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Jérôme Lachaze (1/2) : « Le sport est en train de se réinventer »

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Jérôme Lachaze, ancien responsable du développement durable de la candidature aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 s’est livré pour Ecolosport sur de nombreux sujets liés au sport et au développement durable. Une rencontre (très) enrichissante !

Même s’il refuse à se le dire, Jérôme Lachaze fait partie des précurseurs du sport responsable. Passé par le WWF, Jérôme Lachaze se livre sur de nombreux sujets : son parcours professionnel, l’effet de levier des Jeux de Paris 2024, le rôle déterminant du sponsoring ou encore sa vision du sport de demain.

Photo : Philippe Millereau / KMSP
Jérôme Lachaze, depuis quand travaillez-vous dans le secteur du sport responsable ? D’où vous vient cette « fibre verte » ?

Cela fait maintenant 14 ans que je travaille dans le sport et le développement durable. Tout a commencé lorsque j’ai rencontré Didier Lehénaff, l’auteur de la bible de l’éco-responsabilité du sport, Un Sport Vert pour ma Planète. C’était à l’occasion d’un tour du monde effectué en 2006. Je suis notamment passé par le Brésil pour aller voir à quoi ressemblaient les premiers  éco-games, premier événement sportif à se concentrer sur les structures déjà existantes et à se départir du superflu. Cela m’a immédiatement parlé et j’ai alors décidé d’en faire mon métier.

Par la suite, j’ai intégré le WWF France. Là-bas, j’ai pu mettre en œuvre mes idées. Nous avons par exemple organisé le Pandathlon, premier événement sportif de collecte de fonds au profit de la préservation de l’environnement. En retirant le plastique à usage unique, en balisant les parcours sans rubalise, en imposant des gourdes aux participants ou en travaillant sur l’accessibilité en train ou en bus, l’idée était de montrer que le sport pouvait aussi être vertueux.

Lors de mon passage à l’UNICEF, et en partenariat avec Running Heroes, nous avons réfléchi à faire aboutir une course écolo et connectée. Notre réflexion était : « comment créer une course sans déplacement de spectateurs ? », car c’est le poste de pollution le plus important. Il peut toujours y avoir débat sur la pollution liée aux contenus digitaux, mais en 2015, pour la première édition de l’UNICEF Heroes Day, nous sommes parvenus à faire courir 5.000 coureurs sur toute une journée dans une soixantaine de pays en 2015 ! 132.000€ ont même été collectés, c’était géant !

Comment se sont construits les engagements inédits en matière de développement durable de la candidature aux JOP de Paris 2024 ?

Tony Estanguet est à l’origine de ces engagements. Il avait cela en tête depuis des années, c’est dans son ADN. En me nommant responsable du développement durable pour la candidature de Paris 2024, il m’a donné carte blanche ! Une vraie marque de confiance pour moi et une preuve de son attachement aux enjeux environnementaux.

Tony Estanguet aux côtés d’Isabelle Autissier, Présidente du WWF France

En premier lieu, nous avons observé comment les précédentes éditions des Jeux s’étaient déroulées sur ce plan-là. Je prends souvent l’exemple malheureux de Rio en 2016 : une des promesses fortes du comité d’organisation consistait à nettoyer la baie de Guanabara. La crise est passée par là et cette opération de nettoyage a été tout simplement annulée ! L’organisation a privilégié l’extension d’une ligne de transport en commun qui bénéficiait à 400.000 habitants des quartiers riches plutôt que résoudre un problème sanitaire pour des millions de locaux. Pour éviter ce genre de désillusions, nous voulions nous donner les moyens de bien faire pour engager tout le monde avec nous ! 

Nous nous sommes donc entourés d’experts. Nous nous sommes associés au WWF France, nous avons travaillé avec France Nature Environnement Ile de France, qui nous a aidé à étudier nos 42 sites et qui a contribué à aligner sur nos objectifs environnementaux les enjeux territoriaux. Au final, nous avions réuni plus de 400 experts de l’environnement !

Grâce aux informations de ces experts et avec l’aide des collectivités telles que la mairie de Paris, et sous l’impulsion du WWF France, nous avons décidé d’aller plus loin en produisant un bilan carbone estimatif. Nous nous sommes rendus compte qu’avec un concept compact et avec 95% d’infrastructures existantes ou temporaires et une stratégie développement durable ambitieuse, l’empreinte carbone allait diminuer de 50% par rapport aux Jeux de Londres en 2012 et Rio en 2016. C’est très vite devenu l’argument numéro un. Surtout quand on a vu que Donald Trump a fait sortir les États-Unis des accords de Paris, cela nous démarquerait encore plus de la candidature de Los Angeles.

L’obtention de la certification ISO 20121 nous a aidé à engager toutes les personnes qui travaillaient à la candidature de Paris. Cela démontrait que nous étions dans le vrai et cela a joué en notre faveur pour nous démarquer encore plus dans la course pour l’obtention des JOP de 2024. Par ailleurs, nous avons fait un énorme travail pour que le budget développement durable soit en adéquation avec nos ambitions et nos engagements. Ainsi, une partie conséquente était consacrée aux projets de compensation CO2 pour atteindre la neutralité carbone et le reste correspondait aux différents surcoûts potentiels liés aux engagements inscrits dans la stratégie durabilité.

Vous parliez de la crise économique qui a perturbé les promesses faites à Rio en 2016, pensez-vous que les engagements verts de Paris 2024 vont être tenus malgré la crise sanitaire ?

Historiquement, toutes les éditions des JOP ou presque ont eu d’importants dépassements, sans qu’il n’y ait de crise sanitaire. Mais je suis sûr que oui. Sur un budget global de 6,8 milliards d’euros, les économies à faire ne se font pas sur le budget développement durable ! On le voit, le COJO se concentre sur la refonte de la carte des sites tout en préservant l’ambition environnementale et l’héritage.

Au contraire, depuis 3 ans, le COJO met au cœur de sa démarche les enjeux d’excellence environnementale. L’ambition de neutralité carbone a été réaffirmée clairement avec une chasse au CO2 menée et la volonté d’avoir 100% d’électricité renouvelable pour les Jeux. L’engagement pour préserver la biodiversité est une conviction forte et une démarche d’économie circulaire solide est d’ores et déjà concrétisée avec une politique d’achats responsables érigée en priorité.

Concernant les partenaires et sponsors, l’enjeu est de garantir un financement privé des Jeux tout en maintenant une ambition durable forte. En cela, le modèle de Paris 2024 illustre une démarche inédite et différente, et qui préfigure sans doute une nouvelle configuration pour les Jeux Olympiques et Paralympiques. En candidature, nous les avons d’ailleurs tous mobilisés pour imaginer l’expérience durable du spectateur. Je pense que cette approche aura un écho au-delà du COJO, et que du CIO aux organisateurs de GESI, les critères de sélection des sponsors d’un point de vue durable seront de plus en plus importants.


Retrouvez la 2ème partie de cet entretien dans quelques jours…

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