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Steffen Otten (Runamics) : « L’industrie du sport doit assumer la responsabilité de ses déchets »

Runamics Steffen Otten Cradle to Cradle C2C Ecolosport
© Runamics
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Professionnel du marketing, amoureux de la course à pied et père de deux garçons : Steffen Otten a créé la marque Runamics qui a pour mission d’offrir un portfolio de produits de sport entièrement certifiés « Cradle to Cradle » (C2C), sans déchets. Entretien avec l’entrepreneur allemand qui pousse l’industrie du sport à se responsabiliser.

Pouvez-vous nous expliquer le concept Cradle to Cradle ? 

Steffen Otten : Dans un monde « Cradle to Cradle », il n’y a pas de déchets. Tout reste dans la circularité et demeure un nutriment. Soit un nutriment pour la nature, ce qui signifie que les produits sont fabriqués à partir de matériaux inoffensifs qui sont finalement compostables. Soit un nutriment pour de nouveaux produits de qualité similaire. La certification des produits C2C est accordée par l’Institut d’innovation des produits Cradle to Cradle de San Francisco. Seules quelques institutions dans le monde sont autorisées à aider les entreprises à obtenir cette certification. Nous travaillons avec EPEA GmbH, une partie de Drees & Sommer de Hambourg. Notre objectif avec Runamics est de devenir la première marque de vêtements de sport au monde entièrement certifiée C2C. C’est un long chemin, sueur et larmes comprises, mais nous sommes sur la bonne voie et nous pensons que le voyage en vaut la peine.

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Comment en êtes-vous arrivé à cet éveil de conscience sur la production de textile sportif ?

Steffen Otten : La plupart d’entre nous achètent des vêtements de sport parce qu’ils ont l’air cool et qu’ils correspondent à nos ambitions sportives. Nous sommes moins nombreux à acheter des équipements de sport en pensant à l’impact environnemental ou social qu’ils pourraient avoir. D’après moi, il y a trois inconvénients majeurs en terme de vêtements de sport fonctionnels.

Premièrement, les matériaux utilisés pour la production de vêtements de sport normaux contiennent, pour la plupart, des substances douteuses qui ne devraient pas avoir leur place sur notre peau. Prenez le polyester, par exemple, dont sont faits la plupart des vêtements de sport. Il est souvent produit à l’aide d’antimoine, un métal lourd connu pour être « moins sain ». On dit qu’il n’en reste qu’un tout petit peu. Il ne fait pas de mal, disent-ils. Eh bien, si…

Deuxièmement, lorsque vous lavez des vêtements de sport fabriqués à partir de fibres plastiques conventionnelles, cela produit des microplastiques. De minuscules filaments de plastique s’échappent et finissent dans les rivières, les lacs et les océans. Chaque année, des milliers de tonnes de minuscules fibres plastiques finissent dans les océans du monde entier. Une catastrophe mondiale.

Troisièmement, si les textiles sont éliminés à un moment donné, dans le meilleur des cas, ils finissent dans une usine d’incinération locale (qui crée de l’énergie mais aussi des « sous-produits » douteux). Dans le pire des cas, ils finissent dans une décharge et se désintègrent au fil des décennies ou des siècles en particules de plastique de plus en plus petites qui sont mangées par les petits organismes présents dans le sol et dans l’eau. 

Au départ, notre projet était de développer des vêtements de sport qui ne produisent pas de microplastiques lorsqu’ils sont lavés. Nous avons fait une remise à zéro. Nous avons dû aborder la conception de vêtements de sport d’une manière différente. Nous avons dû penser à ce qui se passe avec le vêtement pendant et après son utilisation, et ce, dès la conception de la pièce. Nous fabriquons nos textiles sans plastique conventionnel. Nous empruntons des chemins différents avec d’autres matériaux. Nous nous concentrons sur la fabrication de nos produits uniquement avec des matériaux biodégradables. Les fibres naturelles comme le coton et la laine mérinos, les fibres régénératives ou encore les fibres cellulosiques TENCEL™ Lyocell et modal qui sont polyvalentes. Nous utilisons des fibres synthétiques innovantes dont la formule chimique a été modifiée, ce qui signifie qu’elles peuvent se dégrader plus rapidement que les autres matériaux. Ces matériaux sont également certifiés C2C. Ils peuvent donc être compostés industriellement.

Notre objectif actuel est que nos produits puissent, à terme, être réintégrés dans le cycle biologique lorsqu’ils sont jetés. Ils sont conçus pour se décomposer le moment venu, sans effets secondaires pour l’environnement. Et bien sûr, ils doivent aussi être inoffensifs pour le corps humain en sueur.

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Quel est le problème majeur selon vous dans l’industrie du textile sportif ?

Steffen Otten : Pour moi, le constat principal est que la grande majorité des organisations du secteur du sport se concentrent sur les mauvaises choses. Elles essaient de rendre parfaites les mauvaises choses, par exemple en utilisant des bouteilles en plastique PET pour en faire des vêtements de sport. Cela crée un problème car cela sort un matériau existant de son système circulaire de fonctionnement. En effet, on pourrait faire de nouvelles bouteilles parfaites à partir de bouteilles déjà utilisées. Mais aujourd’hui, l’industrie du sport sort ce type de matériau de son système circulaire original pour créer un nouveau produit qui finira très probablement à la décharge (parce qu’on ne peut pas en faire un nouveau t-shirt). La plupart des acteurs de l’industrie sportive évite d’assumer la responsabilité de leurs propres déchets, du coup ils prennent des matériaux d’une autre industrie et prétendent qu’ils sont les plus verts. 

« Si l’industrie du vêtement de sport reconnaissait et assumait la responsabilité de ses propres déchets et de ses propres matériaux, l’avenir serait plus radieux. » 

L’autre problème est qu’en tant que consommateur, la plupart d’entre nous pensons que nous faisons une bonne action en achetant des produits faits à partir de déchets. C’est ce qu’on appelle « l’effet rebond » parce que maintenant, comme nous pensons que nous faisons quelque chose de bien, nous achetons d’avantage et de ce fait, utilisons plus de PET. Donc plus de plastique est produit. 

C’est également là que l’industrie du marketing doit faire un pas en avant. En tant que professionnels du marketing, nous sommes responsables de l’augmentation des ventes de ces produits et de la promotion de nouvelles collection. Il est donc important de communiquer les vraies valeurs d’un produit de sport. 

Quels sont les nouveaux développement chez Runamics ?

Steffen Otten : Pour l’instant, nous travaillons sur des vêtements de sport capables de devenir un nutriment pour la planète après utilisation : un cycle biologique fermé. Prendre quelque chose, l’utiliser, le rendre. Oui, nos vêtements de sport devraient être compostables. Tous nos produits n’en sont pas encore là, mais certains le sont déjà. Nous avons sorti en 2020 le premier tracksuit certifié C2C. En 2021 nous avons sorti le premier short de course certifié C2C.

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Chez Runamics, nous sommes un peu comme les hors-la-loi de l’industrie parce que nous n’essayons pas de prendre de vieilles bouteilles en PET et d’en faire des t-shirts. Nous essayons de fabriquer des textiles de sport qui sont sans danger pour l’environnement. Cela signifie que si le pire des scénario se produit, c’est à dire le textile se retrouve dans l’environnement, il ne fera aucun mal à long terme.

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