Chaque mois, François Singer, Purpose Partnerships Manager chez 17 Sport, proposera sur Ecolosport une tribune sur un des nombreux sujets qui lient l’éco-responsabilité au sport.
François Singer nous parle ce mois-ci du changement que doit entreprendre le monde du sport et ses événements.
Plus équitables, citoyennes, vertes et efficaces…
Ce serait le profil des marques idéales selon les principaux enseignements de la première édition du baromètre Contributing. La crise sanitaire liée au Covid l’a d’ailleurs corroboré : les organisations de demain seront décarbonées, circulaires, et inclusives. Les compétences liées à la conduite du changement seront indispensables. Il faudra ainsi avoir une excellente connaissance des concepts du développement durable, de la RSE/RSO, des méthodologies de transformation des stratégies et modèles économiques (aussi appelées stratégies « purpose driven »), de l’articulation des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD).
Les méthodologies et expertises de mesure d’impact environnemental et/ou social devront également être prises en compte par l’ensemble des organisations.
Les consom’acteurs ne sont pas dupes…
Les consommateurs sont désormais des citoyens éclairés et la crise sanitaire du Covid-19 n’a fait qu’accélérer cette transition et cette prise de conscience. Les citoyens souhaitent consommer de façon toujours plus responsable, en connaissance de cause, soucieux de l’empreinte écologique et sociale de leurs actes d’achat.
De façon plus large, comme le souligne le cabinet Denjean & Associés , 97% des Français se disent désormais prêts à boycotter les entreprises aux pratiques sociales ou environnementales non exemplaires. 55 % des collaborateurs vont même désormais jusqu’à dire que l’engagement social ou environnemental d’une entreprise est un critère plus important que le salaire. Un nombre qui atteint 76 % chez les « millenials ».
Néanmoins, tout cela doit être nuancé. Ainsi, on veut acheter vert mais également se faire livrer vite ; on plébiscite le local tout en commandant du « made in Asia » ; 79% des interrogés déclarent avoir besoin de consommer pour se faire plaisir et se libérer de la frustration. Et en même temps, ils sont presque autant, 78%, à penser que la surconsommation mènera à l’effondrement de notre société.
Et le sport dans tout ça ?
Des partenariats qui évoluent
De nombreuses entreprises s’engagent désormais au plus près des entités sportives pour leurs valeurs fortes et bienveillantes. Parmi celles-ci, on retrouve l’engagement, le goût de l’effort, le don, l’émotion. Les entreprises ont dans un premier temps commencé à s’associer aux clubs, aux entités sportives pour gagner en visibilité.
Aujourd’hui cela ne suffit plus.
Elles le font désormais afin que leurs clients s’identifient à une stratégie d’impact responsable et positive. Elles le font afin que cet investissement contribue à servir et accélérer la mission de l’entreprise.
Le modèle traditionnel reposant sur de la visibilité, de l’hospitalité pour les clients et des actions de RSE a démontré ses limites. Nous passons désormais d’un sponsoring 3.0 à un sponsoring 4.0, contributif, où l’impact devient un vecteur de business et d’engagement auprès de toutes les parties prenantes. La notion même de « sponsoring » est donc en pleine mutation. Il s’agit désormais de lier sa marque, son entreprise à un projet cohérent, porteur de sens et ancré sur un territoire. Il s’agit d’être de réels partenaires engagés dans une même quête de sens. On évoque désormais la notion de Sponsoring d’impact, de Sponsoring à mission.
Le Sport contributif est en marche…
La crise du Covid-19 a exacerbé une nouvelle dynamique : politique publique de « sport santé » en plein essor – 80% des chefs d’entreprises souhaitent désormais intégrer un levier « sport santé » pour leurs salariés -, développement des mobilités douces et actives, création de nouvelles associations et start-ups…
Des collectifs sont également en train d’incarner une prise de conscience collective face aux enjeux d’éco-responsabilité qui doivent être les nôtres aujourd’hui. Les Colibris du Sport par exemple, groupement de femmes et d’hommes du mouvement sportif, souhaitent voir le sport jouer un rôle important dans la société de demain. Ce collectif souhaite finalement participer à la construction d’un sport soucieux de contribuer à la préservation de la biodiversité et il n’est pas le seul.
Ainsi, le prochain congrès de la Nature organisé par l’IUCN (International Union for Conservation of Nature) qui se tiendra à Marseille en fin d’année intégrera également une verticale « sport et préservation de la biodiversité » au sein de son programme.
…au travers d’évènements à impact
La notion de préservation de la biodiversité passe également par l’organisation d’événements « durables ».
J’ose espérer que les prochains Jeux Olympiques et Paralympiques français de 2024 seront bel et bien éco-responsables, qu’ils feront la promotion de marques ancrées sur des valeurs de durabilité et respectueuses de la préservation du vivant, qu’ils seront libérés d’une certaine forme de partenariats archaïques et technocratiques dénudés de tout forme d’inclusion et de responsabilité.
J’ose également espérer voir certains projets sportifs ludo-éducatifs avoir un impact positif sur notre jeunesse : responsabilisation, épanouissement… L’exemple du tournoi de Football de la Danone Nations Cup (DNC) me semble une excellente initiative. Accompagnés par une multitude de partenaires engagés et éco-responsables, il semble être réellement différenciant dans son positionnement.
Depuis 1998, la Danone Nations Cup est devenue la plus grande compétition mixte de football dédiée aux enfants, réunissant 27 pays et plus de 2 millions de joueurs et joueuses à travers le monde. Cet événement a évolué pour devenir aujourd’hui une plateforme puissante dont la mission est de faire avancer la société, au travers du sport et plus particulièrement du football, en mettant la jeunesse au cœur du changement. Lors de la phase internationale en octobre dernier, 700 enfants ont ainsi utilisé leur voix pour exprimer l’importance de changer le monde, en votant en faveur de 3 « Sustainable Development Goals » mis en avant par les Nations Unies : l’égalité entre les sexes, le changement climatique et la protection des océans.
La DNC vise donc à promouvoir l’égalité des chances, la diversité des cultures, l’importance d’une pratique sportive, l’ouverture aux autres ainsi que le respect de l’environnement. En 2021, l’objectif visera à engager ces 2 millions de jeunes (et leur famille) à agir pour devenir des citoyens responsables. En 2030, ils seront plus de 10 millions. L’impact est colossal.
Ce tournoi doit donc être porté conjointement par un groupement de marques, d’associations, d’athlètes, de personnalités (Mohamed Yunus en est un des ambassadeurs par exemple) qui souhaitent s’intégrer à un projet de transformation et de structuration profonde de la société auprès d’une jeunesse de plus en plus activiste, militante et engagée sur les enjeux de développement durable. Dans cette même continuité mais dans le cadre d’une audience moins large, ces marques pourraient également par le prisme sportif envisager de se positionner sur un ancrage territorial local. Elles pourraient développer des relations de partenariats durables – courses de trail ou de vélo éco-responsable par exemple.
Défendre des causes louables : transition alimentaire, recyclage…
Dans cette même logique de sauvegarde de la biodiversité, il est désormais primordial que des « grandes marques » qui incarnent une vision progressiste et responsable, comme Décathlon, des marques militantes, comme Biocoop, ou engagées dans une démarche de transition durable, comme Danone, puissent être des modèles, des exemples, des catalyseurs de transformations économiques et sociétales.
Elles doivent accompagner le développement de structures émergentes et disruptives. Elles doivent être solidaires du tissu de start-ups françaises éco-responsables et en plein essor comme Flycup, StadiumGO, Shareathlon et bien d’autres… Elles doivent être solidaires d’associations à impact positif comme SupporTerre, Football Ecologie France, Circle Sportswear et bien d’autres. Il faut qu’elles puissent porter cette dynamique et deviennent les véritables leaders des transformations du monde d’après.
Prenons un exemple concret.
Engagement et sauvegarde de la biodiversité doivent être particulièrement associées à la transition alimentaire. Or, le constat que j’ai pu faire au cours de ces derniers mois d’investigation au sein du mouvement sportif est que celui-ci est toujours très en retard sur la notion de transition alimentaire sur les enjeux d’éco-responsabilité qui en découlent. Des aberrations écologiques et sanitaires sont encore d’actualité. Nous avons par exemple toujours « quelques » kilogrammes de nourriture proposés par personne dans certains salons VIP. Le gaspillage alimentaire est encore très présent. Le sourcing de produits alimentaires est parfois de mauvaise qualité. Certaines structures/ clubs font encore la promotion du snacking auprès des plus jeunes.
Les enjeux de promotion et de sensibilisation à une alimentation saine et équilibrée, respectueuse de la biodiversité ne sont tout simplement pas intégrés dans les processus stratégiques de gouvernance, dans les stratégies de partenariat… Il faut donc poursuivre ces combats de société et sur ce sujet le sport reste aujourd’hui une des plateformes les plus puissante en termes de visibilité et d’impact positif. Lorsque l’école et la famille ne parviennent plus à jouer leur rôle, le sport a en quelque sorte le devoir d’avoir un impact sur le plan éducatif auprès d’une jeunesse parfois perdue et en quête de sens.
The end
J’espère que l’avenir nous dira rapidement si toutes ces thématiques de responsabilisation sociale et environnementale seront prises en compte par l’ensemble du mouvement sportif.
J’espère que l’avenir nous dira si toutes les parties prenantes qui composent aujourd’hui l’éco-système sportif parviendront à converger dans un seul et même but commun, dans un monde où la notion de concurrence, de compétition laissera sa place à la coopération, la contribution entre partenaires engagés pour la préservation du vivant et des Hommes.
Je ne cesse de le répéter, non pas de manière alarmiste mais de façon plutôt pro-activ(iste) : nous avons 3.000 jours devant nous pour nous décider à enfin effectuer ces changements structurels… Et ce n’est pas moi qui le dis mais le dernier rapport du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) ou certains scientifiques reconnus tels que Jean-Marc Jancovici ou Julien Barrau.
Si comme pendant la dernière crise sanitaire du Covid-19, nous pouvions écouter un peu plus les « Sachants » comme les Think Tank The SHIFT project, Sport & Citoyenneté, ou encore les recommandations du collège des directeurs du développement durable (C3D), de Carbone 4 ou de Time For the Planet, cela nous permettrait peut-être de nous mettre en ordre de marche rapidement, sans perte de temps et sans écueil…
Et puis rappelez-vous : « beaucoup pensèrent que c’était impossible jusqu’à ce qu’ils le fassent. »
François Singer