Alors que le milieu montagnard est fortement impacté par le dérèglement climatique, la fresque de l’alpinisme veut sensibiliser ses pratiquant(e)s de façon pédagogique aux enjeux liés à leur discipline.
Petite dernière des ateliers de sensibilisation à la crise environnementale, la fresque de l’alpinisme a été développée par Jimy Berçon, spécialisé dans la transition écologique du sport, et son colocataire, Mathis Arnaud, guide de haute montagne. Se questionnant sur la manière de faire interagir les pratiquant(e)s de haute montagne sur les enjeux du dérèglement climatique sans porter atteinte à la pratique de l’alpinisme, ni à sa désirabilité, les deux amis ont donc travaillé durant plusieurs mois sur ce projet soutenu par le Syndicat National des Guides de Haute Montagne.
Les sports de montagne de plus en plus impactés
S’arrêter au recul des glaciers quand on parle de l’effet des dérèglements climatiques en montagne serait très réducteur. Dégradation du pergisol (permafrost), augmentation du nombre d’éboulement et de leur intensité ou encore avalanches de plus en plus fréquentes : ces évolutions rendent certains sports tels que l’alpinisme plus périlleux, obligeant par la même occasion les pratiquant(e)s à s’adapter et même se réinventer.
Dans une interview accordée à National Geographic suite à une étude sur l’évolution des « 100 plus belles courses du massif du Mont-Blanc » qu’il avait coordonné, le géomorphologue Ludovic Ravanel avait notamment déclaré que « 93 voies d’alpinisme ont été affectées à des degrés divers et une trentaine, très affectées, vont requérir une technicité supérieure. Le danger vient surtout du retrait glaciaire, qui a libéré des passages rocheux plus raides, voire instables, et de parois dont le pergélisol se dégrade. Trois itinéraires ont aussi disparu complètement. L’école de glace du glacier des Bossons, emportée par la fonte glaciaire dans les années 1990 ; le pilier Bonatti, dans les Drus, 292 000 m3 de roches (800 000 tonnes) qui se sont effondrés en juin 2005. Pour les alpinistes, ça a été un séisme car il représentait un itinéraire majeur de l’histoire de l’alpinisme et du massif du Mont-Blanc. Et, à la fin de l’été caniculaire de 2018, un morceau du Trident du Tacul qui s’est écroulé. Seulement 44 000 m3 de roches sont tombés, mais dans un secteur que tous les guides considéraient comme extrêmement stable, avec un granite magnifique. Or même ces itinéraires en viennent à s’effondrer ».
Des propos qui en disent long sur le devenir du milieu montagnard. C’est donc dans ce contexte que Jimy Berçon et Mathis Arnaud ont décidé de créer la fresque de l’alpinisme.
Un atelier ludique et basé sur l’intelligence collective
Pensée pour être animée en refuge, la fresque de l’alpinisme doit permettre aux participant(e)s de comprendre le dérèglement climatique en montagne et ses impacts sur l’alpinisme, sans culpabiliser et en rendant désirable la pratique de demain via la co-construction de nouveaux imaginaires.
Ne durant pas plus d’une heure, cet atelier a aussi été conçu pour être le plus minimaliste possible d’un point de vue matériel, l’objectif étant que chaque animateur(rice) puissent le prendre lors de ses sorties même si, à terme, les deux concepteurs espèrent pouvoir équiper les refuges. L’intelligence collective et la pédagogie sont donc les maître-mots de cette animation ludique. « L’atelier a été créé pour être le moins culpabilisant possible » explique Jimy Berçon. « On demande surtout aux participant(e)s d’imaginer leurs prochaines sorties en montagne et ça marche bien. Le transport est toujours traité avec plein d’idées intéressantes ».
Sous condition de suivre un cycle de formation relativement court (participation à un atelier et à une session d’apprentissage d’une heure trente), les animateur(rice)s peuvent ensuite rapidement se lancer dans le grand bain. À noter que cet outil étant libre de droit, tout soutien financier pour aider son développement est bien entendu le bienvenu (partenariat ou mécénat). Pour ce faire, il suffit de contacter Jimy Berçon.
Les sports de pleine nature ayant un impact non négligeable en termes d’émission de CO2, notamment dû aux transports pour se rendre sur site, cette fresque de l’alpinisme est donc une belle initiative pour embarquer toujours plus de monde sur la façon de repenser la pratique sportive.
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