François Astorg, le Maire « divers écologiste » d’Annecy a annoncé l’arrêt du soutien de la ville à l’étape du Grand-Bornand de la Coupe du Monde de Biathlon. L’annonce a eu un certain retentissement. On vous explique pourquoi.
Événement réunissant durant une semaine le gratin de la discipline, l’étape du Grand-Bornand de la Coupe du Monde de Biathlon, qui a débutée ce lundi 16 décembre, engendre de vives tensions entre organisateur(rice)s, collectivités hôtes et écologistes. Entre le balai des camions pour compenser le manque de neige et l’engouement populaire attirant plus de 50 000 spectateur(rice)s, il y a de quoi sérieusement se questionner sur la tenue d’une telle compétition dans un contexte de dérèglement climatique. Face à cette situation, la mairie d’Annecy a décidé de désengager son soutien notamment financier à compter de 2026.
Les Alpes, un écosystème en grand danger
Le milieu montagnard est très vulnérable face au dérèglement climatique. Abritant plus de 30 000 espèces animales et 13 000 espèces végétales, les Alpes sont en grand danger avec des températures se réchauffant 2 fois plus vite que dans d’autres régions du globe. Urbanisation, transport, agriculture : l’exploitation excessive de ces espaces liés aux activités humaines accélère la chute de la biodiversité.
Pourtant, les services rendus par la montagne sont essentiels au bon fonctionnement de la vie sur Terre et de nos sociétés. On peut citer, entre autres, son rôle majeur dans le cycle de l’eau, grandement menacé avec la fonte des glaciers, ses services de régulation (érosion, risques naturels, climat, qualité de l’air et de l’eau) ou encore ses bienfaits pour notre santé (bien-être mental, ressources pharmaceutiques…).
Chaque degré de réchauffement climatique mondial en plus engendre un mois d’enneigement en moins. Ainsi, comme le précise le site du Ministère de la transition écologique, les Alpes ont perdu 30 jours d’enneigement en moins de 50 ans. À ce rythme, le manteau neigeux devrait baisser de 80% d’ici la fin du siècle.
La neige de culture : regarder plus loin que l’impact carbone
Pour revenir au Grand-Bornand, village situé à 1300m d’altitude, le déficit en neige est devenu la norme. Ainsi, pour assurer la tenue de l’étape 2024 de la Coupe du Monde de biathlon sur le site de l’épreuve se trouvant à 930 mètres d’altitude, les organisateurs sont obligés de recourir de façon massive à la neige de culture, comme ce fut déjà le cas en 2022 (voir article ci-dessous).
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Dès le 2 décembre, les Bornandin(e)s ont pu assister à un défilé de camions livrant l’or blanc produite, en partie, au Chinaillon et dans la vallée du Bouchet (commune du Grand-Bornand). Du côté de la Mairie, on minimise en rappelant que le « snowfarming » ne représente que 0,8% du bilan carbone de l’événement. Une goutte d’eau – ou un flocon de neige – par rapport aux 80% liés au déplacement des spectateurs.
Sur ce dernier point, quelques efforts sont effectués, grâce à un partenariat avec la région Auvergne Rhône-Alpes, pour proposer des TER au départ de Lyon et Grenoble, ainsi que des navettes en bus depuis Annecy. Malheureusement, et comme le précise le média Outside, on estime que ce sont à peine 3 500 spectateur(rice)s sur les 50 à 60 000 attendu(e)s, qui auront recours à ces moyens de transports. L’offre de covoiturage peut aussi permettre d’améliorer légèrement l’empreinte carbone des mobilités.
Concernant la neige de culture, son impact sur la biodiversité est assez important comme le précise l’association Mountain Wilderness dans un communiqué, d’autant plus dans un contexte où la ressource en eau est de plus en plus menacée.
« Les aménagements servant à l’enneigement artificiel ont des impacts à plusieurs autres niveaux. Ils ont notamment des conséquences négatives sur les cours d’eau et leur faune (poissons et batraciens) en période d’étiage. Les impacts sur la flore sont également notables : la teneur en eau plus importante de la neige artificielle soumet le sol et la végétation à des troubles profonds. Par ailleurs, la neige artificielle (plus dense et moins perméable que la neige naturelle) fond plus tardivement, ce qui modifie les régimes hydriques. En conséquence, des risques accrus de glissement de terrain, de l’érosion, une augmentation du débit des rivières lors de la fonte et in fine une évacuation plus brutale de l’eau non utilisée par le milieu. Ceci sans parler de la pollution sonore que les infrastructures génèrent en perturbant la faune et les visiteurs. » Les 0,8% de l’empreinte carbone sont ainsi l’arbre qui cache la forêt.
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Pour le Maire d’Annecy, “adapter la montagne au réchauffement climatique ne peut plus attendre”
Ainsi, la mairie d’Annecy a annoncé qu’elle se désengageait du soutien apporté à l’événement sur la période 2026-2030, ce qui comprend « un financement de 100 000 euros, la promotion de l’événement et la collaboration logistique et humaine ».
Dans les colonnes de Libération, l’édile de la préfecture de Haute-Savoie a précisé les raisons de cette décision. « À propos de la question du climat dans les stations de moyenne montagne, tout le monde est d’accord sur le fait qu’on ne peut plus faire comme avant (…) Le Grand-Bornand l’a compris depuis longtemps et développe d’autres événements qui ne sont pas seulement liés à la neige. Pour la Coupe du monde de biathlon, un nouveau modèle durable n’a pas encore été trouvé. Adapter la montagne au réchauffement climatique ne peut plus attendre ».
Dans la même veine, le maire annécien a décidé que sa commune n’accueillerait plus le Martin Fourcade Nordic Festival, un événement rassemblant chaque année plus de 40 000 personnes sur le Pâquier, une grande esplanade en herbe au bord du Lac. « La fragilité des espaces naturels et une nouvelle politique événementielle pour apaiser le Pâquier » ont notamment été invoqués par le Conseil Municipal pour justifier ce choix.
Plusieurs problématiques sont ainsi soulevées ici, telles que le maintien de compétitions dans des périodes de l’année peu propice à leur bon déroulement. Dans quelle mesure peut-on, aussi, imaginer une reprogrammation de ces épreuves en janvier ou février pour bénéficier d’un enneigement naturel ? Doit-on faire venir des dizaines de milliers de spectateurs sur un court laps de temps, au sein d’un écosystème fortement fragilisé ?
Le recours à la neige de culture va s’intensifier au même rythme que la neige naturelle va s’amenuiser, chaque année davantage à basse et moyenne altitude. Avec un impact durable sur la tenue de cette épreuve. Et avec des répercussions possibles sur les Jeux olympiques et paralympiques Alpes 2030, dont le site du biathlon devrait être… au Grand-Bornand, justement.
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