Un anglais excentrique et un photo reporter marseillais se sont lancé un défi fou : rejoindre Paris depuis Marseille en ramassant les déchets sur la route, pour interpeller sur la pollution liée à la Covid-19. Nous les avons rencontrés à Valence mardi dernier pour un entretien… déroutant !
« L’escargot anglais« , comme il se fait appeler, n’en n’est pas à son coup d’essai. Edmund Platt, de son vrai nom, est un ancien commercial d’une grande entreprise. Après 9 ans de ce que certains appelleront « succès » ou « réussite », il tombe amoureux de Marseille. Il décide alors de tout plaquer et part à la rencontre des Français sur les routes de l’hexagone, en stop. Après un premier périple de 8.000 km en solitaire, il décide de repartir à l’aventure avec son ami Fred Munsch, rencontré dans la cité phocéenne, renommé pour l’occasion le « sanglier marseillais« .
En médiatisant leur aventure, ils souhaitent interpeller les Français sur la gestion de leurs déchets et les convaincre de ramasser un déchet par jour. Entretien détonnant avec Eddie et Fred entre survie, humour et une énorme dose de positif.
Racontez-nous l’origine de ce projet fou…
Eddie : Le déclic est venu la première fois que j’ai pris la ligne TGV entre Marseille et Paris. Avec la SNCF, on prend le temps d’aller vite ! Je me suis dis que j’allais cette fois aller à Paris en prenant le temps de nettoyer la France, tout en profitant des paysages, aller dans les villages, les hameaux. En 2010, quand j’ai quitté mon ancien job, je voulais aller à la rencontre des gens, chercher de la bienveillance et voyager au ralenti. Depuis 2015 et la création de l’association 1 déchet par jour, mes aventures ont plus de valeur ajoutée : j’agis au quotidien pour la planète.
Depuis qu’on est parti avec Fred (L’entretien date du 13 octobre, soit le 13ème jour de leur aventure, NDLR), on a ramassé plus de 1000 masques !
Quel est l’objectif de cette aventure ?
Eddie : Notre but, c’est de faire comprendre aux gens qu’ils peuvent agir à leur échelle hyper facilement, et en plus tu dors bien mieux la nuit quand tu fais ça ! On veut toucher les gens qui n’ont pas encore conscience de la plastification des océans. Beaucoup ne savent même pas que la Méditerranée est la mer la plus polluée du monde. L’objectif ultime serait de faire en sorte que toute l’humanité ait conscience de l’impact d’un déchet.
Prenons l’exemple du déchet que l’on trouve le plus : le mégot de cigarette. A Paris, c’est 10 millions de mégots jetés par terre tous les jours et un mégot suffit à polluer 500L d’eau et met 25 ans à disparaitre. Tu te rends compte ? C’est trop ! On ne veut pas sauver l’humanité, on veut juste vivre avec un peu plus de respect et dire aux gens d’utiliser la poubelle.
Eddie, ce n’est pas ta première aventure, qu’est ce qui t’as poussé à recommencer ?
Eddie : Il n’y a toujours pas assez de gens qui ont eu ce déclic, cette prise de conscience. Pourquoi on le fait ? Parce que c’est pas propre ! En même temps, quand tu consommes 100 millions de masques par semaine en France et que 75% finissent par terre ou sont non-recyclés… On aimerait éduquer, éveiller les consciences. C’est tous à notre portée. Tu sens la fierté que je ressens quand je fais ça ? C’est plein de sens et on veut transmettre ça au plus grand nombre.
Fred : Et puis, on veut montrer autre chose aux Français que Trump ou les chiffres du Covid… Si on passe, même 3 minutes le matin, et qu’on peut donner le sourire aux gens, c’est impeccable. Le vrai problème, c’est ce qu’on ramasse ! Parce que si on ne s’occupe pas de notre planète, on n’aura plus l’occasion de débattre de quoique ce soit !
Quelles sont les réactions jusqu’à présent ?
Fred : De la surprise, de l’étonnement, de l’admiration pour le défi, des applaudissements aussi, parfois ! On commence à être reconnus, notamment parce qu’on a popularisé les expressions des « mégoculés » et « masculés » qui ont beaucoup tournées sur les réseaux sociaux.
Eddie : Globalement, les gens sont de bonne humeur et on arrive à rigoler de sujets très sérieux. Pour moi, le plastique et les masques, c’est plus important que le COVID. J’ai remarqué que la plastification des océans c’est le sujet n°1 que les politiques évitent. Et le fait d’en rigoler, le message passe peut-être mieux.
Les gens me disent « t’es écolo », non je suis pas écolo, écolo c’est une case politique. Moi, je suis juste concerné, amoureux de la nature et des gens. Je vis un rêve éveillé, ma vie est une aventure !
Quel est le déchet le plus fou que vous ayez collecté ?
Eddie : Un coffre-fort sur la plage des Catalans à Marseille. Ça pèse 150kg, comment est-ce que ç’a pu se retrouver là ? On voit aussi des masques dans des états… ça fait peur !
Vous réalisez quand même une vraie performance sportive, comment vous êtes-vous préparé ?
Eddie : J’ai fait 4 jours de marche dans les Vosges mais on bouge beaucoup, on est très actifs. On ne partait pas de zéro pour la préparation. On peut assimiler cette aventure à une longue épreuve d’endurance mêlée à de la survie.
Justement, quels sont les ressorts qu’on active à travers le sport, la survie qui font que les gens, les médias, s’intéressent à vous ?
Eddie : Déjà, comme le Tour de France, on montre la beauté de la France. Découvrir de nouveaux paysages chaque jour et les montrer sur nos réseaux… On emmène nos followers avec nous ! On montre aussi qu’on peut partir à l’aventure sans aller faire des treks en Thaïlande ou à Ushuaïa ! Venez voir les paysages qu’on voit tous les jours en France, je vous assure qu’il n’y a rien de plus beau ! Faire du camping, des rando, des activités dans un rayon de 100km autour de chez toi, tu peux vite être dépaysé. En plus, c’est plus économique. On fait aussi un peu la promotion du tourisme responsable.
Fred : Et puis, le fait d’être à deux, ça fait équipe. Seul, ça fait plus mec marginal, tête brûlée, défi perso… C’est pas la même démarche. A deux, on est une petite armée, une équipe ! En plus, on s’est donné des surnoms, c’est pour romancer notre aventure. On va voir les écoles en leur racontant la fable de l’escargot et du sanglier, ça accroche tout de suite !
On est à contre-courant de tous les discours anxiogènes qui passent à la TV. Nous, c’est que du positif.
Vous parliez de valeurs sportives. Au fil de nos entretiens, on nous parle souvent du sport comme le 3ème lieu d’éducation après la famille et l’école. Est-ce que vous êtes d’accord avec ça et quel est le rôle du sport dans la transition écologique selon vous ?
Bien sûr, parce que les clubs de sport sont des communautés en elles-même. Toutes les strates de la population française se retrouvent dans un club de sport qui sont des lieux d’échanges, de rencontres. Forcément, cela peut être un moyen de communication très efficace pour la planète parce que tu touches tout le monde.
Vous êtes optimiste pour l’avenir ?
Fred : C’est mort, on va dans la mauvaise direction… MAIS ça c’est le côté anxiogène ! Nous on est là pour dire que tout va bien. On peut tous sourire à la vie et agir à notre échelle, c’est un état d’esprit.
On est en guerre contre le plastique et les masques mais pour nous, chaque déchet ramassé c’est comme si tu caressais la planète !