Régulièrement, François Singer, Purpose Partnerships Manager chez 17 Sport, proposera sur Ecolosport une tribune sur un des nombreux sujets qui lient l’éco-responsabilité au sport.
François Singer, accompagné de Gaspard Rousselot, nous parle ce mois-ci du lien entre sport et préservation de la biodiversité, sujet notamment évoqué lors du Congrès Mondial de la Nature à Marseille au début du mois de septembre.
Alors que le Congrès Mondial de la Nature organisé à Marseille par l’UICN s’est terminé il y a quelques jours, je tenais à revenir sur un sujet qui me tient à cœur : le sport et la préservation de la biodiversité. Avec 17 Sport et mon collaborateur Gaspard Rousselot, nous tenions ainsi à pouvoir mettre en lumière ce sujet (ODD 14 et 15) autour d’une table ronde de personnalités inspirantes et engagées de l’écosystème sportif.
Avec les contributions de Raphaël Boutin (Ligue Méditerranée de Football), Marlène Devillez (kayakiste et hydrologue), Thomas Cervetti (Nomads Surfing) et Benjamin Adler (Game Earth), les enjeux de préservation des écosystèmes naturels par le sport ont été remis au centre des discussions.
J’ai pu donner le coup d’envoi de la session et rappeler que la mise en œuvre des 17 ODD comme feuille de route coûtera environ 3 milliards de dollars de transformation aux organisations. Dans le même temps, leur concrétisation et application au sein des modèles économiques des organisations a le potentiel de produire 12 milliards de dollars d’opportunités commerciales. Je rappelle au passage que la mise en place d’une stratégie d’éco-responsabilité est aussi vecteur de compétitivité économique.
Au cours de notre conférence, Raphaël Boutin a ensuite présenté quelques projets éco-responsables de la LMF. Ainsi, la Ligue supervise la région Sud-PACA en France avec environ 600 clubs et 2,2 millions de joueurs licenciés. Selon lui, « ces chiffres confèrent au sport la mission d’être un vecteur de changement ». Il a par ailleurs justement évoqué que « le sport a des vertus éducatives dont nous devons tous tirer parti ». Sous la houlette de Raphaël et en partenariat avec la FFF, des guides de bonnes pratiques éco-responsables ont pu être élaborés afin, par exemple, d’inciter les clubs et les joueurs à devenir des éco-citoyens proactifs, de leur permettre de comprendre les enjeux des mobilités douces et d’autres aspects clés de la durabilité.
Il a été très intéressant également de parler du projet Reboot. Soucieuse de développer sa stratégie RSO et de poursuivre ses efforts en matière d’aide à la structuration des clubs, la Ligue, avec la participation de ses 5 districts, a noué un partenariat avec la société EVAD3E afin de proposer aux clubs 200 packs informatiques reconditionnés à tarifs réduits. Du matériel informatique est récupéré, c’est écologique, c’est économique et ça crée de l’emploi ! Enfin la LMF à pu inciter ses collaborateurs à des pratiques également plus éco-responsables : installation de fontaines à eau, gourdes, projets de sensibilisation… Un bel exemple de transformation de toutes les parties prenantes de l’organisation.
Le sport comme vecteur de sensibilisation
Rejoignant le panel virtuellement, Marlène Devillez a évoqué quant à elle les changements significatifs qu’elle a pu observer dans les rivières en faisant du kayak. Le véritable déclic dans son esprit fut l’assèchement du Doubs, sans que beaucoup de citoyens habitant aux alentours de cette rivière ne changent leurs habitudes de consommation d’eau. Depuis ce moment, elle a décidé d’utiliser le sport et l’activité physique comme moyen de sensibilisation à la gestion des ressources naturelles telles que l’eau.
Elle et son partenaire ont par ailleurs radicalement changé leur mode de vie et leurs habitudes de compétition pour être plus éco-responsables. Ils ont commencé à prendre la parole dans des écoles et des festivals pour alerter le plus grand nombre quant au défis environnementaux des prochaines décennies. L’objectif étant véritablement de montrer « les conséquences concrètes sur la vie quotidienne de milliers de citoyens » et mettre en avant les paroles d’alerte des scientifiques. Il devient plus que jamais important que de nombreuses fédérations et instances dirigeantes du sport prennent ces sujets de préservation de la biodiversité à bras le corps, qu’elles cherchent par exemple à limiter le déplacement des fans et élaborent des calendriers de compétition et des règlements plus responsables, afin d’impliquer davantage les athlètes dans les processus de durabilité.
Fondateur et surfer de l’organisation Nomads Surfing, Thomas Cervetti a ensuite pris la parole. Son entreprise a été créée en inscrivant véritablement la notion de préservation des océans au cœur de sa raison d’être. À travers la création de leur entreprise, Thomas et ses collaborateurs ont ainsi voulu contribuer à la conservation de leur terrain de jeu – l’océan. Ils s’efforcent d’utiliser des matériaux locaux et renouvelables pour leurs planches de surf, tout en réduisant les coûts autant que possible en produisant près de chez eux, au Portugal. Ils essaient par ailleurs de réduire leur marge au maximum afin de pouvoir permettre l’achat de leurs produits éthiques au plus grand nombre.
Ils ont d’ailleurs créé un label nommé Nomad Oceancare pour aider les ONG environnementales dans leurs actions activistes ainsi que pour conseiller les entreprises du secteur sur les meilleures pratiques en termes d’éco-responsabilité.
Enfin, l’entreprise a décidé de se concentrer sur le parrainage de jeunes surfeurs qui partagent leurs valeurs. Ce sont ces athlètes et jeunes ambassadeurs qui représentent l’avenir, il est donc important de les aider à atteindre leurs objectifs tout en étant en accord avec leurs convictions et leur impact. En tant qu’entreprise à mission, Nomads Surfing cherche à être véritablement en adéquation avec les défis sociétaux à venir.
Il est possible de faire des affaires, de créer de la valeur économique tout en ayant un impact social positif. C’est un bel exemple d’entreprise contributive, altruiste.
Pour clore le panel, Benjamin Adler nous a apporté sa vision et son ambition au travers de l’organisation Game Earth – le premier programme de compensation carbone dédié au sport professionnel. Fervent défenseur du climat, véritable personnalité engagée, son objectif est ainsi de pouvoir « utiliser le pouvoir du sport pour réparer, préparer et préserver », pour finalement intégrer la durabilité et la compensation carbone au sein de l’écosystème sport. Calculé et modélisé en partenariat avec un comité scientifique, il est intéressant de noter qu’un programme de compensation carbone semble véritablement viable à environ 100€ la tonne. Sa méthode de calcul des trois critères de l’empreinte écologique est à la fois unique, innovante et exigeante. Ils utilisent notamment la Base Carbone® de l’ADEME, grâce à leurs partenaires Genba et BL Évolution et peuvent identifier dans le détail les empreintes carbone et biodiversité (directes et indirectes) des acteurs du monde sportif dans leur sphère professionnelle.
Je partage finalement la conviction de Benjamin, « pendant longtemps, l’industrie du divertissement n’a pas vraiment pris conscience de sa capacité à avoir un impact sur la biodiversité ».
S’unir pour préserver la biodiversité
Je pense qu’il faut maintenant aller bien au-delà de simples programmes de plantation d’arbres et être plus ambitieux si nous voulons parvenir à préserver l’ensemble des systèmes naturels dans le respect du Vivant. Il faut ainsi dépasser les croyances limitantes et certains calculs de coût de compensation carbone qui s’associent plus à du greenwashing à 7€ la tonne et qui, bien sûr, n’ont quasiment aucun impact sur la soutenabilité et la pérennité des écosystèmes naturels.
Pour conclure cette tribune, je dirai qu’il est plus que jamais important de créer des ponts et des liens forts entre le sport et les acteurs engagés pour la préservation de la biodiversité. Il existe aujourd’hui une volonté des acteurs du sport de s’intéresser à ces sujets mais il manque encore un véritable alignement de l’ensemble des parties prenantes de l’écosystème sportif.
Par conséquent, ce sont aux individus, aux fans, aux citoyens de s’unir, afin d’inciter les organisations sportives à franchir le pas. Il est important de ne pas tomber dans un phénomène d’éco-anxiété ou de proférer des propos accusateurs envers certaines organisations sportives. Il convient plutôt de les accompagner dans leur stratégie de transformation et de leur montrer les opportunités générées par la mise en place de projets durables (nouveaux partenaires, etc.). Ces sujets sont encore peu explorés mais porteurs de sens. Plus que jamais.
Comme l’a très bien résumé Benjamin Adler, « nous devons aller au-delà de simples actions isolées sur ces enjeux mais nous diriger dans des actions de grande ampleur. Vers une action systémique et soutenable. » Pour nous. Pour nos enfants. Pour la planète.
François Singer & Gaspard Rousselot