Pour limiter leur impact et s’aligner avec une trajectoire en dessous des +2°C, les Jeux Olympiques et Paralympiques doivent être repensés. Des phases de qualification des athlètes jusqu’au lieu des Olympiades en passant par la régulation du transport des spectateurs, des solutions vertueuses existent.
Découvrez les articles de la série « En Jeux »
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7 – Paris 2024 navigue entre sponsoring responsable et greenwashing
Dans leur modèle actuel, l’avenir des Jeux Olympiques et Paralympiques n’est plus viable. Parce qu’ils restent l’évènement sportif le plus important au monde et qu’ils sont vecteurs de bien des vertus, les voir disparaître n’est probablement pas souhaitable. Alors, il faut les repenser. Non pas pour qu’ils deviennent « neutres » en carbone car c’est un mythe, mais plus pour qu’ils concordent avec les enjeux climatiques et qu’ils s’alignent sur les Accords de Paris.
Pour ce faire, une réflexion d’ensemble est vitale. « La solution, c’est forcément la mise en place d’un ensemble de solutions coordonnées. Chaque composante de l’évènement est à adapter » prévient, justement, Maël Besson, expert transition écologique du sport et fondateur du cabinet Sport 1.5.
En amont des Jeux, repenser les candidatures et les qualifications
Les Jeux commençant bien avant les Jeux, les premières réflexions doivent être menées sur la ville-hôte. Examiner les candidatures des villes selon les infrastructures dont elles disposent peut être un premier prérequis. En effet, le poste d’émission des constructions représente au moins la moitié de l’empreinte carbone des 3 dernières éditions des JO (Tokyo, Rio, Londres). « Sur la réduction de l’impact, il y a avant tout deux gros sujets : construire peu car le béton émet fortement, et les transports » argumente Maël Besson.
La solution peut être d’implémenter dans le cadre réglementaire des candidatures un quota maximum de CO2 émis par de nouvelles infrastructures ou un pourcentage maximal de dispositifs à construire à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques. Cela permettrait aussi de faciliter la question du réinvestissement des constructions après l’évènement et ainsi d’éviter que les bâtiments deviennent inutiles et vides, comme ce fut le cas à Tokyo, par exemple. Réduire les constructions d’infrastructures et se concentrer sur celles existantes permet de limiter l’artificialisation des sols et les dégâts faits sur la nature et la biodiversité.
Repenser les Jeux, c’est aussi repenser au processus de qualification des athlètes. S’il n’est pas le même pour chaque discipline, les athlètes doivent néanmoins tous faire plusieurs fois le tour du monde pour tenter de se qualifier pour la compétition phare. En plus d’augmenter significativement les émissions carbone, « devoir faire le tour du globe pour se qualifier et s’entraîner augmente les inégalités entre les sportifs, il n’y a que les athlètes qui ont les moyens et les sponsors qui peuvent participer », se désole Maël Besson. Une solution serait d’imaginer, pour plus d’équité et moins de pollution, un parcours de sélection plus régional, ou de revoir à la baisse les minimas de performance et de points pour y participer.
La question des transports liée à celle de la localisation
Alors que les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 démarrent dans une poignée de jours, le COJOP sait d’ores et déjà que le plus gros poste d’émissions CO2 sera celui des transports, des athlètes mais surtout des spectateurs. Ce point est délicat car l’organisation n’a pas la main sur les moyens de transport du public qui se rend sur site, mais il suffit de négliger cet aspect pour que l’empreinte carbone totale de l’événement explose. Si plusieurs pistes peuvent être envisagées, l’évidence nous amène fatalement vers la réduction des jauges.
Une des solutions serait de contrôler le lieu de résidence des spectateurs, en n’autorisant que les locaux à assister aux épreuves, pour limiter le recours à l’avion. Pour répondre à la demande des transcontinentaux voulant tout de même profiter de l’ambiance des Jeux, la proposition de fanzones décentralisées, issue du dernier rapport des Shifters, est à prendre en considération.
> Lire aussi : Les Shifters alertent sur les émissions de CO2 générés par Paris 2024
Repenser les Jeux, c’est exposer un nouveau modèle, une nouvelle organisation, avec son lot d’opportunités et de contraintes. Ce sont des solutions parfois radicales, qui tranchent avec nos habitudes et notre imaginaire. L’une d’elles pourrait satisfaire l’ensemble des pays : organiser des Jeux olympiques et paralympiques dispersés dans différentes villes, selon les épreuves. Les spectateurs n’iraient alors voir que l’épreuve disputée à proximité de chez eux, mais perdraient probablement ce qui fait la magie des Jeux. Envisager le choix d’une ville-hôte par continent permettrait aussi de limiter les déplacements internationaux des spectateurs – en limitant les épreuves aux spectateurs du continent-hôte. D’autres propositions existent : organiser à chaque fois les JO au même endroit, pour ne plus avoir à construire de nouvelles infrastructures, ou bien les organiser moins souvent, tous les 6, 8 ou 10 ans par exemple.
Des Jeux qui montrent la bonne voie
Événement sportif le plus important de la planète, les Jeux olympiques et paralympiques ont un pouvoir d’influence très important, qu’il est primordial de mettre au service de la planète et de la société plutôt qu’au service d’une poignée de grosses entreprises peu ou pas vertueuses. Peut-on organiser des Jeux exemplaires avec des sponsors qui sont loin de l’être ? Mais peut-on seulement organiser cet événement sans le financement de ces mêmes entreprises ? Faire des Jeux olympiques qui nécessitent moins de budget, avec un effort de sobriété considérable en ces temps, doit être étudié. Cela peut permettre d’ouvrir les JOP à un sponsoring plus responsable, en donnant de la visibilité à des groupes agissant sérieusement contre le changement climatique et qui peuvent faire changer les habitudes des consommateurs.
Les efforts entrepris par Paris 2024 pour faire de ces Jeux « les plus verts de l’histoire » (transports, alimentation, énergie, déchets, etc.) doivent être poursuivis et approfondis. En ce sens, l’organisation de Los Angeles 2028 sera un bon indicateur… Mais on semble encore loin d’un nouveau modèle pour lequel, loin de la devise olympique, il faudra nécessairement aller moins haut, moins vite et moins fort.