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Benjamin Lévêque (Paris 2024) : « Ne pas dépasser les 1,5 millions de tonnes de CO2 »

Benjamin Leveque Paris 2024 Jeux Olympiques Ecologie Ecolosport
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A moins de 3 ans des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, nous nous sommes entretenus avec Benjamin Lévêque, Responsable Climat et Biodiversité des Jeux. Celui qui « chasse la tonne de CO2 » et cherche à réduire l’empreinte de l’organisation des JOP fait un point d’étape sur leur héritage et leur durabilité.

L’organisation de Paris 2024 s’appuie beaucoup sur les notions d’héritage et de durabilité. Quelle est la stratégie globale des organisateurs pour parvenir à des Jeux à faible impact pour le climat ?

Benjamin Lévêque : Tout notre modèle économique et environnemental remonte à la candidature de Paris 2024. Le précepte est la bonne règle de l’éco-conception, beaucoup de choses se jouent au début. Nous ne voulions pas reproduire les modèles de Jeux précédents. Cela n’a plus de sens et ça n’en avait déjà plus il y a 4 ans. Nous aurions même pu pousser la question jusqu’au bout : est-ce qu’il faut continuer à organiser des Jeux, qui ont un impact environnemental significatif ? La réponse collective a été positive. Il est important de ne pas nous priver de ce moment festif et pacifique, qui transporte beaucoup de valeurs comme la paix, l’inclusion, la santé, le bien-être ou le lien social… Nous avons deux ambitions : livrer un événement à moindre impact possible et accélérer la transformation écologique.

Sur la partie durabilité de notre projet, l’idée est bien sûr de s’appuyer sur l’existant. Nous n’insisterons jamais assez sur le fait qu’il n’y a aucun débat au sujet de cette solution, qui permet de réduire l’impact environnemental, l’impact sur le climat et aussi sur la biodiversité… L’ambition d’utiliser 95% des équipements existants est déterminante. Pour la bonne mise en place de cette stratégie, il faut par ailleurs deux ingrédients : de la méthode précise et claire, et des personnes engagées. Nous avons la chance d’avoir au sein de Paris 2024 des collaborateurs qui sont des experts de la logistique, de l’événementiel, de l’alimentation ou de la sécurité… C’est un vrai travail collectif, aussi avec la Ville de Paris, la Seine-Saint-Denis et la Région Ile-de-France.

Alors que l’empreinte carbone des Jeux de Tokyo est estimée entre 2,5 et 3 millions de tonnes de CO2, quel est l’objectif et l’ambition de Paris 2024 ?

Benjamin Lévêque : Les Jeux de Tokyo et le CIO attendent en effet l’évaluation de l’impact final. Évidemment, sans spectateurs, il sera inférieur aux précédentes éditions, malgré le fait qu’ils aient énormément construit. Paris 2024 a un objectif à 1,5 millions de tonnes de CO2. Notre premier engagement, au moment de la candidature, était la réduction par deux de l’empreinte carbone par rapport aux Jeux précédents. A l’époque, les références étaient Londres 2012 et Rio 2016. Londres était à 3,4 millions de tonnes et Rio à 3,6. Nous sommes donc même au-delà de notre engagement.

Sur ces 1,5 millions de tonnes objectivés, il y a trois tiers. Le premier concerne les déplacements. Nous avons changé la considération que nous en avions. Nous n’attendons pas que l’événement se passe pour mesurer puis compenser. Nous considérons les déplacements comme un élément-clé de la livraison. Une partie de mon travail est d’en répartir la responsabilité. Le deuxième tiers concerne les constructions. Même si nous construisons peu, nous prenons tout l’impact du Village Olympique, pas seulement nos 15 jours d’utilisation. Le dernier tiers concerne les opérations, qui se dérouleront donc en 2024 : la logistique, le numérique, l’alimentation, la sécurité ou l’hébergement…

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Benjamin Lévêque était à la COP26 à Glasgow début novembre, avec la délégation de Paris 2024.
Concrètement, quelles mesures prenez-vous pour réduire l’impact carbone d’un tel événement ?

Benjamin Lévêque : Il y a cinq points. Le premier est de construire différemment. Dans les contrats – notamment du Village Olympique -, nous avons inscrit un objectif de 700 kg de CO2 par m2 à ne pas dépasser. Cet objectif donne du fil à retordre aux opérateurs car un bâtiment dit classique sort à 1 tonne de CO2 par m2. À la construction, nous sommes donc sur une réduction de 30%. Il est assez rare d’inclure ce type d’engagements dans la construction, mais cela deviendra la norme. Le deuxième point est de fournir de l’énergie autrement. Nous avons contractualisé avec notre partenaire EDF 100% d’énergie renouvelable.

Le troisième point concerne les déplacements. 100% des sites doivent être accessibles en transports en commun. Concernant l’Europe et les pays limitrophes, nous allons inciter les spectateurs à conserver un mode de transport terrestre pour se rendre à Paris. Sur place, pour les familles olympiques et paralympiques, nous proposerons un transport propre. Le quatrième point concerne l’alimentation. Nous souhaitons nous approvisionner de manière locale, même si la distance parcourue ne compte pas énormément dans le calcul global de l’impact. Ce qui compte, c’est ce qu’il y a dans l’assiette. L’idée est d’aller chercher de la protéine végétale pour réduire par 4 le kilo de CO2 par repas. Enfin, le cinquième et dernier point concerne l’utilisation de la technologie. Sur cet aspect, il y a trois périmètres : nos propres équipements technologiques, les équipements de télécommunications qui seront déployés, et les applications qui nécessitent du green code et des serveurs à faibles consommations. Nous travaillons encore sur ces trois derniers points.

Sur la notion d’héritage, Paris 2024 construit très peu de nouveaux bâtiments et va utiliser de grands lieux parisiens comme le Grand Palais. Il y a eu dernièrement la rénovation du bâtiment Pulse, qui se veut éco-responsable. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Benjamin Lévêque : Le bâtiment Pulse résume assez bien notre stratégie responsable des achats. La très grande majorité de notre impact passe par les cahiers des charges que nous écrivons et les contrats que nous signons ensuite. Cette stratégie a été co-construite avec le Directeur des Achats, Olivier Debargue et une équipe d’acheteurs suit ça de près désormais. La sémantique est importante : nous avons une « stratégie responsable des achats » et non une « stratégie des achats responsables ». Nous ne voulions pas développer quelque chose où il suffisait de cocher une ou deux cases ici ou là. Tous nos achats doivent être responsables ! Dans cette stratégie, il y a cinq engagements : économie circulaire, neutralité carbone, innovation sociale, inclusion de personnes en situation de handicap, et création de valeurs sur les territoires.

Appliquons ces engagements à Pulse. Sur l’économie circulaire, nous avons posé nos valises dans un bâtiment qui existait déjà. La moquette posée a déjà été utilisée. Les mobiliers feront l’objet d’une reprise, c’est inscrit dans les contrats signés avec nos équipementiers. À la suite des Jeux, le bâtiment continuera d’être occupé, mais je ne sais pas par qui. Sur le carbone, nous avons 100% de l’électricité qui est verte et traçable, nous avons 300m2 de panneaux solaires sur le toit d’un bâtiment construit en bois/béton, ce qui réduit notre empreinte. Sur les trois autres engagements, concernant les 15 contrats passés, nous avons 55% de structures de l’ESS ; le bâtiment est accessible à tous à 100% ; et 20% des entreprises prestataires sont de Seine-Saint-Denis. Cela fait sens. Et en plus, nous avons un cadre de travail très agréable !

Paris 2024 Rapport Héritage Durabilité Siege Pulse Ecolosport
Le nouveau siège de aris 2024, baptisé « Pulse » se veut très éco-responsable.
Lors de la COP26, l’organisation de Paris 2024 s’est aussi engagé auprès du programme Race to Zero des Nations Unies…

Benjamin Lévêque : En effet, nous venons d’annoncer que nous rejoignions cette initiative. Les critères exigeants et chiffrés de ce programme nous intéressaient. Race to Zero donne l’obligation à ces acteurs – entreprises, collectivités, ONG… – de réduire de 50% ses émissions en 2030, puis d’être neutre en carbone en 2040. Nous allons même au-delà ! Nous savons déjà qu’en 2024, nous aurons dépassé les 50% de réduction demandés, nous serons neutres.

Sept ou huit événements sportifs étaient présents à Glasgow. C’est génial de voir le sport progresser et prendre de la place sur le sujet du climat, et de voir les athlètes prendre la parole !

Beaucoup d’événements ou d’organisations communiquent sur la volonté d’être neutre en carbone, justement. Est-ce que cela a encore un sens aujourd’hui d’annoncer vouloir être neutre en carbone alors que dans les faits, c’est bien plus compliqué que cela… 

Benjamin Lévêque : L’ADEME, agence avec laquelle nous travaillons beaucoup, a récemment expliqué dans une logique scientifique que la neutralité carbone existe si on est la planète, un pays ou un territoire qui possède du foncier qui permet de stocker du carbone. C’est complètement indispensable pour limiter la catastrophe à venir. L’idée est donc de pousser un maximum de projets qui vont éviter ou séquestrer du carbone. À l’échelle de la planète, les objectifs à +1,5°C ou +2°C ne seront jamais atteints si on ne finance pas beaucoup de projets. Je pense que cela a du sens quand on réduit fortement son empreinte en amont, comme dans Race to Zero. Il faut donc les deux : réduction et compensation. Sinon, il y aura une espèce de course à l’échalote pour financer n’importe quels projets. Quand Jeff Bezos vient à Glasgow et annonce qu’il double son budget pour lutter contre le changement climatique… Bien sûr, cet argent est important mais ce n’est pas cohérent s’il n’y a pas un effort de réduction suffisant dans le même temps. Je suis pour que l’on définisse mieux la neutralité carbone et que l’on finance des projets de compensation de manière intelligente.

Le 18 mars dernier, lors de notre Conseil d’Administration et trois ans avant les Jeux, nous avons garantit le financement de projets à hauteur de 1,5 millions de tonnes de CO2 – je parle de projets de qualité, sérieux et sur-vérifiés. Le deuxième point est que nous avons un peu inventé un nouveau modèle de financement de projets carbone, en faisant du national. Nous cherchons à être cohérents. La Ministre a appelé à ce que ces projets label bas carbone soit financés à hauteur de 30 millions d’euros. Ce dispositif est récent, assez technique, rigoureux et nous ne souhaitons soutenir que des projets qui en sont issus. Tout cela doit permettre de réinventer la neutralité carbone. Si elle est définit sérieusement, elle a du sens. Nous en avons besoin

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Michaël Ferrisi

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