En partenariat avec le magazine Les Sportives, média de fond de référence du sport féminin. Retrouvez ce sujet dans le n°25 des Sportives.
“Sans enneigement artificiel, 53 % et 98 % des 2 234 stations de ski étudiées dans 28 pays européens devraient être exposées à un risque très élevé d’approvisionnement en neige en cas de réchauffement climatique de respectivement 2°C et 4°C.” Le constat fait par une récente étude de la revue scientifique Nature Climate Change est sans équivoque : dans un monde à +3°C ou +4°C, vers lequel nous nous dirigeons, la quasi-totalité des stations de ski européennes sont menacées. La raison est simple : plus les températures sont élevées, plus la fonte des glaciers s’intensifie et plus la neige se raréfie.
Le Vieux-Continent possède la moitié des stations mondiales, accueille 60% des pratiquant(e)s de ski dans le monde, et génère plus de 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 9 milliards en France. C’est donc toute une économie qui est mise en danger par la hausse des températures et l’enneigement insuffisant.
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Une observation partagée par l’ONG Protect Our Winters, qui a publié en février 2023 une lettre à destination de la Fédération Internationale de Ski (FIS), signée par 170 skieur(se)s. “En tant que communauté des sports d’hiver, nous devons prendre l’initiative dans la lutte contre le changement climatique et rendre notre sport neutre en carbone dès que possible” explique en substance la lettre, rédigée par le skieur autrichien Julian Schütter, après avoir fait le constat d’annulations de compétitions plus fréquentes.
Une étude de Climsnow réalisée en 2021 a permis de quantifier, à diverses échéances, la fiabilité de l’enneigement, sa variabilité et la capacité de maintien des exploitations. Elle rapporte notamment le fait que dans 20 à 25 années, l’enneigement sera insuffisant.
Une adaptation plus ou moins rapide
Malgré ces nouvelles peu réjouissantes, les stations de ski sont tenues de faire évoluer leurs pratiques et leur modèle. “La démarche d’adaptation des territoires de montagne a largement commencé, pour certains depuis plusieurs années” note Camille Rey Gorrez, directrice de Mountain Riders, une association qui œuvre pour le développement durable en montagne. “On ne peut pas parler des stations de façon unique, il faut prendre en compte la situation géographique de ces territoires. Ceux de basse ou moyenne montagne ont une forme de résilience bien plus forte que ceux d’altitude, parce que les effets du réchauffement climatique y sont bien plus marqués. Les saisons d’hiver sont déjà fragilisées et ils se sont donc adaptés.”
De quelle manière ? En diversifiant les offres de pratique voire, pour les cas les plus sévères, en repensant l’approche touristique ou les différentes sources de revenus des territoires. “Chez Mountain Riders, on ne connaît pas un territoire qui ne s’est pas mis en ordre de marche” poursuit la directrice de Mountain Riders. “Néanmoins, au regard de la vitesse à laquelle évoluent les enjeux climatiques, certains d’entre eux sont encore loin de ce qu’il aurait fallu mettre en place pour être dans le bon tempo.”
Du côté de la station des Rousses, basée dans le Jura et située entre 1100 et 1600m d’altitude, on corrobore les dires. La station franco-suisse est dans cette même logique d’adaptation et de diversification. “Nous avions déjà une belle offre d’activités hors-neige avec un musée, une patinoire, un golf…” fait remarquer Ronan Cailleaud, responsable QSE de la Société de Gestion de la Station des Rousses. “L’idée est de s’adapter. Par exemple, cet hiver, malgré le manque de neige, il a fait assez froid pour organiser du patin sur glace sur la base nautique. Nous avons aussi la chance d’avoir un territoire avec beaucoup de randonnées et de balades en raquettes.”
La station des Rousses est inscrite dans une démarche environnementale depuis 2011, via la norme ISO 14001, qui définit les critères d’un système de management environnemental. “En 2013, nous avons été la première station labellisée Flocon Vert, ce qui a permis d’investir l’ensemble des parties prenantes dans la démarche.”
Un label Flocon Vert pour récompenser le tourisme de montagne responsable
Pour valoriser les destinations touristiques de montagne qui ont accéléré leur transition écologique et qui ont su évoluer vers un modèle de développement durable, Mountain Riders propose depuis 2011 le label Flocon Vert. “Pour nous, il y a double enjeu” poursuit Camille Rey Gorrez. “Le premier est d’apporter une reconnaissance aux territoires, le second est d’informer les citoyens et les pratiquants qui peuvent agir en faisant un choix sur leur destination.” Elle tempère néanmoins : “Le label ne dit pas que telle ou telle station est parfaite, il faut prendre cette notion de labellisation avec des pincettes. Nous mettons en avant les acteurs qui agissent et qui veulent progresser.”
Preuve que la station parfaite n’existe pas, aucune d’elle n’a décroché les 3 flocons, signe d’une certaine excellence. Sept stations françaises tendent vers cette exemplarité et ont obtenu 2 flocons, parmi lesquelles Saint-Gervais Mont Blanc, Les Rousses ou Lans-en-Vercors. Enfin quinze territoires se sont engagés à progresser et ont reçu 1 flocon, comme Les Angles, Font-Romeu ou Tignes.
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“Flocon Vert est un réseau important qui permet d’échanger avec d’autres stations – comme Avoriaz ou Serre-Chevalier – sur cette démarche d’amélioration continue” poursuit Ronan Cailleaud. “Il nous a aussi permis de nous lancer dans une démarche RSE qui dépasse le cadre environnemental. Nous n’avons pas voulu obtenir ce label dans une optique de communication, mais bien pour s’inscrire dans la continuité de la démarche ISO 14001.” Malgré tout, le label amène une visibilité médiatique bienvenue pour la station.
Pour mener les défis d’adaptation, de pérennisation et de certification de front, Les Rousses lance de nombreux chantiers. Parmi eux, le lancement en 2020 d’un observatoire environnemental qui permet de récolter de nombreuses données bénéfiques à la bonne gestion du territoire. “Cette année, nous avons créé une Commission Environnement et Management Énergétique pour continuer à dynamiser la démarche” développe Ronan Cailleaud. “Une voie verte est en cours de création pour relier les 4 villages de la station, portée par la Communauté de communes.” La station jurassienne s’est aussi engagée à ne pas étendre son réseau de canons à neige, très énergivore et émetteur de CO2. Pour ne pas ruiner tout le travail entrepris et ne pas mettre en péril encore un peu plus nos montagnes si fragiles.