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Yves Pellicier (MAIF) : “Le sport est un vecteur de transformation”

Yves Pellicier, Président de MAIF - © Alexandre ISARD / PASCO / MAIF
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Ecolosport s’est entretenu avec Yves Pellicier, président de MAIF, assureur devenu incontournable dès lors que le sport se veut responsable. Il est question de stratégie, de retombées, de militantisme et d’aventuriers. Entretien.

Ecolosport : Avec son mouvement Sport Planète, MAIF est devenu depuis plusieurs années un acteur référence dans le sport dit durable. Si on revient quelques années en arrière, quelle a été la volonté de MAIF autour de cette stratégie ?

Yves Pellicier : D’abord, je vous remercie de nous renvoyer cette image de MAIF, identifié comme un acteur du sport durable. La vocation première de MAIF n’est pas de faire du sport. Parmi tous nos métiers, elle est assureur. On assure une bonne partie du monde sportif au travers des associations – c’est le quotidien du sport – et des fédérations. On a une vraie intimité avec le sport, on le connaît bien. Nous avons utilisé cette bonne connaissance du monde sportif et cette confiance que l’on avait installée en tant qu’assureur pour, aux débuts du mouvement Sport Planète, installer dans nos relations et nos partenariats un axe environnemental.

Ce qui est intéressant, aujourd’hui, c’est que ce sont ces organisations qui viennent nous chercher sur cet axe-là. Il a pourtant fallu ferrailler un petit peu au début du mouvement. C’est une évolution sensible et qu’il faut être capable de reconnaître. Nous sommes passés de la dimension de la sensibilisation, qui était l’objectif de départ, à l’action. Ce sont des étapes importantes, nous commençons à les mesurer. Les fédérations viennent nous chercher pour que nous les aidions à passer à l’action. C’est assez génial.

Justement, quelles sont les retombées pour MAIF, pour les parties prenantes que vous accompagnez… et pour la planète, finalement ? Arrivez-vous à les mesurer ?

Nous avons une stratégie globale climat où tous les métiers de l’entreprise – et ça s’est d’ailleurs renforcé en devenant société à mission – ont, ou mettent en œuvre, une partie de cette stratégie. Nos gestionnaires d’actifs – on gère 23 milliards d’actifs – ont ce cadre-là. Dans la façon de faire notre métier d’assureur et de réparer avec nos sociétés, nous avons ce cadre-là. Nous avons aussi un dividende écologique qui fait partie de cette stratégie globale. Pourquoi le sport ? Parce que c’est un levier hyper puissant, c’est 30 millions de pratiquants. Il y a une image autour du sport, il est un vecteur d’émancipation, et pour nous un vecteur de transformation.

Pour MAIF, Sport Planète est un élément de sa stratégie globale climat. En termes de visibilité, c’est puissant. Vous l’avez dit : on est reconnu, identifié. Ça éclaire et nourrit la marque, et la marque nourrit Sport Planète. On en est très satisfait. Nos partenaires viennent chercher une sorte de légitimité de leur mise en action. Ils le font avec un partenaire qui est légitime, qui est crédible et qui leur permet aussi d’accéder à des outils et des moyens qu’ils n’avaient pas forcément. C’est aussi ça l’intérêt de Sport Planète : avoir agrégé un écosystème puissant. Les fédérations peuvent venir chercher de l’outillage, être accompagnées par des acteurs du mouvement pour les aider dans leur transition.

Le sujet aujourd’hui, c’est l’impact pour la planète, c’est ce que nous allons chercher in fine. Ce n’est pas de la communication, on fait ça pour avoir un impact. C’est l’objectif ultime. Aujourd’hui, c’est un peu tôt en termes de mesures. D’abord parce qu’on n’a pas un outil universel de mesures aujourd’hui. Est-ce qu’on peut en avoir ? On travaille avec le Shift Project et avec d’autres structures pour savoir quelle est la meilleure mesure. Le bilan carbone, ça a l’air de faire foi pour l’instant, mais est-ce que c’est la bonne ? Ça ne marche pas tout le temps. Je reviens sur votre question : est-ce que nous avons, aujourd’hui, une mesure d’impact du mouvement ? En équivalent carbone, je ne l’ai pas. Par contre, nous savons mesurer le nombre de bouteilles plastiques que nous avons évitées sur les événements accompagnés par Sport Planète. Lorsqu’on ne distribue plus de t-shirts finishers, nous savons en mesurer l’impact eau et CO2. Mais on n’a pas de mesure globale.

Vous parliez des partenariats avec les fédérations (basket-ball, athlétisme, volley-ball, aviron…) et de leur approche éco-responsable. Est-ce qu’il y a une volonté d’appliquer cette stratégie dans d’autres sports, auprès d’autres fédérations, à court terme ? 

C’est toujours mieux de consolider les partenariats, parce qu’on est sur une démarche d’amélioration continue. Il est clair qu’il nous reste énormément de choses à faire avec ces fédérations. On ne s’interdit pas d’accompagner tous ceux qui auraient envie d’être accompagnés, parce que nous avons passé cette étape de sensibilisation, nous sommes vraiment dans l’activation. Nous avons des outils que nous pouvons mettre à disposition pour les accompagner sur leurs événements sportifs : des rampes à eau, des choses qui peuvent paraître simples mais qui ont un ROI. Aujourd’hui, notre enjeu est de répondre à leurs demandes, plutôt que d’aller les chercher. Lorsque la Fédération Française de Triathlon s’intéresse au sujet, a envie d’être accompagnée, ça nous parle et nous nous mettons en mesure, dès les discussions, de bien comprendre ce qu’ils viennent chercher. Et, dans la mesure de nos capacités, nous leur fournissons les outils que nous avons, nous les accompagnons. 

Est-ce que l’engagement environnemental d’une fédération, avant même d’avoir le soutien de MAIF, est un élément déterminant et différenciant dans vos choix ? Souhaitez-vous aussi accompagner une structure sportive parce qu’elle est justement engagée dans cette démarche de durabilité ?

C’est toujours plus facile, mais l’une des missions du militant – et la MAIF est un assureur militant – est de convertir ceux qui sont le plus loin du sujet. Donc on ne s’interdirait pas d’assurer et d’accompagner une fédération qui n’est pas forcément au goût du jour sur le sujet, justement pour la convertir. C’est l’objectif, c’est là où ça devient plus puissant. L’objectif d’un militant, ce n’est pas que de parler devant un public qui est convaincu, ça ne sert pas à grand-chose, à part se conforter dans ses convictions. Dans la discussion, l’objectif est de les amener à évoluer, à changer, à se mettre en mouvement, à être dans la transition. Il faut néanmoins que ce soit compatible avec MAIF, il ne faut pas que ça vienne écorner notre image. On ne va pas aller assurer le sport automobile, en tout cas tant que je suis président, car ça nous paraît un peu éloigné des combats que l’on mène.

Il y a, aujourd’hui, des fédérations qui partent de loin, mais qui commencent malgré tout à être sensibilisées parce que l’éco-conditionnalité les touche. Nous regardons avec beaucoup de bienveillance ce que le Ministère des Sports a mis en place, et ce qu’il est en train de durcir en termes de financement, parce que ça va exactement dans le bon sens. C’est une prise de conscience qui, certes, passe par le levier économique, mais dans ce bas monde, nous n’avons pas tellement le choix, c’est le levier le plus puissant. Les fédérations auraient tout intérêt a minima à s’intéresser au sujet et à se mettre en action.

Est-ce que vous pourriez soutenir d’autres organisations sportives de type clubs, notamment des clubs professionnels, qui ont cette démarche éco-responsable, mais aussi un impact plus territorial ?

Nous l’avons déjà fait, au travers de ce que nous avons mené, par exemple, avec la FFBB, c’est-à-dire un équivalent en euros de chaque panier marqué par l’équipe de France sur certains événements. Cette manne financière a été distribuée à des associations ou des clubs qui s’engageaient dans la démarche éco-responsable. Après, nous n’avons pas aujourd’hui de politique généralisée sur l’accompagnement des clubs en tant que tels. Nous utilisons en particulier les fédérations pour qu’elles puissent parler à leurs clubs, pour les emmener dans cette démarche-là. Je prends un exemple : la fédération d’aviron, une fédération historique pour nous. Nous travaillons avec les clubs d’aviron, dont 90% sont assurés chez nous, et les mettons en relation avec nos acteurs locaux, puisque la MAIF a une représentation portée par des militants au niveau local. Là, nous pouvons avoir des partenariats locaux. C’est notre politique. Nous faisons entrer le mouvement par les fédérations, que nous emmenons ensuite sur le sujet des clubs : comment la fédération peut les accompagner, et comment nous pouvons relayer et être présent sur le terrain, aux côtés des clubs.

MAIF a lancé début avril sa nouvelle promotion d’aventuriers. En quoi ces éco-aventures sont pertinentes pour MAIF ? Pourquoi les soutenir ?

L’idée d’utiliser des sportifs de bon niveau, mais qui sont aussi porteurs d’un message écologique, pour parler à des pairs, à d’autres sportifs, à d’autres individus, c’est aussi très puissant. Comment sensibiliser 30 millions de pratiquants, qu’ils soient dans des clubs ou non, si ce n’est par des pairs qui sont capables de leur parler ? Ce terrain-là nous intéresse. Et dans nos aventuriers Sport Planète, nous avons effectivement des sportifs de bon niveau, qui sont capables, au travers de défis de parler à d’autres sportifs : « Tiens, mais c’est super, tu fais un marathon par jour, qu’est-ce que ça veut dire ? » L’objectif est d’apporter un message lié à l’environnement, à émuler le terrain de jeu des acteurs du quotidien du sport. Le basculement, il se fait aussi par la masse.

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Au-delà des aventuriers, quelles sont les initiatives qui sont menées cette année par le mouvement Spot Planète ? Quelle est votre vision ?

Le mouvement Sport Planète est adolescent, il a très peu de temps. Nous l’avons installé, nous avons vérifié notre légitimité, nous avons construit des offres de services pour les associations, pour les fédérations, etc. Nous sommes à un moment de bascule : comment passons-nous à l’étape d’après, comment mettons-nous en mouvement la démarche ? Nous sommes en train de redéfinir ce que va devenir Sport Planète dans les années à venir. Ce que nous savons aujourd’hui, c’est que nous avons atteint ce niveau de légitimité, nous sommes au bon endroit, nous sommes reconnus, nous avons des savoir-faire et nous allons donc rester sur cette trajectoire. Désormais, la question est de savoir comment nous allons passer à l’échelle, comment nous traduisons cela ? C’est encore trop tôt.

Pour finir, et au delà de MAIF, comment évaluez-vous l’évolution de l’engagement des acteurs du sport en faveur de l’éco-responsabilité ces dernières années ?

Je vais commencer par le côté très positif. J’ai été agréablement surpris, lors de la soirée de présentation du rapport du Shift Project, de la façon dont les fédérations de football et de rugby s’engageaient réellement avec la labellisation de clubs ! J’ai constaté qu’elles avaient, elles aussi, passé l’étape de la sensibilisation et qu’elles commençaient à mettre en oeuvre des choses. Je trouve que le mouvement global du monde sportif va dans le bon sens. Après, lorsque l’on regarde les sportifs, très câblés « performances sportives », l’écologie n’est pas forcément leur objet principal. Il y a un vrai travail à faire. Je me souviens encore de Christophe Galtier qui répondait à une question sur les déplacements du PSG. On part de très très loin, mais on commence à voir que ça bouge.

L’impulsion donnée par le Ministère est hyper intéressante. Je pense que la pression citoyenne est un levier puissant. C’est pour cette raison que nous travaillons le terrain avec nos sociétaires et avec tous ceux qui veulent nous entendre, parce que la pression du peuple est intéressante à entendre, elle peut être pertinente pour faire bouger les choses. Je pense qu’aujourd’hui, certaines fédérations sentent cette pression-là, elle arrive. J’ai donc beaucoup d’espoir dans ce basculement. Je pense que le mouvement est enclenché, et en tant que militant, j’ai toujours de l’enthousiasme, et l’espoir qu’il ne s’arrêtera pas.

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