La Ligue Nationale de Rugby est très active, ces dernières années, sur les sujets sociaux, sociétaux et environnementaux. Nous avons interrogé Claire Lepage, responsable RSE de la LNR depuis 2017. Ce long échange est divisé en deux parties : la première axée sur l’environnement, la seconde sur la RSE dans sa globalité.
Claire, depuis combien de temps la LNR a développé une stratégie RSE ?
L’idée de construire une stratégie RSE a pour origine le plan stratégique 2016-2023 qui prônait la structuration d’un programme d’engagement sociétal et la création d’une structure juridique (fondation/fonds de dotation). La LNR avait bien vu l’intérêt de se pencher sur les sujets sociétaux, l’intérêt de se structurer autour de ces sujets. Les premières idées émises concernaient le volet social de la RSE. De l’autre côté, j’arrivais du WWF, donc mon profil reflétait plutôt sur le volet environnement. Il y avait une certaine complémentarité.
Notre réflexion a ainsi abouti à une stratégie d’engagement sociétal du rugby professionnel beaucoup plus large, englobant les volets économiques, sociaux, environnementaux et sociétaux. L’un des premiers objectifs de notre stratégie est de valoriser, et non d’empiéter, sur les stratégies RSE de nos clubs, qui sont très diverses et plus ou moins structurées. Nous avions donc ce double rôle : structurer notre démarche et valoriser les clubs.
Est-ce que, justement, les clubs de la Ligue Nationale de Rugby sont suffisamment structurés aujourd’hui ?
Quand je suis arrivé en 2017, j’ai fait un premier tour des clubs pour savoir ce que faisaient les clubs, dans les grandes lignes, et lesquels avaient une structure juridique (fonds de dotation, fondation, association). Tous menaient une multitude d’actions et avaient un impact social considérable, certains travaillant aussi sur leur impact environnemental et sur des sujets sociétaux. A l’époque, seuls 3 d’entre eux étaient dotés de structures juridiques actives. Aujourd’hui, il y en a 13 !
« Il n’y a pas vraiment de concurrence. (…) Nous avons tous cette même responsabilité, nous travaillons pour le bien commun. »
La Ligue Nationale de Rugby est donc un support pour les clubs qui veulent se structurer ?
Exactement, la LNR peut être une aide pour les clubs. Il y a une structuration de la stratégie RSE du rugby professionnel. Notre stratégie d’engagement sociétal repose sur 3 piliers. Le premier pilier, c’est de faire vivre nos engagements et les valeurs sur les championnats – TOP 14, PRO D2 et In Extenso Supersevens. Le deuxième pilier concerne l’exemplarité de nos évènements. À travers les événements que nous organisons directement (demi-finales, barrages, finales), nous pouvons montrer notre savoir-faire et notre implication, montrer aussi que nous mettons les mains dans le cambouis. Enfin, le troisième pilier va au-delà du rugby et se traduit autour d’une interrogation : comment fait-on pour que nos engagements ne s’arrêtent pas aux frontières du rugby mais servent à inspirer la société et les autres sports ? Dès que nous travaillons un sujet, nous essayons de faire en sorte qu’il se diffuse sur ces trois piliers. Il faut un écho, derrière.
Sur ces sujets-là, il n’y a pas vraiment de concurrence. Nous avons tous cette même responsabilité, nous travaillons pour le bien commun. L’ensemble des clubs et l’ensemble des Ligues arrivent à travailler ensemble. La LNR travaille avec le Ministère des Sports et d’autre organisateurs de grands événements (Tour de France, Roland Garros, LFP, etc.) Il n’y est pas question de piquer les idées des autres, mais de mettre en commun, d’avancer ensemble sur ces sujets. Il y a une émulation, on ne peut que s’apporter l’un à l’autre. Le Ministère des Sports a créé une branche Développement durable, dont la mission est de structurer tous ces projets. Avec le concours du WWF, a été créé une charte de 15 engagements éco-responsables, qui réunit aujourd’hui près de 100 signataires, il me semble. Les ONG environnementales l’ont identifié, le sport est un vecteur fort de sensibilisation. C’est bon signe…
Avec le partenariat noué avec Les Petits Frères des Pauvres, la LNR s’est particulièrement distingué récemment. Il y a eu l’opération pour les Boxing Days 2019, puis, plus récemment, un live solidaire pendant le confinement…
En 2018, nous avons fait un constat assez simple : nous étions le seul sport français à travailler durant les périodes de fêtes de fin d’année. Le sens premier du terme « Boxing Days » en Angleterre inclut la notion de solidarité. Nous avons alors pensé que ces Boxing Days pourraient servir de caisse de résonance pour des associations ou des ONG qui, à ce moment-là de l’année, ont besoin de visibilité dans cette période cruciale pour lever des fonds. Il fallait trouver une mécanique simple pour que le déploiement soit assez facile dans nos 30 clubs.
Nous avons donc monté, en 2018, une opération de collecte de jouets avec le Secours Populaire. Suite à cette opération, qui a bien fonctionné, nous nous sommes rapprochés de plusieurs associations, dont Les Petits Frères des Pauvres, qui a retenu notre attention pour plusieurs raisons : nous avions un peu l’impression que les personnes âgées étaient les grands oubliés de ces fêtes de fin d’année, l’association avait besoin de dons pour vivre, et notre partenariat pouvait apporter de la clarté sur la mission de l’association, que le nom n’apporte pas beaucoup.
« Pour l’ensemble des parties prenantes, l’objectif est de nouer quelque chose de fort et durable. »
Nous avons donc fait cette opération durant les Boxing Days fin 2019. Puis le COVID-19 est arrivé… Les Petits Frères des Pauvres ont été touché de plein fouet de part le coeur de leur mission. De notre côté, nous étions dans une période difficile pour communiquer, avec peu de visibilité, alors que les fans avaient besoin de contenu, de rugby et de solidarité. Nous avons donc créé un live solidaire de 8 heures pour proposer à la fois du contenu rugby, donner la parole à l’association et proposer de faire un don. Ce live n’aurait pas eu la même caisse de résonance s’il n’avait pas été solidaire. Nous en sommes très contents car ça a bien fonctionné. Et nous allons garder ce type de contenu en tête car il y a beaucoup de mécaniques online que nous pouvons gérer de manière solidaire.
Nous ne voulions pas que ce partenariat soit ponctuel, nous voulons nous inscrire sur la durée avec Les Petits Frères des Pauvres. La stratégie RSE de la LNR n’est pas descendante : elle doit impliquer nos parties prenantes (clubs, institution, partenaires, public) avec qui nous co-construisons cette démarche. Pour l’ensemble des parties prenantes, l’objectif est de nouer quelque chose de fort et durable.
Est-ce que la LNR et les clubs ont des outils qui leur permettent de mesurer leur impact social et environnemental ?
Pour structurer la démarche RSE, nous avons commencé par structurer le pilier économique en mettant en place une plateforme d’impact économique, commune à la LNR et à l’ensemble des clubs. Désormais, chaque club peut mesurer son impact économique sur son territoire, via une méthodologie commune et robuste du CDES. Au-delà d’être un outil de communication et un outil politique, cette plateforme a été pensé pour la mesure de l’impact social et – à terme – la mesure de l’impact environnemental. Ces mesures d’impact sont très importantes dans la structuration d’une démarche RSE. Elles donnent des indicateurs clés qui permettront – comme le font les ONG, associations et certaines entreprises – de suivre et évaluer nos actions globalement. Les ONG, associations et entreprises essaient aussi de déterminer quel est leur impact économique, social et environnemental. Cette structuration prend du temps mais elle est nécessaire !
Relisez la première partie de cet entretien : Claire Lepage (LNR) : « Ayons le courage de nous réinventer ! » – 1e partie