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Pourquoi le monde du sport doit s’inspirer du dernier rapport du GIEC

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Le 6ème rapport du GIEC, sorti lundi 20 mars dernier, a été une fois de plus assez effacé par l’actualité. Cet état des lieux des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes et ses impacts est un travail remarquable d’un groupe de scientifiques reconnus. Ecolosport a mis en parallèle les résultats de ce rapport avec le sport, en 11 points.

Le dernier rapport du GIEC fait la synthèse des 6 cycles de travail qui ont débutés en 2015, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le préambule de ce document est assez clair : « Les choix et les actions mis en œuvre au cours de cette décennie auront des répercussions aujourd’hui et pendant des milliers d’années. » Dans ce sens, le monde du sport doit intégrer, à l’image de notre société, qu’il va devoir donc faire un virage à 360° et se transformer en profondeur d’ici 2030 s’il ne veut pas sombrer au fur et à mesure que notre planète se réchauffera. Bien entendu, nous n’avons pas lu les 10 000 pages du rapport. Nous nous sommes appuyés sur l’excellent résumé en 11 points réalisé par Vert, pour faire un parallèle avec le milieu sportif.

La responsabilité des activités humaines

Par rapport à la période 1850-1900, la température mondiale s’est élevée de +1.1° avec des conséquences déjà désastreuses, condamnant une grande partie du vivant sur Terre… Cet indicateur laisse imaginer ce que donnera un monde à +2°, +3° voire même +4° d’ici 2100. Les activités humaines sont, « sans équivoque », responsables de ce réchauffement. Les secteurs de l’énergie, de l’industrie, du bâtiment et de l’agriculture, principaux émetteurs de gaz à effet de serre, sont pointés du doigt.

En voulant être toujours plus grands, les grands événements sportifs ont ainsi leur part de responsabilité. On pense, par exemple, à la construction de nouvelles infrastructures ou encore à des rassemblements comme la prochaine Coupe du Monde de football, qui verra augmenter le nombre d’équipes participantes et se jouera dans 3 pays – Etats-Unis, Canada, Mexique, rien que ça – entrainant donc plus de flux aériens, de consommation et de merchandising. La neutralité carbone de ces méga-événements est tout bonnement impossible, malgré les efforts fournis.

Une menace au bien-être de l’humanité et de la planète

Pénurie d’eau, vagues de chaleur, sécheresses, cyclones… Les événements climatiques extrêmes vont de plus en plus impacter notre quotidien. Le GIEC prévient que « la fenêtre d’action pour garantir un avenir vivable et durable pour tous se referme. »

L’année 2022 en France peut servir de prémices pour le futur qui nous attend, avec une disparition quasi-inévitable des sports d’hiver, une récurrence des restrictions d’eau pour l’arrosage des terrains, ou encore de trop fortes chaleurs empêchant la pratique sportive. Comme nous avons pu le voir en 2020, lors du premier confinement lié à la crise Covid-19, en temps de crise, les premiers secteurs à l’arrêt sont la culture, les loisirs et… le sport.

Des dégâts généralisés et irréversibles

La hausse des océans, la fonte des glaciers, la chute de la biodiversité (dont l’être humain représente seulement 0,1% de la biomasse terrestre) sont des faits présents et, pour certains, irréversibles. Sur le plan économique, il nécessite des investissements majeurs en termes d’adaptation, notamment au niveau des infrastructures. On pense par exemple à la station de La Plagne qui va démonter, dès l’été prochain, des remontées mécaniques du glacier de la Chiaupe (3250 m) pour des raisons de sécurité mais aussi de préservation du site. Coût des travaux : 30 millions d’euros !

La nécessité d’accélérer l’adaptation au changement climatique

Aujourd’hui, les énergies fossiles sont beaucoup plus subventionnées que la lutte contre le réchauffement climatique. L’absence d’engagement politique, citoyen, du secteur privé et le manque de ressources financières sont des freins à ces adaptations qui ont pourtant fait leur preuve. Parmi elles : l’arrêt de l’artificialisation des sols, la restauration des zones humides ou encore le verdissement des villes.

Là aussi, le sport va encore trop lentement, et va même à l’inverse de ce qu’il faudrait faire, en construisant de nouvelles infrastructures, en bétonnant, en climatisant ses salles, en arrosant plus que de raison ses pelouses pour qu’elles soient télégéniques.

Les jeunes de Southampton plantent 250 arbres au centre d’entrainement, suite à la première de Kegs Chauke en professionnel. © Southampton FC

La barre des +1,5° sera sûrement dépassée d’ici 2030

Comme expliqué plus haut, nous ne sommes qu’à +1.1°. Les accords de Paris visaient un réchauffement climatique de +1,5° d’ici 2100, dans l’idéal. Malheureusement, les décisions politiques prises et nos modes de vies actuels nous dirigent tout droit vers un monde à +3,2° d’ici la fin du siècle, « les +1,5° allant probablement être atteints en 2030 » comme l’a expliqué Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du groupe 1 du GIEC à Vert.

Forcément, nous pensons au rapport du WWF en 2021 sur l’impact du dérèglement climatique sur la pratique sportive, dans un monde à +2° et à +4°. Dans un monde à +2° : 80 des 576 clubs de voile seront menacés sur les littoraux, seules 3 stations de ski bénéficieront d’un enneigement naturel suffisant dans les Pyrénées françaises, et nous aurons jusqu’à 24 jours de pratique en moins pour les sports en extérieur (individuels ou collectifs). À cela s’ajoute les risques sanitaires (déshydratation, problèmes cardiaques…), la baisse des performances et la dégradation des terrains de jeu (pelouse, espaces naturels…).

L’impact énorme d’une augmentation d’un dixième de degré

Chaque dixième de degré en plus compte et aura un fort impact. D’autant plus que le réchauffement climatique n’est pas égal sur l’ensemble du globe. Ainsi, les températures en France grimpent plus vite que dans d’autres pays. Plus la Terre se réchauffe, plus les événements climatiques extrêmes s’accentuent, ce qui représente une réelle menace et un besoin d’adaptation pour la pratique sportive.
Des pluies intenses, tout comme des fortes chaleurs, nécessiteront de reprogrammer des épreuves sportives, parfois au dernier moment. Professionnels ou amateurs, personne ne sera épargné.

Des modifications brutales, voir irréversibles

Plus les températures augmenteront et plus les risques de modification abrupte et/ou irréversible (point de bascule) vont se produire. Un exemple ? La fonte des glaciers et la raréfaction de la neige qui condamnent à court terme l’existence des sports d’hiver, ou encore les changements des courants marins menaçant les courses au large.

Mettre fin aux énergies fossiles

79%. C’est la part des énergies fossiles dans les émissions de CO2. Gaz, charbon, pétrole : il faut apprendre à en sortir et ce dans les plus brefs délais.

En ce sens, le sport doit se pencher sur sa stratégie de partenariat, en refusant par exemple d’avoir en sponsor une compagnie pétrolière, d’autant plus quand elle développe encore des projets climaticides, ou une structure finançant fortement l’extraction de ces énergies fossiles, comme certains établissements bancaires français. Il en va de l’image véhiculée comme des valeurs que l’on souhaite promouvoir.

La neutralité carbone

Encore une fois, il y a urgence à agir dès maintenant. D’un côté, il est nécessaire de sortir des énergies fossiles et de l’autre, il faut revitaliser et protéger les puits de carbone naturels que sont les arbres et les océans. Compenser ces émissions carbone ne les compense pas ! L’avion qu’une équipe prend pour se rendre sur une rencontre polluera et cette pollution ne sera pas contrebalancée par une plantation d’arbres.

Comme le rappelle Vert, le méthane issu de l’élevage est aussi très émetteur de GES, et le monde du sport, habitué aux repas carnés, doit s’adapter, aussi bien pour la performance sportive des athlètes que pour la convivialité de la traditionnelle saucisse-frite ou du hamburger pour les spectateurs.

Une société plus juste

On l’entend souvent – et à juste titre -, justice climatique et justice sociale vont de pair ! Par son impact sur les enjeux sociétaux, son pouvoir d’influence (couramment appelé « soft power ») et sa capacité à fédérer, le sport doit donc être un modèle et le premier défenseur de l’environnement, il en va de sa survie.

La question des salaires mirobolants d’une (petite) partie des sportif(ve)s de haut-niveau peut aussi être soulevée. Alors que les inégalités salariales se creusent, est-il encore sensé que des personnes vivant d’une passion puissent percevoir des salaires à la limite de l’indécence quand d’autres exerçant des métiers essentiels touchent le SMIC et vivent dans des conditions plus que précaires ?

Des fonds disponibles pour financer ces changements

Des aides existent pour financer la transition écologique : pour former les équipes, se faire accompagner ou encore rénover ses infrastructures. Des collectivités ou des institutions rajoutent désormais des critères d’éco-conditionnalité pour attribuer des subventions. C’est par exemple le cas de la LFP, qui a rajouté des critères environnementaux pour le versement des juteux droits TV aux clubs de Ligue 1 et Ligue 2.

Certaines entreprises regardent de plus en plus les engagements des structures avant de devenir partenaire ou mécène. Cependant, la conviction doit être le socle de base et la raison principale de la stratégie adoptée, avant l’aspect financier ou l’image.

La sobriété comme solution principale et nécessaire

La sobriété sera le maître-mot des décennies à venir, pour faire face aux pénuries de ressources. Ces efforts vont désormais faire partie de notre quotidien et vont s’accentuer. Il en sera probablement de même avec l’eau dans les prochaines années.

Mais cette sobriété doit aussi s’appliquer dans l’organisation des compétitions puisque, rappelons-le, entre 70 et 80% de l’empreinte carbone des événements est lié aux transports. Les grandes messes sportives sont et seront à l’avenir davantage remises en question, tout comme les jauges de ces manifestations, appelées à être réduites. La décroissance économique volontaire permettra de s’adapter à une probable future récession imposée par le dérèglement climatique, une croissance infinie dans un monde fini étant tout simplement impossible.

L’offre alimentaire nécessite d’être repensée en se tournant vers une alimentation végétale. Autre manne financière devant être revue : le merchandising, générateur de surproduction et de déchets, forte source de pollution, de pression sur la nature mais aussi d’inégalités sociales (rémunération, recours à une main-d’œuvre mineure, mauvaises conditions de travail…). Plus que l’impact carbone, nous pouvons aussi souligner le travail collectif qui doit être le terreau de la transition écologique du sport, que ce soit en interne via l’implication de toutes les parties prenantes et la prise en compte de ces problématiques par la direction des structures, mais aussi en externe via la collaboration avec les partenaires, collectivités, institutions, etc…

Comme le disait justement Maël Besson lors d’une récente conférence sur « Le sport et la décroissance »,« le mouvement sportif est à la fois responsable, victime et contributeur du dérèglement climatique. » La fenêtre pour changer drastiquement notre société est très mince et ces modifications doivent débuter dès à présent, sans quoi, l’écosystème sportif sera l’une des premières victimes.

Finalement, c’est un superbe challenge collectif qui nous attend pour remodeler et bâtir un sport plus juste, plus équitable, plus respectueux et, pourquoi pas, en faire un élément moteur de la transition écologique et sociale mondiale.

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Eddy Klemenczak
Eddy Klemenczak

Ecolosport le PODDCAST explore la façon dont le sport peut contribuer à la réalisation des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) de l'ONU et comment ceux-ci peuvent soutenir le développement du sport.