de constater la vitesse à laquelle se dégradent les mers et océans. Leur sport étant forcément impacté par cette pollution, ils ont décidé, avec d’autres marins et acteurs de la voile, de fonder le collectif La Vague.

Une volonté de faire bouger les lignes

« Mon cheminement vers cette volonté de s’engager pour la protection de l’environnement a été progressif. Je suis en mer depuis mon plus jeune âge et j’ai donc vu cet élément naturel se détériorer petit à petit. C’est ce qui m’a notamment poussé à devenir ambassadeur de l’association Surfrider Foundation en 2009 » nous explique Paul.

Concernant Arthur, c’est en côtoyant des scientifiques, des associations militantes, des architectes comme Marc Van Peteghem ou des artistes, mais aussi par le biais de lectures telles que les ouvrages d’Yvon Chouinard (fondateur de la marque Patagonia), qu’il décida de s’impliquer dans la transition écologique et sociétale de son sport. « Je me suis rendu compte que la voile et son industrie se devaient d’être plus respectueuses de l’environnement et plus éthique » précise-t-il.

C’est au cours d’un échange sur ces problématiques, dans les travées du salon nautique de Paris, que les navigateurs tirent une conclusion commune : la voile a une image de sport propre car sa pratique repose sur deux éléments naturels que sont l’eau et le vent, mais dans les faits, très peu d’actions concrètes sont menées. Ils vont donc profiter de la présence de bons nombres de leurs confrères participant également à ce rassemblement pour amorcer des discussions. « Nous nous sommes alors rendus compte que des personnes du milieu réfléchissaient déjà à l’impact de la voile sur l’environnement depuis une quinzaine d’années. Nous pensons, entre autres, à Roland Jourdain ».

Très vite, l’idée de créer un collectif œuvrant pour une pratique plus verte émerge et c’est en 2020 que La Vague voit le jour ! En plus d’une vingtaine de membres actifs, ce sont des centaines de personnes qui gravitent autour de ce mouvement.

© La Vague

Des paroles aux actes

Le discours se veut avant tout pédagogique avec un crédo « mieux comprendre pour mieux s’engager ». Pour Arthur, toutes les parties prenantes doivent être intégrées à ce cercle vertueux : skippers, sponsors, constructeurs, etc. « Nous ne pouvons et ne voulons plus être de simples panneaux publicitaires, nous devons être des modèles. D’autant plus que l’attractivité de notre sport est croissante. »

« La course au large est en mesure de faire face aux enjeux environnementaux et sociétaux, il faut désormais passer à l’acte » complètera Paul.

La construction d’un bateau demande, à elle seule, 30 000 à 40 000 heures de travail et génère un grand nombre d’emplois notamment dans les domaines de la recherche et du développement. « Nous ne devons pas nous battre contre l’innovation mais plutôt avec, car elle est l’ADN de notre sport. Toute l’histoire de la voile se base sur l’innovation » nous précise Paul. Pour les deux skippers, il faut proposer un nouveau challenge en remplaçant la question « comment aller encore plus vite ? » par « comment rendre les bateaux plus écologiques dans leur élaboration ? » Ils en sont même farouchement persuadés. Pour eux, « plus les contraintes sont grandes, plus les ingénieurs se régalent ». Pour résumer, ils souhaitent que les moyens humains et financiers soient désormais recentrés sur l’homme plutôt que sur la « course à l’armement. »

Cela passe également par une modification des règlementations des courses en intégrant des critères environnementaux. À titre d’exemple, suite à des échanges avec les organisateurs de la Transat Jacques Vabre, ces derniers vont mettre en place des actions concrètes dès la prochaine édition.

Cette transition de la voile doit avoir également un rôle sociétal. « Nous devons profiter de l’engouement croissant autour de la discipline pour ouvrir notre sport à un large public, ce qui permettra de diffuser notre message à grande échelle. » Voir notamment plus de femmes participer aux compétitions est un axe de développement. « Ici, le physique ne rentre pas en jeu et l’égalité des sexes est à son équilibre. Une navigatrice a autant de chances de remporter des compétitions. » Il faut aussi s’appuyer sur deux socles forts de la course au large : la sobriété et la longévité. D’une part car les skippers doivent réussir à vivre pendant plusieurs semaines d’affilé avec le minimum vital et d’autre part car ce sont souvent des bateaux navigant depuis plusieurs années qui terminent sur le podium.

Enfin, les recherches menées doivent profiter aux questions liées au transport de marchandises. Plus d’importations par voilier que par avion ou via des bateaux très polluants, l’idée a beaucoup de sens.

©La Vague

Le collectif avant tout

La prochaine étape de La Vague est l’organisation de la première assemblée générale sur laquelle 7 membres sont en train de s’activer.

Concernant les outils de travail, un site internet a été développé ainsi qu’une plateforme d’échanges en open source via l’application Discord. À mi-chemin entre une messagerie et un forum, elle permet à ses utilisateurs de partager leurs idées et bonnes pratiques. D’autres supports sont aussi proposés à l’image d’une bibliographie collaborative où les internautes peuvent s’informer par l’intermédiaire de podcasts, vidéos, articles de presse, rapports scientifiques, etc.

Parmi les objectifs à court terme, Arthur, Paul et leurs collaborateurs veulent entamer des discussions avec les nouveaux dirigeants de la Fédération Française de Voile. En parallèle, les échanges avec les organisateurs des courses pour intégrer encore plus l’impact environnemental dans les règlements vont continuer. Tous les acteurs de ce sport seront aussi conviés à des tables rondes ainsi qu’à des ateliers en ligne dans le but de faire avancer cette transition, que ce soit sur les questions des matériaux de construction utilisés, les modes de transport, qui représentent 60% des émissions de gaz à effet de serre d’une équipe (avion, voiture, etc.), l’empreinte carbone du numérique, l’accessibilité aux jeunes ou encore la place des femmes.

Au moment de les questionner sur l’avenir de La Vague, les deux marins répondent unanimement qu’ils se laissent porter. « Peut-être que l’association disparaîtra d’ici 3-4 ans car le monde de la voile se sera lancé dans une transition écologique et sociétale accélérée, à moins que le mouvement vive essentiellement à travers notre plateforme web… Nous verrons bien, mais l’important est d’agir dès à présent.» Malgré la concurrence sur l’eau, les associés de La Vague espèrent clairement que la carte du collectif soit jouée sur le terrain des enjeux environnementaux et sociaux.

Et si nous leur demandons de résumer leur action, Paul et Arthur évoquent le slogan soutenu par le skipper Boris Herrmann : « A race we must win ». Le message est clair et on ne peut qu’espérer que cette vague soit une véritable déferlante.

Photo à la Une : ©Martin Keruzore

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Eddy Klemenczak
Eddy Klemenczak

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