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Denis Gargaud : « Je ne suis pas écolo par principe, je le suis par les faits »

Denis Gargaud Ecolosport
Photo : Energie du Sport
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Ecolosport s’est entretenu avec Denis Gargaud, Champion Olympique et triple Champion du Monde de canoë-kayak. Entretien sans langue de bois avec un sportif engagé qui livre sa vision de l’écologie.

Denis Gargaud, vous faites partie du TEAM EDF. Quel en est l’objectif ?

Denis Gargaud : À la base, ce team regroupait beaucoup de sportifs du milieu aquatique. Il a été créé autour des métiers de l’eau d’EDF et autour des sujets qu’ils peuvent avoir autour de la préservation de l’environnement, de l’eau et des rivières. Je pratique mon sport sur ces rivières, donc s’associer à ce team avait du sens.

Je trouve qu’en France, nous avons une énergie qui est assez propre. Ce qui est fait sur les barrages hydro-électriques est assez impressionnant. Je me suis un peu passionné par ce sujet. Aujourd’hui, la seule façon de stocker de l’énergie, c’est l’eau ! Quand il y a une production plus forte que la demande, la seule façon d’utiliser et stocker cette énergie, c’est de faire remonter de l’eau dans les barrages. Nous pouvons ensuite utiliser cette eau remontée et stockée pour fabriquer de l’énergie à nouveau. Je trouve que le procédé n’est pas assez mis en avant aujourd’hui, c’est quand même une belle preuve de bon sens et d’intelligence. La France est en avance sur ce sujet, elle bénéficie d’un super parc montagneux pour pouvoir le faire, car pour créer de l’énergie, il faut de la pente…

Je suis aussi très engagé pour le nucléaire. Aujourd’hui, c’est la seule énergie qui ne produit pas ou peu de CO2. Si on veut réduire notre impact sur les émissions de gaz à effet de serre, ce n’est pas en brûlant du charbon que nous allons y arriver. J’entends certains « écolos » critiquer le nucléaire parce qu’on ne sait pas quoi faire des déchets. Je le comprends, mais je n’entends pas de propositions. Soyons pragmatiques !

Dans le mouvement écologique, justement, il y a clairement les pro et les anti-nucléaires…

Denis Gargaud : Je ne suis pas écolo par principe, je le suis par les faits. Aujourd’hui, c’est une évidence, tout ce qui doit être pensé doit l’être par le prisme du durable. Si nous voulons limiter le réchauffement climatique, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre et donc ne plus brûler du charbon ou du pétrole. Pour moi, le nucléaire est le seul moyen aujourd’hui d’avoir une énergie propre à grande échelle. Je suis très pragmatique. Je ne suis pas plus intelligent que ceux qui réfléchissent à ce sujet mais j’ai l’impression que le nucléaire est notre seule solution.

Denis Gargaud EDF Ecolosport
Photo : Energie du Sport
Quand avez-vous pris conscience de l’urgence climatique et que faites-vous au quotidien pour apporter votre pierre à l’édifice ?

Denis Gargaud : J’en ai pris conscience il y a quelques années, c’est venu crescendo. Depuis, j’essaye de soutenir les démarches qui viennent d’en haut. Je ne crois pas trop aux petits gestes du quotidien, où chacun fait un petit peu. Je suis assez pessimiste par rapport à ça. Par exemple, le recyclage organisé ou les avancées technologiques qui permettent de réduire notre consommation, je le soutiens. Chez moi, nous avons besoin de deux voitures, et elles sont toutes les deux hybrides. Si j’avais plus de moyens, je roulerais sûrement en électrique. C’est plus ce genre de sujets qui m’intéressent.

Je suis persuadé que si l’Etat interdisait aux industries l’utilisation du plastique, les fabricants râleraient quelques mois… mais s’y mettraient ! Et les consommateurs n’auraient plus à se poser la question d’acheter avec ou sans emballage plastique. Quand on a dit à la population de se confiner, tout le monde s’est confiné et ce n’était pas simple. Si on demande aux gens, par exemple, de ne plus utiliser leur voiture 3 jours par semaine, les gens vont râler mais trouveront une solution, j’en suis sûr. Je pense qu’il n’y a que des décisions radicales qui peuvent faire changer la donne. Le zéro déchet que chacun fait dans son coin et qui doit influencer les industriels, je n’y crois pas du tout. Leur objectif sera toujours de maximiser leurs revenus et de proposer des produits qui ne coûtent pas grand chose. Celui des consommateurs sera toujours d’acheter un produit le moins cher possible. Or, les produits qui sont locaux ou écolos sont plus chers. Je ne supporte pas qu’on fasse culpabiliser les gens qui choisissent un produit qui est moins cher mais plus polluant, certains n’ont pas le choix !

Quel est le rôle du sportif dans la transition écologique selon vous ?

Denis Gargaud : Pour moi, le sportif doit rester à sa place, il ne fait pas de politique. Les sportifs peuvent s’engager et prendre la parole sans langue de bois quand on nous tend un micro. C’est ce que j’essaie de faire durant cette interview, je dis ce que je pense et ça ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais cela fait partie de moi. Le sportif a souvent plus de poids médiatiquement qu’un expert en environnement. Il peut aussi se montrer en exemple, mais ça peut être dangereux. Le sport, de manière générale, n’est pas très écolo, on voyage beaucoup par exemple. Il faut faire attention à garder une certaine cohérence.

Denis Gargaud Ecolosport
Photo : Energie du Sport
Quel regard portez-vous sur l’impact environnemental des JOP et pensez-vous que Paris 2024 pourra réellement devenir éco-responsable et devenir un nouveau modèle d’organisation de compétition ?

Denis Gargaud : Comme je le disais, j’adhère totalement aux projets qui viennent d’en haut. L’organisation nous dit que nous allons faire des Jeux plus propres. Ce n’était pas le cas avant, ce sera le cas à Paris 2024. Les athlètes vont devoir s’adapter, mais je soutiens à 100% car tout le monde sera logé à la même enseigne, nous n’aurons pas le choix. Je le disais tout à l’heure pour les consommateurs : à partir du moment où tu laisses le choix, tu laisses la place à la culpabilisation. Ce n’est pas à nous de prendre la décision.

Comment imaginez-vous le canoë kayak de demain ?

Denis Gargaud : Le canoë-kayak est un sport d’été et le meilleur moyen de progresser est d’enchainer été sur été, et donc de changer d’hémisphère tous les 6 mois. L’empreinte carbone est donc catastrophique. Je pense que cela doit évoluer. Je ne dis pas qu’il ne faut plus le faire car il y a des compétitions importantes qui ont lieu dans un hémisphère différent selon que nous soyons Français ou Australiens. Je pense qu’il faut le rationaliser. L’année dernière, par exemple, j’ai fait le choix de ne pas aller en Australie et cette année, l’équipe de France est à La Réunion et j’ai aussi fait le choix de ne pas y aller. Je ne me suis pas dit « je n’y vais pas car c’est plus écologique », mais dans la balance, cette donnée a bien sûr joué un rôle. Je ne voulais pas me sentir coupable car ces grandes migrations ont un gros impact.

Nous faisons un sport qui coûte peu à la planète. Nous avons des embarcations en carbone, fabriqué à base de pétrole. On en consomme deux par an, ce n’est ni une grosse consommation, ni une grosse industrie… Réduire une épaisseur déjà assez fine est difficile. Certains prônent aussi le retour en rivières naturelles, mais je ne suis pas convaincu que ce soit mieux. Je ne suis pas pour l’écologie régressive. Hormis sur les grands déplacements, je ne vois pas où le canoë-kayak peut progresser.

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Michaël Ferrisi

Ecolosport le PODDCAST explore la façon dont le sport peut contribuer à la réalisation des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) de l'ONU et comment ceux-ci peuvent soutenir le développement du sport.