Ancien international français de rugby et vice-Champion du Monde en 2011, Julien Pierre est très engagé dans la protection de la planète. Avec ses convictions, il essaye de faire bouger les lignes, notamment à la Section Paloise, où il a évolué en tant que joueur et maintenant en tant que Directeur du Développement.
Julien Pierre, vous êtes très actif concernant la protection de l’environnement, on le voit notamment sur les réseaux sociaux. D’où vous vient cette conviction ?
Julien Pierre : Je suis né avec cette conviction, parce que j’ai eu la chance de grandir dans un zoo. J’ai été sensibilisé tout de suite à la cause animale. Même si l’image des zoos n’est pas forcément belle, il y a aussi grâce aux zoos beaucoup de sensibilisation, de protection et de réintroduction des espèces animales, de soutien et de programmes à l’étranger qui sont primordiaux. C’est comme ça que j’ai été éduqué, dans une famille très active sur ces sujets-là, notamment dans la conservation et la réintroduction d’espèces. Quand on parle de ça, on parle forcément d’environnement. Et quand on parle d’environnement, on parle très vite de réchauffement climatique. J’ai toujours été élevé dans le respect de l’environnement : pas de gaspillage, ramasser les déchets qui sont par terre, éteindre la lumière quand on quitte une pièce, couper l’eau quand on se lave les dents. Ça peut être des bêtises, mais qui n’en sont pas ! Tout ça fait que la protection de l’environnement me touche et me donne envie de m’engager complètement.
Vous travaillez à la Section Paloise comme Directeur du développement et vous agissez aussi sur le volet RSE du club. Quelles sont les actions entreprises par la Section Paloise pour entrer dans cette démarche écologique ?
Julien Pierre : Quand j’ai arrêté de jouer, j’avais cette fibre environnementale et cette fibre sport et rugby. J’ai eu un vrai déclic quand je suis parti en voyage à Sumatra en 2009. J’y ai vu la dégradation environnementale massive. Je me suis dit qu’il fallait que je m’engage car ça fait partie de moi. Je pense qu’en tant que personnalité, il faut s’engager. J’ai donc créé une fondation sur la protection de l’environnement qui s’appelle La Passerelle Conservation. Puis, quand j’ai arrêté en 2018, je me suis dit qu’il fallait essayer de lier ces deux forces que sont le sport et l’environnement, de se servir du sport comme un levier et un moteur du changement.
J’ai donc pris ce poste à la Section Paloise quand j’ai arrêté ma carrière de rugby et j’ai demandé ce qu’on faisait au club en RSE. On m’a répondu « on ne fait rien », et puis on a commencé à lister ce qu’on faisait. En fait, on faisait beaucoup de choses. Tous les services en faisait un petit peu, sans s’en rendre trop compte. On a donc commencé à communiquer dessus. Les gobelets par exemple, c’est bien. Mais il faut des gobelets réutilisables et ne pas les changer tous les ans, sinon ça ne sert à rien. Alors, oui, ce n’est peut-être pas bon pour le marketing parce qu’il y a moins de ventes… Mais c’est plus favorable pour la planète parce qu’on ne les change pas tous les ans. Nous avons fait d’autres actions, avec par exemple un pôle restauration 100% béarnais, des bacs récupérateurs de drapeaux, la suppression des supports de communication papier : flyers et journaux de match sont maintenant 100% digitaux. Ce sont parfois des actions anodines, on peut le penser, mais mises bout-à-bout, ça commence à faire beaucoup.
« Ne pas oublier la puissance que l’on peut avoir en tant que sportif. »
Est-ce que l’environnement du club, c’est-à-dire la nature environnante, les Pyrénées et l’Océan Atlantique, mobilise davantage les parties prenantes du club qu’ailleurs ?
Julien Pierre : C’est une bonne question, que je ne m’étais jamais posée… Est-ce que les gens s’engageraient davantage parce qu’ils sont en province ou proches de la nature ? Je ne l’espère pas ! La puissance du sport doit suffire à elle-même. Qu’on soit au Stade Français ou à Pau, quand on sort du stade, le déchet on le trie, on le met à la poubelle. Les joueurs, de la même manière, doivent être aussi exemplaires.
Justement, quel rôle peuvent avoir les rugbymen, et les sportifs plus largement, dans la protection de notre environnement ?
Julien Pierre : Ils ont bien sûr un rôle à jouer. On traverse actuellement une crise qui va bouleverser certaines choses, accélérer la transition écologique je l’espère, et les sportifs ont un rôle à jouer. Ça doit changer, on doit être moteur du changement. On doit aussi se dire, en tant que sportif, je préfère choisir ce sponsor-là plutôt que celui-ci parce qu’il a une meilleure éthique, une meilleure démarche. Je sais que c’est compliqué et que c’est facile à dire, mais il faut être le plus exemplaire possible. On ne le sera jamais totalement mais on doit tous faire le maximum sans oublier la puissance que l’on peut avoir en tant que sportif.
Cette crise justement, parlons-en. On parle souvent, en ce moment, du monde d’après et du sport d’après. Qu’en penses tu ?
Julien Pierre : Le monde d’après… C’est à nous de le construire déjà ! On ne doit pas attendre que les politiques ou les entreprises changent, même si elles vont changer bien sûr. Mais si nous, consommateurs, ne changeons pas, si nous continuons d’aller acheter des produits à l’autre bout du monde, ou dont on n’a pas besoin, sans faire attention, rien ne changera. Les consommateurs ont cette puissance-là. Faire attention à nos déplacements, ne pas prendre la voiture pour faire 100m… Encore une fois, ce sont des détails, mais il y a tellement de choses à faire. Je pense aux déchets : arrêtons de jeter tout et n’importe quoi, par la fenêtre parfois. Quand on voit le nombre de masques ou de gants en plastique dans la rue en ce moment, le monde d’après ça va être quoi ? Un monde avec plus de déchets ? C’est à nous, sportifs et individus, d’imposer le changement.
« Il faut que nos dirigeants prennent des décisions fortes pour aller plus loin »
Pour le sport d’après, je crois que c’est Nikola Kabaratic qui disait dans L’Équipe il y a quelques jours, qu’il fallait imposer des contraintes, comme les déplacements des équipes qui ne se feraient plus qu’en train, et pas en avion, dans la mesure du possible. Imposer aussi de la nourriture locale. Des clubs ont commencé le faire. Pleins de choses se mettent en place mais il faut aller plus loin. Il faut que nos dirigeants prennent des décisions fortes pour aller plus loin.
Quels bénéfices économiques peuvent tirer les clubs et organisations sportives de la transition écologique ?
Julien Pierre : Il y a forcément des impacts, il faut les calculer. Si tu mets en place du covoiturage, tu vas gagner des places de parking et de la fluidité aux abords du stade, les supporters viendront plus facilement. À partir du moment où tu as une image plus verte, tu auras de nouveaux partenaires ou supporters qui vont arriver. Si tu fais attention à ta consommation d’énergie, tu réduits forcément tes coûts d’électricité. Et si tu arrêtes d’utiliser des produits chimiques pour la pelouse, ce sont des coûts qui réduisent aussi. Chaque club, chaque stade doit le calculer bien sûr, car c’est bien plus complexe que ça.
Pour finir, je travaille actuellement sur un projet que je souhaite ambitieux qui s’appelle Fair Play For Planet. Je serai ravi d’en parler avec Ecolosport très prochainement !