Temps réglementaire, c’est la rubrique juridique d’Ecolosport ! Tous les mois, retrouvez un nouvel article qui vous permettra de jouer dans les règles.
En faisant la promesse d’être « spectaculaires et durables », les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024 s’engagent notamment sur la sobriété urbaine. Toutefois, les deux projets nécessitant de nouvelles constructions – le Village olympique et paralympique et le Centre aquatique – ont déjà essuyé des revers judiciaires du fait de la présence de jardins à sauvegarder ou d’arbres à replanter. Aperçu des dernières décisions rendues à l’encontre de ces projets.
Paris 2024 fait l’engagement d’organiser et de tenir « les Jeux les plus durables de l’histoire », engagement détaillé dans son ambition environnementale.
Cette ambition met principalement l’accent sur la réduction des émissions de gaz à effets de serre, jusqu’à annoncer que cet évènement sera « à contribution positive pour le climat ». Cette contribution positive serait permise par un « plan de compensation volontaire allant au-delà de la neutralité carbone », c’est-à-dire que les Jeux affirment « compenser plus d’émissions [qu’ils n’en émettent], en soutenant des projets additionnels sur le territoire national ».
Autre outil important de cette promesse environnementale : la sobriété foncière. « En s’appuyant sur 95% de sites déjà existants ou temporaires, Paris 2024 a fait le choix de la sobriété. Construire moins, c’est réduire considérablement l’impact carbone et permettre de célébrer toute la richesse architecturale française », peut-on lire dans leur ambition environnementale.
Seuls deux sites seront construits : le Village olympique et paralympique, qui deviendrait un « véritable écoquartier du futur pour les habitants du département de la Seine-Saint-Denis », et le Centre aquatique, « qui laissera trois bassins en héritage afin de combler le retard du département en nombre de piscines, où actuellement un enfant sur deux ne sait pas nager ». Tous deux devraient être « à faible impact carbone, et répondr[aient] ainsi avant tout aux besoins pérennes des territoires et populations concernés ».
Toutefois, ces deux projets ont récemment dû mener des batailles lancées devant les juridictions administratives locales.
Suspension du permis de construire du Centre aquatique pour non compensation des arbres abattus
En droit, il est possible de demander au juge administratif de suspendre une décision autorisant des travaux (cad d’en « stopper » les effets, et donc mettre en pause la réalisation desdits travaux) s’il est démontré qu’il y a urgence et un doute sérieux quant à la légalité de la décision autorisant les travaux. Ce mécanisme s’appelle le « référé suspension ». En parallèle, le(s) requérant(s) doivent demander l’annulation de ladite décision.
Le 21 juillet 2021, le maire d’Aubervilliers avait autorisé la construction du Centre aquatique. Saisi par une association et par des particuliers, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Paris avait suspendu le permis de construire, notamment du fait du non-respect de l’obligation de replanter les arbres abattus, comme le prévoyait le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi, voir ci-après).
Le maire d’Aubervilliers a tiré les conséquences de cette décision et a pris le 6 octobre, un permis de construire modificatif, destiné à corriger le permis initial notamment sur ce point.
Finalement, le juge a accédé à la demande de la commune d’Aubervilliers et levé les effets de la suspension. Les travaux du centre aquatique ont donc légalement pu reprendre.
Injonction à modifier le PLUi de Plaine Commune pour sauvegarder les jardins d’Aubervilliers
A titre introductif, il est nécessaire de rappeler ce qu’est un PLUi ainsi que ses effets.
Le PLUi – le Plan Local d’Urbanisme, mais dupliqué à l’échelon intercommunal – est un document d’urbanisme réglementaire. Le PLUi détermine les zones constructibles ou inconstructibles, les types de constructions autorisés, les caractéristiques urbaines, architecturales, paysagères et environnementales à respecter. C’est le document de référence pour la délivrance des autorisations d’urbanisme (permis de construire, déclarations préalables,…). Son élaboration revient à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent. En 2016, 9 communes, dont Aubervilliers, ont confié à Plaine Commune la compétence de l’élaboration du PLUi.
Le 25 février 2020, le Conseil de Territoire de Plaine Commune a approuvé son premier PLUi. En octobre 2020, ce PLUi a été modifié afin d’intégrer la zone d’aménagement concerté (ZAC) « Village olympique et paralympique », et, par conséquent, de permettre sa construction.
Des particuliers ont estimé que ce nouveau PLUi était illégal en ce qu’il classait la frange ouest des jardins des Vertus d’Aubervilliers en différentes zones urbaines, pour accueillir, notamment, le Centre aquatique olympique. Pour eux, ce classement contrariait l’objectif de préservation des espaces verts.
La Cour administrative d’appel de Paris leur a donné raison le 10 février 2022.
Pour ce faire, la juridiction s’est fondée sur l’incompatibilité du nouveau PLUi avec d’autres documents d’urbanisme, dont le schéma directeur de la région d’Ile-de-France, lequel affichait effectivement « un objectif essentiel de préservation et de développement des espaces verts, au titre duquel il prescrit notamment de « préserver les emprises dédiées aux espaces verts publics existants », et décline cet objectif sur le site du Fort d’Aubervilliers ». La Cour a estimé que « la suppression de près d’un hectare de jardins, sur les 7 hectares de jardins existants, dans un site qui présente une cohérence d’ensemble créée par la continuité entre la couronne boisée du fort et les jardins partagés qui la bordent et au sein d’une commune parmi les plus carencées en la matière » n’était pas compatible avec un tel objectif.
La Cour impose donc au président de Plaine Commune de modifier le PLUi en ce qu’il classe en zone urbaine une partie de la frange ouest des jardins des Vertus excédant les zones strictement nécessaires à l’implantation de la piscine olympique.
Suspension de la construction du centre nautique
Finalement, devant la décision de la commune d’Aubervilliers de ne pas interrompre les travaux pour la construction du centre nautique en dépit de la décision de la Cour administrative d’appel de Paris relative au PLUI, les deux associations et les particuliers sont retournés devant cette juridiction pour demander à nouveau la suspension des travaux de construction du centre nautique, prévu notamment pour accueillir les athlètes lors des Jeux de Paris 2024 pour leur entrainement.
Dans une récente décision du 9 mars, la CAA de Paris affirme que « le projet contesté, en tant qu’il emporte urbanisation du jardin des Vertus par la construction d’équipements annexes, sans lien nécessaire avec les bassins olympiques – soit un solarium, une plage minérale et une terrasse (situés en rez-de-chaussée) ainsi qu’un espace bien-être (situé en R+1) » méconnait les règles d’urbanisme applicables.
Face à cette nouvelle décision, la commune d’Aubervilliers aurait renoncé totalement à cette construction.