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Captations et diffuseurs TV : en voie de décarbonation 

Diffuseurs TV : en voie de décarbonation 
© Luis Andrés Villalón Vega / Unsplash
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Avec le développement des compétitions, suit celui des diffusions télévisées, toujours plus nombreuses. Si les prestataires techniques qui réalisent ces retransmissions tentent de rendre leur modèle plus soutenable, ils restent toujours soumis aux exigences des diffuseurs et des ayants-droits. 

Ligue 1, Ligue 2, Top 14, Pro D2… Chaque week-end, l’entreprise AMP Visual TV filme, pour le compte de diffuseurs TV, près d’une quarantaine de matchs en France. Rien qu’en termes de logistique, l’empreinte carbone de ce prestataire technique est importante. Selon Marc Fouquet, directeur des productions sports de l’entreprise, l’empreinte carbone totale d’un match premium s’élève à 1,86 tonne de CO2e, soit plus d’un aller/retour Paris-New-York en avion. Pour chaque rencontre, une quarantaine de personnes (cadreurs, techniciens, réalisateurs…) sont réquisitionnés et doivent être transportés, nourris, et parfois logés sur place. Afin de limiter les déplacements et les émissions carbone qui en émanent, AMP Visual TV développe “un vivier dans le local” d’après Marc Fouquet. Plusieurs “bases” sont établies en France, comme à Montpellier ou à Marseille, pour faire travailler des techniciens près de leur domicile et ainsi éviter que tous les employés ne fassent l’aller-retour depuis Paris chaque semaine. 

Geoffrey Dellus est directeur de Stop & Go, une entreprise de production audiovisuelle sportive qui produit, entre autres, le championnat de France de volley-ball et un match de Top 14 par week-end. Selon lui, “les transports et la logistique” constituent le premier facteur d’émissions de gaz à effet de serre lors des captations. C’est sur les poids lourds, utilisés traditionnellement pour transporter les régies et le reste du matériel, qu’il cible tous ses efforts. “Pour l’instant nous travaillons avec des véhicules légers et nous stockons notre matériel dans des remorques, détaille-t-il. Ils consomment moins que des poids lourds, et ça permet à nos employés de se déplacer plus facilement. Nous travaillons également sur un car-régie à étage, qui permettra de stocker la régie et le matériel dans un seul camion au lieu de deux”.  

Pour les captations à l’étranger, Geoffrey Dellus cherche là aussi à limiter le nombre de personnes et de matériel déplacés. “Il n’y a qu’une petite équipe qui part, avec seulement les caméras. Le reste du matériel, même si on a besoin d’un car régie, on le loue sur place si besoin”. AMP Visual TV, qui capte davantage d’événements sportifs en France, adopte une autre stratégie. “On fait en sorte que nos car-régies restent à proximité des stades, même quand ils ne sont pas utilisés, pour éviter de faire des allers-retours depuis Paris tous les week-ends”, explique Marc Fouquet. Cela implique aussi la coopération des clubs : “Si on couvre un match le mercredi à Marseille et qu’on doit être à Nice le samedi, on va demander de stocker notre camion quelques jours à Marseille. Sinon, ça nous obligerait à revenir garer le car à Lyon pour ensuite redescendre sur Nice”, décrit Marc Fouquet.

Le transport des régies pollue “énormément, notamment lors de “méga-événements” internationaux où des sociétés de productions mettent l’équivalent d’un car-régie dans un avion”, décrypte Maël Besson, expert en transition écologique du sport et fondateur de Sport 1.5, agence qui a notamment calculé l’empreinte carbone de la captation sportive de la direction des sports de France Télévisions. En plus du transport de matériel, les déplacements nécessaires pour capter l’événement peuvent aussi être une source importante de pollution. “Si on prend le Tour de France, détaille Maël Besson, il y a plusieurs hélicoptères pour filmer, et un avion qui se trouve au-dessus pour envoyer les images et le son”

Pour certains événements, le générateur électrique “devient le premier poste d’émission”

Mais il ne s’agit pas du seul poste d’émission. “Il faut aussi compter les générateurs électriques, rappelle Maël Besson. C’est d’autant plus le cas lors d’événements parisiens où une bonne partie de l’équipe peut venir en transports en commun et où la distance parcourue par le car-régie n’est pas trop longue. Le générateur devient alors le premier poste d’émission”. Rappelons qu’un générateur, ou groupe électrogène, produit de l’électricité à partir de l’énergie d’un moteur thermique, et donc de la combustion d’un carburant. Cela permet d’être indépendant du réseau électrique mais pollue davantage que celui-ci, puisque les générateurs rejettent des gaz à effet de serre.

Les Jeux de Paris n’ont pas échappé à ce phénomène. Kévin Martel y a travaillé en tant que Manager Data et soutient qu’à ce sujet, “les opérations liées à la diffusion n’étaient pas optimisées”. “Quand on signe le contrat de diffusion, se rappelle-t-il, on nous oblige à avoir une triple redondance. C’est-à-dire que si jamais on a une panne d’énergie sur le site, il faut qu’on ait une autre boucle, prévoir une autre source d’énergie. Si jamais la deuxième boucle tombait il fallait un autre générateur de secours, et si jamais le générateur de secours tombait il en fallait un deuxième. Ces générateurs de secours, ce sont des conteneurs qu’il a fallu amener en camion et remplir de carburant”. Finalement, le second générateur de secours, mis à disposition tout au long des Jeux, n’a jamais été utilisé.

> Lire aussi : Comment la data se met au service de la transition écologique du sport

Pour éviter ce genre de pollutions, les prestataires techniques travaillent désormais avec des régies branchées sur le réseau électrique et qui possèdent des onduleurs. Ces derniers permettent de “tenir la régie sur des batteries entre 15 et 20 minutes dans le cas où le réseau saute”, explique Marc Fouquet. Ainsi ce laps de temps permet soit de rebrancher la régie au réseau, soit d’allumer le générateur électrique. Cette technique permet ainsi d’éviter qu’un générateur fonctionne en continu. Mais pour certaines rencontres à enjeux, les ayants-droits, autrement dit la structure organisatrice (ligue, fédération…), ou les diffuseurs, imposent dans leur cahier des charges de faire fonctionner un ou plusieurs générateurs tout au long de la retransmission, afin de s’assurer qu’aucune panne n’affecte le rendu audiovisuel.

Des groupes de travail pour favoriser la transition écologique

“C’est le cas de l’UEFA, décrit Marc Fouquet, qui impose que l’on utilise des “groupes twins”, c’est-à-dire deux groupes électrogènes qui fonctionnent constamment”. Même si cette décision va à l’encontre de la stratégie de diminution des émissions carbone d’AMP Visual TV, l’entreprise reste soumise aux velléités des ayants-droits et des diffuseurs. “On doit une qualité à nos clients”, avoue Marc Fouquet. Le prestataire propose également d’utiliser le biocarburant HVO 100 pour alimenter les générateurs électriques. Mais là encore, ce ne sont pas eux qui ont le dernier mot. Idem concernant le rendu de l’image. “La 4K pollue davantage que la qualité HD, mais c’est le client qui décide” assure Marc Fouquet.

Afin d’aligner ayants-droits, diffuseurs et prestataires techniques sur le même chemin de transition écologique, ces différents acteurs de la diffusion du sport se retrouvent au sein de groupes de travail. Une initiative d’Ecoprod, une association “qui œuvre pour des pratiques écologiques et durables dans l’industrie audiovisuelle”. “Depuis deux ans, on se réunit chaque trimestre et on réfléchit ensemble aux meilleures méthodes de diffusion à adopter”, décrit Marc Fouquet. De ces groupes de travail est né, avec le concours de Sport 1.5, un guide de la captation sportive éco-responsable.

Parmi ces “bonnes pratiques” pourrait figurer le développement de la remote production. Cette technique permet de transmettre à distance les images d’une caméra à une régie. Ainsi, cela permet pour la retransmission d’un match de n’envoyer que des caméramans sur place, et de faire en sorte que toute la régie et les personnes destinées à la réalisation, à la colorimétrie, au ralenti ou à tout autre traitement des images restent dans un même studio. “Nous avons les moyens techniques de le faire, et on l’a déjà fait pour certaines compétitions comme Roland Garros, par exemple”, assure Marc Fouquet. Mais pour que cela se démocratise, il est nécessaire de changer les habitudes. “Il faut convaincre les réalisateurs, les journalistes, de ne plus aller sur place et de rester à Paris”, affirme Marc Fouquet

À ce sujet, Geoffrey Dellus est plutôt confiant pour l’avenir. “Pour l’instant, les clients ne poussent pas vers la transition écologique. Mais les mentalités changent et par ruissellement, ils seront contraints, d’ici deux ans à mon avis, de changer leur politique”.

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