Publié le 8 juin 2023
C’est le Jour J, la Coupe du Monde de rugby démarre ce vendredi 8 septembre ! Il y a quelques mois, la plateforme Sami, spécialisée notamment en mesure carbone et en développement de plans climat, a sorti une analyse intitulée « Coupe du Monde de Rugby : quelle trajectoire pour respecter nos engagements climatiques ? » Ecolosport l’a décryptée.
À l’heure où nous devons baisser de façon drastique les émissions de gaz à effet de serre, la plateforme Sami a essayé de répondre à une question : comment rendre la Coupe du Monde de Rugby France 2023 acceptable et soutenable ? Voici l’analyse d’une étude et de préconisations qui peuvent, bien entendu, s’appliquer à d’autres événements d’ampleur internationale.
Méthode et constat
Avant tout, les auteurs de cette analyse ont tenu à préciser qu’ils ont effectué des estimations, et non des mesures, des émissions de CO2 directes et indirectes de la Coupe du Monde France 2023.
Pour ce faire, ils se sont appuyés sur différentes bases carbone (ADEME, Ecoinvent, etc.) ainsi que les rapports réalisés auprès de grandes compétitions sportives internationales organisées en France et dans le monde : rapport d’impact de l’Euro 2016, rapport d’impact de la Coupe du monde de rugby 2015, rapport d’impact de la Coupe du monde de rugby 2007, statistiques liées au tourisme, à la consommation, aux déplacements de courte et moyenne distance dans l’hexagone… À noter également que les enjeux économiques n’ont pas été pris en compte.
Même si elle sera dix fois moins émissive que la Coupe du Monde de la FIFA au Qatar, ceci étant notamment dû à l’absence de construction de stade, il faudrait tout de même diviser par 3 les émissions de Gaz à Effet de Serre pour respecter les accords de Paris et rester sous la barre des 2 degrés. D’après la plateforme, l’événement de cet automne devrait tout de même générer 640 000 tonnes de CO2 !
Au vu de son succès, cela peut être une formidable opportunité pour sensibiliser le plus de spectateurs possible aux impacts du dérèglement climatique et aux efforts que nous devons tous faire face à ce problème majeur. Malgré tout, les transformations pour les prochaines éditions doivent être profondes. « Il ne va pas falloir seulement faire évoluer ces compétitions mais les repenser pour que le monde du sport s’aligne avec les trajectoires de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cela implique de remettre en question les modèles actuels, de positionner l’enjeu climatique comme enjeu prioritaire. On parle ici d’un choix de société » précise le rapport. La sonnette d’alarme est tiré à juste titre puisque certains pays comme les Fidji, les Samoa ou encore les Tonga vont probablement disparaître en partie avec la montée des eaux.
Les déplacements, le point noir de France 2023
Sans grande surprise, les déplacements représenteraient 73,3% des émissions de CO2 générés par la Coupe du Monde de Rugby, soit 465 000 tonnes de CO2. À eux seuls, les supporters venant de l’étranger sont à l’origine de 460 000 tonnes. Les trajets les plus impactants sont, bien entendu, ceux en avion. Si on se base sur la Coupe du Monde 2015 qui s’était déroulée au Royaume-Uni, la venue d’environ 20 000 spectateurs australiens et néo-zélandais émettrait 120 000 tonnes de CO2, soit 1/3 de la part transport.
« Le nombre de supporters étrangers est aussi fortement dépendant des résultats sportifs. Si les All Blacks atteignent la finale par exemple, plusieurs fans pourraient prendre la décision de se rendre en France, ce qui augmentera forcément l’empreinte carbone » nous précise Alexis Lepage et Paul Denaloé, les co-auteurs du rapport. Sur le sol français, les transports en avion et voiture (avec 2 passagers en moyenne) devrait générer 104 000 tonnes de CO2.
Parmi les propositions fortes, on note l’instauration de quota pour les supporters venant d’une région située hors de celle du pays organisateur. Pour l’édition 2023, cela représenterait 1% de supporters non-européens. « Elle vient remettre en cause l’essence même d’une compétition internationale mais elle est la seule à même de nous permettre d’atteindre les objectifs de réduction précédemment cités. » Deux tiers de la billetterie pourrait aussi être réservé aux résident(e)s du pays-hôte. On peut également citer dans les préconisations les récompenses et incitations pour les personnes ayant recours aux mobilités bas carbone, des budgets carbone pour les équipes ou encore le développement d’une plateforme de covoiturage dédiée à la manifestation.
Il est à noter que l’organisation s’appuie d’ores et déjà sur la SNCF, sponsor officiel du Mondial, pour décarboner son volet mobilité. Mais elle s’appuie aussi sur TotalEnergies, également partenaire de l’événement, l’un des plus gros pollueurs et destructeurs de la planète.
Hébergement, alimentation, numérique, infrastructures et merchandising : les autres leviers d’actions
Les hébergements et la restauration sont aussi des pôles venant alourdir l’empreinte carbone de France 2023. Il serait donc intéressant d’orienter les spectateur(rice)s vers des établissements engagés dans une démarche de tourisme durable comme ceux labellisés Clef Verte par exemple. Dans les stades et les fan zones, le développement d’une offre alimentaire végétalisée tout en réduisant de façon importante la viande est également un axe de travail impactant.
Les autres leviers d’action du rapport portent sur l’empreinte numérique, les infrastructures ou encore le merchandising. Le document rappelle notamment que la fabrication de la plupart des textiles se fait à base de matières premières nocives (laine acrylique pour les écharpes supporters, polyester pour les maillots…). Comme l’explique Paul Delanoé : « L’extraction de ses matières pollue bien plus que leur transport » D’autant plus que s’ajoutent à cela les questions sociétales liées aux conditions de travail sur les sites de production asiatiques notamment.
Il est donc important que chacun ait en tête qu’un événement de cette ampleur génère, sur une période de temps très courte, des quantités astronomiques de gaz à effet de serre. La réalité nous rattrape malheureusement et nos actions ont des conséquences : faire se déplacer des milliers de personnes en avion cause de très importantes émissions de CO2 et, dans un monde où tout doit être mis en place pour limiter notre impact, cette situation reste ubuesque. Comme précisé dans le rapport, cette compétition est un miroir de la société. Cependant, il faut profiter de son impact médiatique pour sensibiliser et alerter un maximum de fans au dérèglement climatique.
> Retrouvez l’intégralité du rapport sur ce lien.
Photo à la Une : © World Rugby