Il est aussi engagé sur un terrain de handball que sur le terrain de l’écologie. Nous nous sommes entretenus avec Nikola Karabatic, icône du hand mondial et star absolu de son sport, sur son engagement au quotidien et sur sa vision de l’écologie dans le sport.
Nikola Karabatic, vous vous êtes mobilisé auprès du WWF pour leur campagne de sensibilisation #PasLeDernier. Est-ce que vous pouvez nous parler de cette campagne et de votre engagement sur cette campagne ?
À travers cette campagne, nous voulons sensibiliser sur la biodiversité, l’extinction de quasiment 60% des espèces et des végétaux. C’est la base de la campagne. Le message est le suivant : si on ne fait rien, nous ferons tous partie de cette extinction de masse. Avec cette campagne #PasLeDernier, nous voulons sensibiliser les personnes qui n’ont pas encore compris que nous sommes dans l’urgence.
J’avais déjà fait quelques actions avec le WWF, à travers leurs réseaux sociaux ou leur application mobile. Ils m’ont donc demandé si je souhaitais participer à cette campagne et à sa vidéo. J’ai répondu favorablement car c’est un sujet qui m’intéresse beaucoup.
Depuis plusieurs années déjà, vous parlez des problématiques environnementales dans vos interviews et sur vos réseaux sociaux – où on retrouve autant de sujets handball qu’écologique. Comment vous est venu cette prise de conscience verte ?
Cela fait un petit moment que j’ai pris conscience de l’urgence climatique, à travers différents moyens. Cela a d’abord commencé par la nutrition, qui est un domaine qui m’intéressait beaucoup. Je me suis rendu compte de l’impact de la nutrition et de l’élevage intensif sur l’environnement et les gaz à effet de serre. J’ai vu et compris l’impact du consommateur, qui n’est pas anodin. Quand on achète de la viande plus que ce que nous en avons besoin, cela a un impact nocif.
Et puis, je suis un jeune papa. Le fait d’avoir des enfants a accentué mon intérêt sur ces thèmes-là. Je fais davantage attention. L’avenir, ce sont nos enfants. C’est pour qu’ils puissent connaitre une Terre plus ou moins habitable que nous faisons tout ça.
En dehors du WWF que nous avons déjà évoqué, avez-vous d’autres engagements écolos ?
J’ai un sponsor, Butagaz, qui a créé une Fondation pour aider à mettre aux normes les habitations des particuliers, pour la réfection de tous les bâtiments aux normes énergétiques, car il peut y avoir de grosses déperditions d’énergie. C’est un point important pour limiter les émissions de CO2. Butagaz m’a ainsi proposé de faire partie du board de cette Fondation. Concrètement, elle permet, par exemple, aux particuliers de mettre plus facilement en place leurs travaux énergétiques. Il y a beaucoup d’aides de l’Etat ou des collectivités, mais c’est beaucoup d’administratif et de démarches, parfois longues, et certains ne savent pas le gérer. La Fondation apporte son aide sur ça.
En dehors de Butagaz, je participe à des actions ponctuelles avec des associations environnementales ou sociales, dont le Secours Populaire. J’essaye d’agir au maximum en fonction de mon emploi du temps.
Une pensée particulière aujourd’hui pour la #Fondation groupe @Butagaz, qui annonce son premier chantier à Flers (62), visant à rénover les logements energivores à l’échelle de ce village !Soyons mobilisés contre la #PrécaritéÉnergétique ✊🏼
🙏🏻 à @EmmWargon pour sa présence ! pic.twitter.com/CoSiLBE70i— NIKOLA KARABATIC (@NKARABATIC) September 17, 2020
Est-ce que l’écologie peut devenir le point central d’une future reconversion, de votre après-carrière ?
Oui, bien sûr, et pas que l’écologie. Je souhaite continuer à faire avancer ces causes. Je ne sais pas encore comment exactement mais sur des actions qui m’intéressent beaucoup. Je crois que c’est une bonne chose de mettre sa notoriété à ces profits-là.
Comment cela se traduit au quotidien, chez vous, ou en club, au PSG ?
Cela se traduit par beaucoup de prosélytisme. J’essaye de convaincre autour de moi. J’essaye de montrer aussi par mon exemple, en tant que sportif, que sur l’alimentation, la viande n’est pas nécessaire, qu’en diminuer la consommation n’influe pas sur le niveau de jeu ou la forme. J’essaye d’en parler à mes coéquipiers.
Cela se traduit par d’autres actions. Par exemple sur les bouteilles d’eau, que nous consommons déraisonnablement. Il y a beaucoup de comportements que beaucoup de mes coéquipiers n’adoptent pas, même les plus jeunes, qui sont pourtant les plus concernés. Ce sont eux qui vont hériter d’une Terre en mauvais état. Tout le monde n’a pas encore ces réflexes-là.
« C’est malheureux de devoir parler d’engagement pour l’écologie alors que ça devrait être la norme de toutes nos décisions » – Nikola Karabatic
J’agis sur beaucoup de choses aussi à la maison avec ma famille et mes enfants. Mais je pense que ce ne sont pas nos comportements individuels qui vont faire la différence, ce sont les décisions des politiques. C’est à nous de mettre la pression sur eux, en votant. Il faut aussi agir avec notre carte de crédit, choisir quoi acheter, où l’acheter, auprès de quels magasins ou sur quels sites.
Quel est le rôle du sportif dans tout ça, sur ces enjeux importants de société ?
Nous sommes à un moment critique. Nous avons vu que le mois de septembre 2020 a été le plus chaud jamais enregistré dans le monde. Les générations précédentes nous ont amené à ce moment critique. Maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? C’est malheureux de devoir parler d’engagement pour l’écologie alors que ça devrait être la norme de toutes nos décisions, politiques, individuelles ou sociales. Chaque décision doit être prise en relation avec l’environnement et avec ce qui nous entoure. Malheureusement, aujourd’hui, ce n’est pas le cas.
Moi, en tant que sportif, ma notoriété me sert à toucher les gens, à les inspirer, à leur procurer de la joie quand ils me voient jouer, quand ils me voient gagner, avec une médaille. Mais je me sens à un moment de ma carrière où tout ça ne me suffit pas. Ma notoriété ne me sert pas assez si ce n’est que pour ça. À travers mes actions, j’essaye de montrer la voie à d’autres sportifs, à d’autres personnes, à d’autres enfants qui nous regardent et à qui on doit faire prendre conscience de ces problématiques auxquelles on va tous faire face.
Comment voyez-vous le sport évoluer, dans plusieurs décennies, avec le réchauffement climatique ?
Le sport va, de toute manière, devoir évoluer, comme toutes les autres composantes de la société. Tous les métiers vont être impactés. Nous allons devoir aller vers plus de raison. Peut-être que nous allons devoir réduire le nombre de matchs et de compétitions.
Par exemple, au handball, on a des compétitions internationales chaque année, avec des Championnats du Monde ou d’Europe organisés sur plusieurs pays. Nous allons sûrement devoir réduire tout ça : le nombre de pays organisateurs, le nombre de villes qui accueillent ces compétitions pour réduire le nombre de déplacements des supporters. Il faut aussi les améliorer, ces déplacements de supporters. Il y a beaucoup de choses à mettre en place, mais la tendance des dernières années, dans certains sports, était plutôt d’augmenter le nombre de matchs pour augmenter la visibilité. Je pense que ce n’est pas la bonne solution, nous allons plutôt aller droit dans le mur.
Dans beaucoup de sports, le problème vient souvent d’en haut, des dirigeants. On voit les dirigeants défendre leur bout de gras, leurs intérêts sur le nombre de matchs, etc. Il va falloir qu’on aille vers plus de sobriété, mais j’ai l’impression que ça va être un peu compliqué (rires).