Quel rugby dans un monde à +2°C ? World Rugby vient de publier un rapport qui tente de répondre à cette question et qui évoque donc la nécessaire adaptation de ce sport au changement climatique.
Après avoir dévoilé sa Stratégie Environnementale 2030, qui vise à lutter contre les problématiques environnementales qui affectent et sont affectées par le rugby mondial, World Rugby dévoile aujourd’hui un nouveau document essentiel pour le milieu de l’ovalie : un “rapport (qui) utilise les dernières données scientifiques disponibles pour illustrer les impacts prévus du changement climatique sur la pratique du rugby dans le monde. Il examine en profondeur dix nations de rugby afin d’anticiper les adaptations nécessaires et les contributions potentielles que le rugby peut apporter à la transition écologique de nos sociétés.”
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Ce rapport, assez inédit à l’échelle d’un sport, doit permettre à l’ensemble des organisations du rugby – clubs, ligues, fédérations, parties prenantes – de prendre conscience des 6 principaux risques climatiques qui pèsent sur le monde de l’ovalie : augmentation du nombre de journées chaudes, des sécheresses, des événements météorologiques extrêmes, des submersions marines dues à l’élévation du niveau de la mer, des tempêtes et des cyclones, et du taux d’humidité.
“Ce que ce rapport montre avec force, c’est que la lutte contre le changement climatique n’est pas un « plus »” indique David Pocock, ancien international australien, aujourd’hui sénateur engagé pour l’environnement, en préambule. “Ce ne peut pas être une problématique que nous traitons après-coup. Le changement climatique est une menace existentielle pour le sport que nous aimons.”
World Rugby s’est ainsi appuyé sur un certain nombre de spécialistes et sur 10 de ses fédérations, dont les pays sont concernés à divers degrés par les effets du changement climatique : Argentine, Australie, Angleterre, Fidji, France, Inde, Japon, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud et Etats-Unis.
Au moins 10 jours de moins par an sans pratique du rugby
Très concrètement, le rapport exprime un certain nombre de statistiques assez préoccupantes pour l’avenir du rugby. 6 des 10 nations étudiées seront confrontées à 10 jours supplémentaires ou plus durant lesquels la pratique du rugby ne sera pas recommandé, voire même impossible en raison de températures dépassant les 35°C. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des fortes précipitations et des crues soudaines va toucher 8 nations sur 10, alors que l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses touchera 5 pays sur les 10 étudiés.
Autre point : les stades. 11% des 111 stades étudiés sont exposés à un risque annuel de submersion, dans un monde à +2°C. 30% des 111 stades devront faire face à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des tempêtes et des cyclones.
Cet ensemble de données permet d’avoir une photographie assez nette des conséquences directes du changement climatique sur le rugby. Les vagues de chaleur et les taux d’humidité élevés auront un impact important sur la santé des joueur(se)s, mise aussi à rude épreuve par la pollution et les terrains asséchés. Les pelouses vont en effet subir de plein fouet les sécheresses et la gestion raisonnée de l’eau, qui va se raréfier, et vont enfin devoir se défendre face aux nombreuses maladies qui vont s’y développer.
Bétonnés et dépourvus de biodiversité permettant de les rafraichir, les stades vont également devenir de vrais îlots de chaleur. En nombre dans les tribunes, les spectateurs le seront peut être beaucoup moins s’il fait trop chaud… avec des incidences logiques sur l’économie du rugby, sur son modèle, son image et sa gouvernance. En clair, le rugby devra évoluer et anticiper s’il ne veut pas subir de plein fouet le changement climatique.
Les 6 recommandations de World Rugby
Conçu avec Sport 1.5, cabinet de conseil créé par Mael Besson, le rapport émet enfin 6 recommandations, à destination des acteurs du rugby mondial. “Les choix auxquels nous sommes confrontés peuvent paraître difficiles au premier abord, mais face aux alternatives, ils sont en réalité assez simples” résume Bill Beaumont, président de World Rugby.
La première des recommandations est l’élaboration et la mise en oeuvre d’un plan de développement durable pour chaque organisation rugbystique, en étant aligné à celui de World Rugby. Autres points : l’intégration des projections climatiques dans les stratégies politique et commerciale des organisations, l’élaboration d’outils de gestion des actions entreprises ou encore l’adoption et la conduite du changement pour mieux anticiper et évoluer.
Enfin, il est recommandé d’élaborer un mécanisme de financement solidaire pour soutenir les communautés du rugby les plus vulnérables vis-à-vis du changement climatique – et le rugby en compte de nombreuses avec les îles du Pacifique -, et pour terminer, de soutenir les initiatives climatiques locales.“Les impacts du changement climatique ne sont pas répartis de manière égale” poursuit très justement David Pocock. “Les premiers et les plus touchés sont ceux qui ont le moins contribué au problème et qui ont le moins de ressources pour s’adapter. En Australie, nous sommes confrontés à des défis, mais ceux-ci sont insignifiants en comparaison de ceux de nos voisins du Pacifique – des pays qui ont peu contribué au changement climatique mais tellement au rugby.”
Si World Rugby s’est affairé à imaginer la pratique du jeu ovale dans un monde à +2°C, un scénario très probable, il serait tout aussi intéressant de l’imaginer sur une planète à +3°C, comme le prévoit le GIEC, d’ici la fin du siècle. D’ici là, World Rugby assure qu’elle tiendra compte des conclusions de ce rapport pour l’organisation des prochaines Coupes du Monde et des SVNS Series, la compétition mondiale de rugby à 7 dont la France est championne depuis ce week-end.