Spécialisé dans l’analyse et la comparaison de produits nutritionnels sportifs, le média In Nuts We Trust fait la part belle à la consommation responsable.
Ingénieur agronome de formation, Benjamin Voirin a travaillé durant plusieurs années dans la zone Asie-Pacifique sur des problématiques liées à l’agriculture locale (huile de palme, cacao, noix de coco…) De retour en Métropole, celui qui accompagne désormais de grandes sociétés à être moins impactantes sur l’environnement, les droits humains et la santé, a cofondé le média indépendant In Nuts We Trust, avec son ami Hugo Le Charpentier. Leur objectif : mettre plus de transparence sur les produits nutritionnels sportifs. Entretien.
Ecolosport : Bonjour Benjamin, peux-tu nous dire comment est né In Nuts We Trust ?
Benjamin Voirin : J’ai cofondé le média indépendant In Nuts We Trust (INWT) avec Hugo, un de mes meilleurs amis, dont le but est de vulgariser l’information sur les produits sportifs (protéines, créatine…) en décryptant les étiquettes, en informant les consommateur(rice)s en toute objectivité et transparence sur les risques pour la santé et en ajoutant un prisme sociétal et environnemental (bien-être animal, conditions de production, etc…) car ces éléments vont avoir des conséquences sur la qualité du produit. C’est un travail que nous faisons de manière totalement bénévole. On a la chance d’avoir un métier passion, Hugo est ingénieur en géographie et géologie. Nos activités professionnelles nous ont permis d’acquérir de solides connaissances dans les domaines traités par INWT donc, autant les partager avec le plus grand nombre. Tout comme je suis un mauvais mécano, je suis très content qu’il existe des tutoriels gratuits réalisés par des professionnels pour m’aider.
Nous partons du principe suivant : « quand on achète un produit, on achète le monde qui va avec ». À titre d’exemple, lors de l’achat d’une tablette de chocolat bas de gamme, derrière, se cachent la déforestation, les problématiques de non-respect des droits humains pour cultiver un cacao qui nous sera vendu très cher à la vue de la qualité du produit, ou encore l’emballage à usage unique de la tablette. Le produit parfait n’existe pas mais on essaye de décortiquer quels sont les moins pires par rapport à différents critères.
En allant sur le site, on remarque que vous allez au-delà des produits à destination des sportif(ve)s, pourquoi ce choix ?
Via mes activités professionnelles et ma pratique sportive, j’ai acquis une bonne connaissance terrain.
Notre entrée en matière était avant tout le cross fit, car nous sommes tous les deux pratiquants de cette discipline et on voit beaucoup de gens consommer des shakers de produits pour différentes raisons. Cependant, on s’est dit que certain(e)s les utilisent sans prendre forcément la bonne qualité et surtout sans avoir le régime alimentaire adaptée dans un premier temps. C’est dommage de mettre énormément d’argent dans les compléments avant, peut-être, de réguler son sommeil et son alimentation en général. On a donc élargi notre champ à ce qui va en complément de ces produits du type arôme (vanille, cacao…) et qui ont des conséquences environnementales et sociales. Et lorsque c’est nécessaire, on s’appuie également sur un réseau d’experts.
Est-ce qu’un sportif amateur a besoin de prendre forcément des compléments ?
Mon parti pris est qu’on n’a pas besoin de complément du moment que l’on s’alimente normalement, qu’on fait attention à ses besoins physiologiques, qu’on pratique une activité physique régulière pour éviter la sédentarité, qu’on boit souvent de l’eau, qu’on a un bon sommeil, qu’on limite le stress… Les compléments peuvent être intéressants pour palier un manque car nous ne sommes pas tous égaux sur certains terrains – stress, sommeil, manque de luminosité… À l’inverse, si on n’a pas un objectif de prise de masse ou d’esthétique, les produits type protéines, créatines ne sont pas forcément nécessaires, sous condition d’avoir une alimentation adaptée.
Justement, est-ce qu’une alimentation responsable peut convenir à un(e) sportif(ve) de haut-niveau et notamment en se tournant vers un régime moins carné ?
En tant qu’ingénieur agronome et en travaillant avec des éleveur(se)s, j’aurais tendance à dire que le régime le plus responsable possible, en intégrant l’environnement et les impacts sociaux, ne doit pas s’abroger de l’animal, mais ceci reste juste un parti pris. Je parle vraiment en matière d’écologie, d’éthique mais pas d’éthique animale. D’un point de vue environnement, un régime qui se veut le plus durable possible selon plusieurs ouvrages littéraires est composé de 75 à 80% de végétal et le reste de produits d’origine animale (produits laitiers, œufs, etc…). Ici, je parle d’animaux qui ont évolué dans d’excellentes conditions,- nature, prairie, pâturage… On le cite peu mais les prairies séquestrent également du carbone. À l’inverse, l’élevage intensif, avec de mauvaises conditions et une alimentation délétère à base d’OGM, sont à prohiber. Après, de très grand(e)s sportif(ve)s montrent qu’il est possible d’avoir un régime végétarien, voir même végétalien, et d’être dans la haute performance, mais avec une nécessité de prendre des compléments alimentaires pour pallier les carences. Mais c’est bien possible de faire des performances avec un régime responsable déjà moins carné.
Comment t’es venue ta sensibilité à l’écologie et à l’alimentation responsable ?
Je viens d’une famille de médecins et avec ma sœur, Julie, nous avons fait de l’aviron à plus ou moins haut niveau (NDLR : la sœur de Benjamin a fait partie de l’équipe de France d’aviron). C’est un sport qui te permet de ramer dans des cadres naturels magnifiques, et à l’inverse, pour m’être souvent entraîné à Boulogne-Billancourt, sur la Seine, entouré de voiture, d’immeubles, de déchets qui flottent, de prendre forcément conscience de la pollution de l’eau. Puis par mon cursus universitaire et mes missions à l’étranger, j’en suis venu à m’intéresser forcément à l’autre, à ses conditions de vie, à l’impact de notre consommation… Avec tous les moyens de communication et d’information que nous avons, c’est presque criminel de se dire qu’on s’en fiche ou de volontairement mettre des œillères sur la réalité de ce qui se trouve derrière ses achats. Aujourd’hui, les marques proposent des produits et connaissent tout le processus de production. À travers In Nuts We Trust, nous voulons amener les consommateur(rice)s à se poser des questions et demander aux marques d’être plus transparentes et même de les interroger.
Que penses-tu des partenariats liés entre des Grands Événements Sportifs Internationaux et de grandes entreprises – type chaines de fast-food ou fabricants de soda – qui vont à l’inverse du rôle éducatif du sport et du sport-santé ?
Objectivement, c’est ma grande question du moment car je me retrouve à la croisée des chemins entre mon travail et le média. Effectivement, on a d’un côté des marques proposant des produits à faible valeur ajoutée, pauvres sur le plan nutritionnel et ayant un impact sur l’environnement. À l’inverse, c’est aussi le consommateur qui choisit ce qu’il achète. Ces marques-là doivent améliorer la qualité de leurs produits, leur traçabilité et le consommateur doit se renseigner beaucoup plus sur ce qu’ils consomment. Plus de connaissances d’un côté et plus de transparence de l’autre.
La réalité aujourd’hui et dans le modèle économique actuel du sport, ce sont ces grandes sociétés qui peuvent investir et aider notamment certain(e)s sportif(ve)s à vivre de leur passion. Prenons l’exemple d’une marque de boisson énergisante qui est néfaste pour la santé et l’environnement mais qui a permis à des sports d’émerger. En France, il est très difficile de vivre de certaines disciplines. Quand ma sœur était en équipe de France d’aviron, elle devait cumuler un emploi à plein temps et une dizaine de séances d’entraînement hebdomadaires.
Peux-tu nous détailler les différents supports d’In Nuts We Trust ?
On a débuté par un blog il y a 4 ou 5 ans. Depuis 2 ans, on a accéléré la cadence des publications tout en approfondissant les recherches et les sujets. Ensuite, nous avons développé le compte Instagram pour proposer des formats plus ludiques. Personnellement, je suis moins fan de ce canal car on ne rentre pas dans les détails, mais ça rend les informations plus accessibles. Et pour aller plus loin, nous avons créé un comparateur de compléments alimentaires pour sportif(ve)s qui se nomme le Scan-Nuts. Pour chaque produit, une note est attribuée. Elle comprend 4 macro-enjeux : santé, environnement, éthique, nutrition. Les ingrédients jugés impactants de façon négative sont décryptés. Notre outil est en open source, ce qui permet à chacun de l’améliorer s’il le souhaite. Il comprend une quarantaine de critères et nous en sommes déjà à la 6ème version. Plusieurs marques nous ont interrogés sur la notation, aucune aujourd’hui ne nous a embêté sur les scores. Et si elles nous apportent la preuve que nous nous sommes trompés, nous procéderons à une correction. Il y a 4 notations : or, argent, bronze et la darknuts. C’est donc un levier pour influencer les marques sur leurs processus de production, leur transparence etc…
Plus récemment, on a créé un podcast qui se nomme le Nutstalk durant lequel on fait intervenir un(e) spécialiste sur un sujet précis. Enfin, le prochain projet auquel nous réfléchissons serait une application qui permettrait notamment de scanner directement le produit en rayon. Aujourd’hui, le Scan-nuts est disponible sur notre site internet.
Quels sont généralement les retours des utilisateur(rice)s ?
Je précise que nous ne sommes pas nutritionnistes. Il y a des retours plutôt positifs sur les aspects valeurs et petits gestes au quotidien : meilleur sommeil, moins de sédentarité, changement de marque grâce au Scan-nuts. Concernant le comparateur, c’est un algorithme qui gère les scores, notre intervention se limite aux paramétrages et aux mises à jour.
Un petit mot de fin ?
Notre objectif est d’essayer d’apporter des éclairages aux pratiquant(e)s. En tant qu’équipe, composée de 4 ou 5 bénévoles, toutes les aides sont les bienvenues. Le but est que l’outil reste gratuit car nous considérons que les consommateur(rice)s n’ont pas à payer pour savoir ce qu’ils(elles) achètent. La bonne nouvelle, c’est qu’à la vue du nombre croissant de suiveur(se)s, notamment sur Intagram, on se rend compte que les gens s’intéressent de plus en plus à ce qu’ils consomment.