Les stations de ski font face à un double défi : leur impact écologique et les effets du changement climatique sur les pratiques, qui menacent leur avenir. L’artificialisation des montagnes, la construction d’infrastructures et la production de neige artificielle donnent le sentiment d’un secteur à bout de souffle. Dans ce contexte, la station italienne Homeland propose une alternative plus responsable : un domaine de ski de randonnée sans remontées mécaniques.
Chaque hiver, en Europe, les montagnes se transforment en de gigantesques parcs d’attractions blancs, maintenus – en partie – en vie artificiellement. En 2024, plus de la moitié des pistes françaises et italiennes dépendaient déjà de la neige artificielle. Une absurdité : produire un hectare de neige demande jusqu’à 4 000 m³ d’eau – alors qu’elle se raréfie – et 40 000 kWh d’électricité. Un village italien a souhaité proposer une alternative, à rebours des usages actuels, mais bien ancrée dans le réel. À Montespluga, au nord de Côme, à la limite des Alpes suisses, la station Homeland a choisi de se passer de remontées mécaniques et propose uniquement du ski de randonnée, pour préserver les montagnes. Pas de pylônes, pas de câbles, pas de moteurs. Pas de destruction d’habitats naturels non plus. Ce qui ne rend pas la pratique du ski de randonnée neutre pour autant. « Elle s’adresse à une cible plus petite, mais il y a tout de même un impact : finalement, avec leurs skis, les skieurs perturbent la biodiversité », nuance Antoine Chouvellon, responsable communication et partenariats de Mountain Riders.
Derrière cette station pas comme les autres, il y a deux hommes : Tommaso Lazzuna et Paolo Pichielo. Leur concept est simple : revenir à une pratique plus authentique de la montagne, basée sur l’effort et le respect de l’environnement. « Nous créons l’alternative à un moment où la diversification est nécessaire. Le changement climatique nous montre que tout n’est pas toujours possible. Et que la solution, outre l’atténuation, est l’adaptation. L’avenir de nos montagnes, c’est cela : l’adaptation » argumente et répète Walter Bossi, directeur de la station, pour L’Indipendente.
Loin des foules des grandes stations, Homeland comprend 11 itinéraires balisés, adaptés aux débutants comme aux experts. Les infrastructures y sont réduites au strict minimum : quelques refuges, et la montagne, tout autour du village.
L’avenir incertain du ski traditionnel
Un rapport du WWF, datant de 2022, met en exergue les problématiques actuelles et futures des sports d’hiver : nous devrions perdre environ un mois d’enneigement par degré de réchauffement futur. Selon ce même rapport, dans un monde à +4°C par rapport à l’ère pré-industrielle, l’épaisseur du manteau neigeux des Alpes pourrait diminuer de 80%. Aujourd’hui, alors que la France est autour des +1,7°C, les effets du changement climatique sur nos montagnes sont déjà visibles. Dans les Pyrénées, seules trois stations pourraient encore bénéficier d’un enneigement naturel si la température mondiale augmentait de 2°C. À +4°C, il n’y en aurait plus aucune…
Autrement dit, le ski va devenir un loisir difficilement accessible, et sera de fait de plus en plus réservé aux locaux ou aux plus fortunés, celles et ceux capables de se rendre dans les rares stations encore viables. Le cas de la station de Métabief, dans le Jura, illustre cette réalité. Elle a déjà acté l’arrêt de son activité de ski alpin d’ici 2030, faute d’enneigement suffisant. D’autres stations suivront dans les prochaines années, et vont devoir s’adapter et diversifier leurs activités.
Un modèle difficile à mettre en place en France
Malgré son intérêt, le modèle de Homeland reste difficilement transposable en France, où « les stations sont déjà massivement équipées de remontées mécaniques et où l’économie locale repose sur un tourisme de masse. L’impact des stations ne se limite pas à leurs infrastructures : elles attirent un vaste public”, détaille Antoine Chouvellon. Plus de la moitié de l’impact carbone d’une journée au ski est lié aux transports des pratiquants et touristes, là où le domaine skiable en lui-même ne représente que 3%, selon des chiffres de l’ADEME. Le reste est lié aux hébergements, aux équipements et à l’alimentation.
En somme : les remontées mécaniques accentuent le tourisme et, d’un point de vue environnemental, c’est bien cela qui pose problème. Pour autant, des initiatives émergent : le label Flocon Vert distingue une trentaine de stations de skis françaises engagées dans une démarche durable. Mais cela suffira-t-il à sauver le ski et ses stations face aux défis climatiques ?
Loin d’être une simple utopie, Homeland prouve que le ski peut exister autrement. La station italienne prouve que l’attrait du ski ne repose pas uniquement sur la vitesse et le confort. Mieux encore, son modèle économique semble pérenne : moins d’infrastructures, moins de frais d’entretien et une clientèle, de fait, plus engagée. Mais face à un secteur profondément ancré dans le tourisme de masse et dépendant des infrastructures existantes, cette alternative est difficilement généralisable. Plutôt que d’investir dans de nouveaux, coûteux et éphémères équipements, l’idée est d’adapter la montagne et ses activités aux réalités climatiques d’aujourd’hui et de demain.