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Entre engagement écologique, influence et carrière sportive, les athlètes à la croisée des chemins

Entre engagement écologique, influence et carrière sportive, les athlètes à la croisée des chemins
À l’occasion d’un placement de produit pour une valise, Antoine Dupont s’était affiché dans le métro parisien en 2023. Il a alors reçu une vague de sympathie, ses followers pensant qu’il cherchait à promouvoir une mobilité plus douce. - ©️ Instagram Antoine Dupont
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Entre pression médiatique, impératifs financiers et conscience écologique, les athlètes de haut-niveau avancent sur un fil. Comment ces figures influentes de notre société peuvent être écoutées sans trahir leurs convictions et sans mettre de côté leur carrière ?

Alors que les Français ont de moins en moins confiance dans les médias traditionnels — 32 % selon le dernier baromètre La Croix —, ils se tournent vers les réseaux sociaux pour s’informer, et se divertir. Ils sont près de 80 % à être inscrits sur au moins un réseau social et y passent en moyenne plus d’une heure par jour. C’est donc là que les regards se tournent, et là que les voix portent. Dans ce paysage bouleversé, le marketing d’influence a connu une croissance fulgurante, passant de 460 millions d’euros en France en 2024 à 520 millions en 2025, soit une hausse de 13 %. À l’échelle mondiale, les dépenses de marketing d’influence s’élèvent même à 32,1 milliards de dollars. 

Dans ce contexte, les athlètes de haut-niveau sont devenus des figures de l’influence, réalisent des placements de produits et deviennent même, parfois, les ambassadeurs de certaines marques. C’est le cas de Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, athlètes les plus suivies sur Instagram, qui n’hésitent pas à s’afficher aux côtés de Binance pour l’un et Lay’s pour l’autre. Si l’image que cela renvoie colle à la société de consommation actuelle, elle est aussi aux antipodes des injonctions écologiques nécessaires à la préservation de notre environnement.

Une question de légitimité

L’influence des sportifs pourrait être un levier puissant pour défendre la cause écologique. Mais dans les faits, leur engagement s’accompagne souvent d’un paradoxe difficile à résoudre. D’un côté, ils sont des modèles populaires, écoutés et visibles. De l’autre, ils évoluent dans un environnement où la consommation, la mobilité internationale et les partenariats commerciaux sont omniprésents. “Ils sont suivis par des sponsors pas toujours engagés. Ils vont appeler à la consommation. Difficile d’appeler à des modes de vie écologiques quand le leur est contraire”, résume Amélie Deloche, consultante en influence responsable et cofondatrice du collectif Paye Ton Influence.

Comment concilier engagement et cohérence ? Il faut chercher à entrer dans un cercle vertueux. Pour Adrien Piquera, attaché de presse sur les sujets éco-responsables, “les marques ont aussi besoin de montrer qu’elles s’engagent”, et un sportif engagé peut être intéressant pour elles. Cependant, ces entreprises auront davantage de difficultés à soutenir des athlètes pouvant parler de sujets polémiques. Il faut donc savoir doser entre une prise de parole positive, incitative et négative, critique.

“Il vaut mieux, pour les sportifs, se normaliser et se rendre désirables plutôt que de dire “je suis écolo”. Cela reste plus facile pour eux de s’engager sur des questions sociales qu’environnementales”, explique Amélie Deloche. “Une des solutions serait peut-être de visibiliser des combats sans forcément les incarner” poursuit-elle. Solution choisie par le programme Terre Au Centre du Planet Sporting Club ou par Team For The Planet et ses 100 athlètes engagés. Une manière pour les athlètes d’utiliser leur image et leur influence à bon escient sans pour autant effrayer leurs sponsors, base de leurs revenus.

Car il ne faut pas oublier la réalité économique derrière l’image. “90 % des athlètes sont dans des situations de précarité. Et on sait que quand on apporte de la visibilité à un sportif, on lui permet de vivre, de survivre”, rappelle Adrien Piquera. Ces athlètes pourraient renoncer à prendre l’avion pour limiter leur empreinte carbone. Une manière de s’engager personnellement, sans inquiéter ses sponsors et de gagner en légitimité sur l’écologie. Un luxe que peu peuvent se permettre. “S’ils décident de moins prendre l’avion, ils se coupent de leurs sports, partenaires et revenus” explique l’attaché de presse. Il conseille toutefois aux sportifs qu’il suit d’être “libres” et de ne se mettre “aucun frein” dans leurs actions pour faire bouger les choses. Dans cette tension entre argent et conviction, image publique et choix privés, les sportifs avancent malgré tout à pas de loup.

Un entourage à responsabiliser

La séquence du “char à voile” évoqué par Christophe Galtier, ancien entraîneur du Paris Saint-Germain, provoquant les rires de Kylian Mbappé a semble-t-il marqué le début d’un changement. Elle avait provoqué un retentissement médiatique certain et “cela montre une attente claire de la part des audiences : une forme d’exemplarité de ceux qui ont de la visibilité, donc des sportifs”, observe Amélie Deloche. Le regard du public évolue, et avec lui, la pression s’intensifie sur les figures médiatiques. Mais les projecteurs oublient souvent un maillon essentiel : l’entourage.

Attachés de presse, agents ou agences de communication jouent un rôle stratégique dans la manière de mettre en lumière des carrières sportives. Ce sont eux qui façonnent les campagnes, sélectionnent les marques, cadrent les prises de parole. “Je ne suis qu’un intermédiaire entre sport et médias”, reconnaît Adrien Piquera. “Mais tant qu’on mesurera la réussite d’une campagne au nombre de fois où la marque est citée sans se soucier de la qualité du débat public, on passera à côté de l’essentiel.”

Pour l’attaché de presse et co-fondateur de Nature Peinture — société qui a pour objectif d’accélérer la transition écologique —, le temps est venu d’encadrer ces pratiques. Il plaide pour “créer un cadre éthique et un socle de valeurs communes autour de la publicité qui respecte la planète”. Une voie déjà ouverte par l’ADEME qui a publié un Guide de la communication responsable, qui propose des repères pour éviter le greenwashing et repenser les logiques de visibilité. Mais il ne s’agit que de simples recommandations, et dans un écosystème fondé sur la performance, l’image et la rentabilité, “être responsable dans un monde irresponsable, c’est être dans un vent contraire”, résume la co-fondatrice de Paye Ton Influence.

Le levier pourrait être une meilleure formation des professionnels qui entourent les sportifs. “Leur entourage doit être formé au moins une fois par an aux enjeux de la transition écologique. Ou, à défaut, être acculturé pour générer des réveils écologiques” explique Adrien Piquera. Parce que la sensibilisation ne peut pas reposer uniquement sur la bonne volonté individuelle : c’est toute une chaîne décisionnaire et médiatique qui doit être reconsidérée.

> Lire aussi : Ordinary Project : comment deux associations veulent former les athlètes et leurs sponsors

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