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Christophe Lepetit : « L’écologie est une opportunité économique à saisir ! »

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Accélèrer sa transition écologique, c’est aussi accélèrer son développement économique. C’est, en substance, ce que nous explique Christophe Lepetit, responsable des études économiques au CDES de Limoges, et convaincu de l’obligation pour les organisations sportives de changer leur modèle.

Le développement durable au sens large semble être une opportunité économique importante pour les entreprises. Est-ce vrai aussi pour le sport professionnel ?

Christophe Lepetit : Oui ! Au delà d’être une opportunité – qui est un terme qui peut avoir une connotation négative et qui peut vite déboucher sur du greenwashing – c’est une obligation ! C’est une obligation de se convertir assez vite et assez fortement à l’écologie parce que le sport professionnel vit dans un environnement qui devient hostile, avec l’augmentation des températures, les problèmes phytosanitaires sur les pelouses et la qualité de l’air qui se dégrade. Toutes ces problématiques peuvent remettre en cause l’existence du sport professionnel, ou en tout cas amener des conditions de pratique extrêmement difficiles. Dans ce contexte-là, effectivement, l’écologie est une opportunité économique à saisir. Plus qu’une opportunité, c’est un virage à 360° qu’il faut prendre car c’est la survie du secteur qui est en cause.

Aujourd’hui, nous voyons bien que les financeurs traditionnels du sport, à l’exception des diffuseurs télévisuels, se convertissent eux-même à l’écologie. Ces financeurs et sponsors, qui amènent des recettes commerciales aux différents sports professionnels – et qui sont capitales pour le basket, le handball et le rugby par exemple – sont de plus en plus en demande d’actions solidaires, sociales et écologiques. J’ai l’impression qu’ils réorientent leurs budgets de communication vers des actions qui entrent dans les programmes RSE, dont fait partie l’écologie, évidemment.

Il est donc impératif pour les clubs et les organisations sportives de se saisir de cette opportunité. Leur avenir deviendrait, sinon, très compliqué.

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Claire Lepage, ex-responsable RSE de la Ligue Nationale de Rugby, nous disait il y a quelques mois que le partenariat sportif tel qu’on le connait encore aujourd’hui est presque désuet par rapport au partenariat sociétal. Vous êtes donc d’accord avec elle…

Je suis totalement d’accord avec elle. Cela rejoint mon propos précédent. Aujourd’hui, les entreprises veulent être de plus en plus responsables, ont conscience qu’elles évoluent dans un monde qui ne dispose pas de ressources infinies. Il faut donc prendre soin de notre environnement. Ces entreprises sont donc enclines à financer tous types d’actions qui présentent un impact social, sociétal et environnemental positif.

Dans ce cadre-là, il est évident que les sponsorings de puissance sont voués à se réduire. La masse du sponsoring et des budgets des annonceurs va s’orienter vers du soutien à des organisations ou des actions qui se veulent écologiquement et socialement responsables.

Je pense, justement, que des personnes comme Claire Lepage ou Margot Chave (responsable RSE de la LFP, ndlr) ont beaucoup de travail à faire sur l’acculturation, la sensibilisation voire l’évangélisation des acteurs du sport professionnel, parfois éloignés de ces considérations et qui ont parfois du mal à voir au-delà du prochain match.

Est ce que l’économie du sport est mature pour des changements profonds ou est-ce encore utopique ?

C’est une question qui se pose, je ne suis pas sûr qu’elle le soit totalement. Par contre, je suis convaincu que ce n’est plus une option, c’est une obligation ! Soit le changement se fera de façon volontaire, soit il s’imposera à eux. J’ai bien peur que, malheureusement, ces changements s’imposent à eux, qu’ils les subissent, et qu’ils rament pour obtenir des financements. En adoptant une vraie démarche proactive, les acteurs du sport peuvent bâtir une stratégie cohérente.

Quel est le risque de ne pas rendre durable le sport professionnel ?

Le risque est sa disparition pure et simple. Ce n’est pas le fait du sport professionnel uniquement. Si le sport pro se rend éco-responsable mais que toutes les autres activités humaines ne le deviennent pas, le sport subira. Le sport pro doit y contribuer. S’il ne va pas vers cette tendance de fond qui dépasse largement le cadre sportif, on ne pourra plus pratiquer, ou en tout cas plus dans les conditions actuelles.

Terrain rugby Ecologie sport Ecolosport

Pourquoi ? Parce qu’il fera trop chaud dans certains endroits du globe et ça limitera drastiquement le nombre de territoires capables d’accueillir certains événements ou clubs sportifs. Parce que les pelouses ne seront plus en état adéquat pour proposer un spectacle sportif de qualité, un spectacle vendu aux annonceurs et aux diffuseurs. Et parce que ça remet en cause la santé des joueurs et des sportifs. Jouer avec +4°C, si on suit les scénarios les plus pessimistes à l’horizon 2100, ou avec un air extrêmement pollué peut devenir extrêmement dangereux pour les joueurs. Si on continue sur les tendances qui sont les nôtres aujourd’hui, j’ai peur que nous ayons de grosses difficultés à pouvoir assurer la pérennité du sport professionnel tel qu’il fonctionne aujourd’hui.

Nous n’avons pas encore évoqué un autre sujet : le déplacement des populations, et en particulier des colonies de fans qui suivent leur équipe, que ce soit à l’intérieur d’un même pays, ou à l’échelle européenne et internationale. Ça peut remettre en cause l’économie du sport professionnel et ses conditions d’exercice.

L’un des enjeux pour les organisations sportives, c’est aussi l’influence et l’aura qu’elles peuvent avoir sur leurs fans, qui va bien au-delà des spécialistes climatiques et environnementaux…

Complètement ! C’est sur ce point que le sport a une carte majeure à jouer. Le sport peut aussi être un support majeur d’acculturation à ces enjeux environnementaux. Quand un club sportif, un sportif ou une sportive parle à sa communauté de fans, ils écoutent ! Les sportifs ont un rôle de modèle à jouer et il faut s’appuyer là-dessus. Il est bien plus porteur de faire parler les clubs ou les sportifs sur ces sujets-là plutôt que les climatologues, qui sont certes des pointures et des experts dans leur domaine, mais qui apparaissent peut-être aujourd’hui à la majorité de la population comme des gens d’un autre monde.

Il est clair qu’il y a quelque chose à faire pour sensibiliser tous les fans sur les sujets environnementaux. Claire Lepage l’a très bien expliqué sur votre site : il y a déjà beaucoup d’actions mises en place et d’autres à venir, sur les sujets environnementaux et sur l’implantation des clubs sur leur territoire avec les problématiques sociales qui y sont liées. Le sport est un excellent véhicule pour développer de telles actions.

Christophe Lepetit CDES Ecologie Sport Ecolosport

Vous êtes responsable des études économiques au CDES de Limoges. N’y a t-il pas une opportunité de former les étudiants et futurs professionnels du monde du sport aux pratiques ou aux réflexions éco-responsables dans les organisations sportives ?

C’est un vrai sujet chez nous, ancien même. C’est un sujet que Jean-Jacques Gouguet, professeur émérite en économie du sport spécialiste de l’aménagement du territoire, a toujours évoqué dans nos formations et en particulier dans nos masters 2, notre plus ancienne formation, en replaçant le sport dans son contexte général. Par le biais de nos activités, de nos études et de nos formations, nous essayons de présenter le sport dans son contexte car il ne vit pas en vase clos.

Sur nos formations internationales aussi, nous évoquons le futur du sport, le futur de l’organisation future du sport, dans lesquels les enjeux environnementaux prennent évidemment place.

L’évolution des mentalités dans les structures sportives passent donc aussi par les jeunes qui entrent dans ces organisations…

Bien sûr, la jeunesse est une cible sur laquelle il faut travailler. Aujourd’hui, nous voyons des mouvements de la jeunesse qui se structurent et qui sont convaincus de ces enjeux environnementaux. Il faut travailler avec cette jeunesse : ce sont eux et leurs enfants qui habiteront la planète quand nous n’y serons plus. Il faut qu’ils prennent conscience des enjeux. D’un point de vue général, je pense qu’ils ont en conscience. Je crois qu’il faut que tous les programmes de formations et d’études existants veillent à travailler particulièrement sur cette cible des jeunes.

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