Tout est bon pour lancer unnouveau maillot. Mais les clubs et les marques commencent,lentement mais sûrement, à évoluer et lancent des initiatives écologiques. Serait-ce la fin du maillot à saison unique ?
Lire le précédent épisode : De la pelouse aux défilés : les maillots, objets de surconsommation (2/3) – La puissance du marketing
Pour limiter l’impact climatique, la solution est de revenir à plus de sobriété, de simplicité. Réduire le nombre de maillots semble être la solution la plus évidente. Mais d’autres acteurs cherchent à adapter ce modèle saisonnier en jouant sur les caractéristiques du textile.
“Écologiquement, ça ne peut pas tenir de faire autant de maillots, dit Pierre-Alain Perennou. Un lancement, c’est beaucoup d’énergie dépensée par le club et la communication qu’il y a autour. Je pense que c’est quand même en train de changer. En MLS (championnat des États-Unis, NDLR), un maillot domicile ou extérieur, ils le gardent 2 saisons. Il y a Brentford en Angleterre qui a dit à ses supporters qu’ils allaient garder le maillot domicile 2 ans, puis le maillot extérieur 2 ans. C’est-à-dire que le club ne fera plus qu’un reveal maillot par an.” Plus surprenant encore, c’est le Paris Saint-Germain qui a annoncé garder son maillot extérieur actuel pour la saison prochaine.
Mais au-delà des gros clubs, une équipe a récemment annoncé garder le même maillot que la saison dernière : Laval. “Dans l’ère moderne, c’est la première fois qu’on garde le même maillot sur deux saisons” explique Chloé Brunel, responsable communication du Stade Lavallois. Cette initiative s’inscrit dans le développement d’une politique RSE forte du club mayennais depuis l’arrivée de Laurent Lairy à la présidence du club. Une décision qui permet également au club de réaliser des économies. “On est à 300 000 € de commandes textiles chaque année et on perd 15 % de notre stock. C’est une aberration écologique et économique. Là, on n’aura quasiment pas de perte pendant 1 an. On ne veut plus rien jeter ou retourner à Kappa pour destruction” annonce fièrement Chloé Brunel.
“Les réactions sont positives !”
Si prolonger la durée de vie du maillot d’une saison permet au club de réduire ses coûts, certains craignent une baisse des recettes. “On sait que quand on fait 2 saisons avec le même maillot domicile, les ventes ne vont pas être les mêmes ! Si le maillot est identique, le supporter n’a pas de raison d’acheter,” explicite simplement Pierre-Alain Perennou. Toutefois, le Stade Lavallois préfère mettre en avant l’aspect écologique. “Quand on pèse les pour et les contres, le volume de vente et les chiffres générés grâce à ça, ça ne fait pas le poids par rapport aux raisons qui nous ont fait garder ce maillot. Oui, il y aura peut-être des baisses. Mais on sait que les ventes de maillots sont influencées par les résultats. Si on fait une très bonne saison, on fera des ventes. Et les personnes qui n’ont pas acheté le maillot l’année dernière, vont peut-être l’acheter cette année. Parce que c’est l’occasion d’avoir un maillot plus rare et plus actuel parce qu’il dure 2 saisons” explique la responsable communication du club.

Au-delà d’un enjeu financier, c’est aussi un enjeu d’image pour le club. “À partir du moment où les clubs savent que ce n’est pas énorme au niveau de leurs revenus, si ça peut leur permettre d’être un peu plus populaires auprès de leurs supporters ou d’un point de vue écologique, ils ont intérêt à le faire” indique Luc Arrondel. Et le Stade Lavallois l’a constaté. “Les réactions sont positives ! Ça a été très bien pris. Ça rentre vraiment dans notre politique de club. Les supporters le savent et ça a du sens. Ce sont surtout les collectionneurs qui trouvent ça dommage” raconte Chloé Brunel. En revanche, cette initiative n’est pas dans l’intérêt des équipementiers qui peuvent revoir leurs contrats à la baisse. “Tout ça est lié !” conclut l’économiste spécialisé dans l’économie du football.
Trop de maillots tue le maillot ?
Brentford, Luton Town, Laval, ces clubs peuvent-ils en inspirer d’autres ? Après la multiplication des maillots, va-t-on assister à la contraction de leur nombre ? N’est-on pas dans un trop-plein ? Pour Pierre-Alain Perennou, qui suit ces sujets depuis une dizaine d’années, “on rentre dans une période où il y a presque un surplus de maillots et de lancements. Tu perds le charme du lancement de maillot que tu attendais en début de saison, maintenant, c’est tout au long de l’année.” Pour Franck Duret, le constat est le même. “On grimpe la colline, et quand on va arriver en haut, on ne peut que redescendre. Je pense qu’à un moment, il y aura un ras-le-bol de ce marketing. On reviendra aux maillots traditionnels, aux couleurs du club et dans un nombre contenu.”
Si le nombre de clubs à réutiliser leurs maillots d’une saison à l’autre est très faible, une chose a changé cette saison. Ces initiatives ne sont plus l’apanage des “petits” clubs puisque même le PSG s’y met. En apportant toute sa renommée et son exposition médiatique, cette décision pourrait faire émerger une nouvelle tendance. “C’est ce qu’on espère ! dit Chloé Brunel. On parle souvent des équipes de foot qui se déplacent en avion, mais l’impact de l’industrie textile est quand même énorme. Mais on met une petite pierre, et si chacun le fait, on peut changer les choses. On voit bien que ça fait parler, que ça fait réagir beaucoup de gens. On espère que ce sera fait à plus grande échelle.”
Recyclés, consignés, durables : les nouveaux maillots du football
À défaut de garder le même maillot de saisons en saisons, d’autres clubs font le choix de la durabilité. C’est le cas du FC Nantes avec une double initiative novatrice. Premièrement, le club utilise la technologie Eco-Softlock de l’équipementier Macron permettant de créer un maillot à partir de fils de polyester 100 % recyclés. Ce dernier est fabriqué avec l’équivalent de 13 bouteilles en plastique de 0,5 litre recyclées. Cependant, cette avancée technique n’est pas unique au club. Ce qui était le cas de la deuxième initiative : la consigne du maillot. Le produit ayant souvent une durée de vie d’une saison, le prix de vente comprend 10 euros de consigne, rendu à la restitution de la tenue. Chaque maillot rapporté est recyclé et transformé en produit neuf. Un système mis en place il y a 5 ans, et ne faisant plus des maillots des objets à “saison unique”.
Dans la même veine, le Forest Green Rovers, “club le plus écologique du monde” selon la FIFA, fait figure d’exemple. Après avoir créé un maillot en bambou en 2019, ils ont récidivé en 2021 avec un tissu réalisé à base de marc de café. Une prouesse.

La solution se trouve en effet peut-être à côté de chez nous. Parce que produire plus proche, c’est limiter les émissions liées au transport des produits, mais pas que. “Nous utilisons uniquement du polyester recyclé et des circuits très courts, donc très peu d’eau” dit Marie Le Pape, responsable communication chez Maillot Français. Cet équipementier fabrique ses maillots à Perpignan à partir de polyester entièrement recyclé et recyclable. “Nous proposons et utilisons exclusivement des encres certifiées Oeko-Tex, garantissant qu’elles sont non-toxiques, non-dangereuses et entièrement biodégradables”, poursuit-elle.
Pour Franck Duret, “il faut un cercle vertueux. Recycler les anciens maillots pour en faire des nouveaux. Et il y a aussi de l’argent à se faire là-bas.” Et une autre entreprise française l’a bien compris. NOLT a créé un maillot infini grâce à un fil en polyester recyclé à partir d’anciens maillots, aux caractéristiques très proches d’un fil vierge. Ce fil baptisé “Infinite Yarn” a pris cinq années de recherche et développement à l’entreprise niçoise. Qui a d’ailleurs fait le choix de ne pas breveter son innovation pour proposer sa technologie éco-responsable à toutes les marques de sport. Toute cette multiplication de maillots a peut-être un avenir dans un circuit fermé. Pour le bonheur des clubs, des fans, mais surtout de la planète.
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