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PFUE 2022 : Vers un pacte vert et durable pour le sport

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Jeudi 3 mars 2022, le Parlement européen de Strasbourg fut le lieu d’une « réflexion collective européenne pour un environnement sportif plus respectueux, sobre et résiliant ». Retour sur cette conférence organisée dans le cadre de la PFUE 2022, pour un pacte vert et durable pour le sport.

Le 3 mars dernier, après une première conférence ministérielle autour de la thématique du « Sport et Objectifs de Développement Durable dans les temps de l’enfance : les enjeux sociétaux d’une pratique sportive adaptée », la ministre déléguée chargée des Sports, Roxana Maracineanu a présidé une seconde conférence ministérielle au Parlement européen de Strasbourg, dans le cadre du PFUE 2022, cette fois-ci pour mener une réflexion collective, à échelle européenne sur « un Pacte vert et durable pour le sport ».

Les acteurs de l’écosystème sportif européen (membres du mouvement sportif, athlètes engagés, représentants associatifs et acteurs privés), ont pu débattre de l’enjeu d’une pratique physique et sportive plus respectueuse de l’environnement mais aussi sur la réponse à donner face au défi commun de changer les comportements afin de préserver les espaces et les modes de pratiques.

Une réflexion et action collective nécessaire face à l’alarme climatique

Tout d’abord, un rappel : qu’est-ce que le Conseil de l’Union européenne ? Il ne faut pas confondre le « Conseil des ministres de l’Union européenne » (CUE) avec le conseil européen, qui lui est la rencontre des chefs d’Etats ou de gouvernements. Co-législateur de l’UE avec le Parlement européen, le CUE réunit les ministres des États membres de l’UE par grandes politiques européennes. Sa présidence est tournante. A tour de rôle, et pour une période de six mois, chaque Etat-membre préside le Conseil et c’est le cas pour la France jusque fin juin (PFUE 2022).

L’ensemble des échanges et des réflexions menés le 3 mars dernier constituent une impulsion politique sur la scène européenne dans la perspective du Pacte vert pour l’Europe, en mettant le sport et les acteurs de la pratique sportive comme parties prenantes de la stratégie environnementale et climatique de l’Union européenne.

Pour faire suite au travail de la PFUE 2022 sur cette thématique, la présidence tchèque traitera quant à elle, à partir de mai, la question des infrastructures sportives, et le groupe d’experts de haut niveau sur le sport vert piloté par la Commission européenne portera ses travaux sur l’élaboration de normes communes des activités sportives plus vertes et durables.

Lors de la session d’ouverture de la conférence, Roxana Maracineanu a rappelé que le sport peut être à la fois une cause et une victime du réchauffement climatique. Une cause du fait des déchets produits par certaines pratiques, et une victime par le fait que les changements environnementaux affectent, dans le sens inverse, les pratiques sportives et in fine la santé publique, comme l’a démontré le rapport de WWF France (voir image ci-dessous) à ce sujet.

Extrait du rapport du WWF

L’écosystème sportif a donc un rôle majeur à jouer, non seulement dans sa responsabilisation vis-à-vis de l’impact environnemental de la pratique sportive tant au niveau amateur que professionnel, mais également dans la sensibilisation et la transformation des comportements des citoyens.

Première séquence : les impacts croisés sport et environnement

Tim Badman, Chef de la mission Héritage, sport et jeunesse de l’Union Internationale pour la Conservation de la nature a rappelé que le sport était porteur d’une combinaison défis-opportunités mais a précisé qu’un leadership davantage ciblé était nécessaire et que les organisations sportives avaient une réelle capacité d’action dans l’amélioration de l’impact du sport. Il s’agirait de mettre au point un programme de définition de paramètres de conservation de l’environnement et de la biodiversité, tout en dégageant des bonnes pratiques et des mesures d’accompagnement pour l’ensemble des acteurs du mouvement sportif.

Yann Leymarie, Responsable du sport au sein de Surfrider Foundation Europe a fait le constat de la production de déchets par la pratique sportive et par le pratiquant. Cela peut déboucher jusqu’à la fermeture de sites, tels que les Calanques de Marseille. Il est important de réguler la pratique sportive en milieu naturel, de sensibiliser les pratiquants et d’innover dans un matériel sportif davantage responsable.

Karim Abu Omar, enseignant-chercheur à l’Université d’Erlanger-Nuremberg (sciences du sport) est intervenu sur le sujet des grands évènements sportifs internationaux (GESI) et leur indispensable responsabilisation, des goodies utilisés, en passant par la restauration, jusqu’aux moyens de transports. Il fait également l’état des lieux de nombreuses choses positives qui existent déjà ; notamment l’encouragement à la mobilité douce dans la vie quotidienne qui permet non seulement d’augmenter la qualité de vie dans les villes mais aussi la santé, tout en apportant plus de sécurité. Les jardins urbains favorisent également une bonne santé mentale et physique, en plus d’être positifs pour l’environnement.

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Karim Abu Omar (à gauche) et Yann Leymarie (à droite)

Guillaume Chevance, Professeur et assistant de recherche à l’Institut de santé globale de Barcelone signale qu’il existe déjà de la littérature sur l’impact du changement climatique sur les capacités sportives et sur la tenue de certains d’événements sportifs. On pense ici à l’annulation du marathon Montréal en 2017 ou encore à de nombreuses courses de cyclisme. D’ailleurs, le dernier rapport du GIEC précise que ces pics de chaleur seront de plus en plus fréquents. Dès lors, un double paradoxe apparait : d’une part, plus on souhaite être actif dans notre vie quotidienne alors que les températures sont en hausse, plus on devient vulnérable à la pollution atmosphérique. D’autre part, une haute activité physique individuelle va souvent de paire avec une haute empreinte carbone. C’est clair : « l’énergie la moins carbonée reste l’énergie qu’on ne dépense pas ».

A l’avenir, il faudra donc nécessairement réfléchir à réduire, soit le nombre, ou peut-être la fréquence d’événements sportifs, notamment internationaux, afin de réduire nos déplacements, qui sont la principale raison de l’impact environnemental négatif de des manifestations sportives. Guillaume Chevance suggère de ralentir, de développer davantage le slow sport ou de sustainable physical activity. Il s’agit de mettre au cœur de notre pratique sportive, notre rapport à l’environnement dans lequel celle-ci prend place.

Bertrand Tison, Directeur des Affaires publiques au sein de Decathlon Europe a présenté les nombreuses actions mises en place par un des leaders de l’industrie des équipements sportifs, présent dans 24 pays sur les 27 de l’Union européenne et a répondu à la question : comment concilier l’intérêt économique et responsabilité ? La responsabilité environnementale des géants de l’industrie sportive est en partie motivée par la volonté de leurs clients. Bertrand Tison affirme que le citoyen sportif est plus conscient écologiquement qu’un autre.

En plus de s’engager dans des procédés de fabrication moins impactants pour la planète, Decathlon Europe souhaite tendre vers le « Trans-sport ». Le groupe a recours à hauteur de 4% au mode aérien pour le transport de marchandise et souhaite réduire cette part à 1% d’ici 2026. Cet objectif est ambitieux mais largement possible par le transfert des flux aériens vers des flux ferroviaires grâce aux lignes reliant la France à l’Allemagne, la Russie et la Chine par exemple. Par ailleurs, sur le volet éducatif, Decathlon propose de façon systématique une formation en Eco-design pour tout collégien effectuant un stage d’observation au sein d’un magasin de l’enseigne.

Représentée par Elisabetta Baronio, la marque Timberland développe depuis quelques années, un design circulaire et une plateforme de upcylcing qui permet de récupérer des produits usés de la marque pour les transformer en produits nouveaux.

Deuxième séquence : des idées inspirantes pour un sport plus vert et durable

Une table ronde portée sur les grands événements sportifs internationaux a regroupé de nombreuses parties prenantes du secteur sportif.

Denis Naegalen, Président de HOPIS, société de marketing et Directeur des Internationaux de Strasbourg et du sport a fait part des bonnes pratiques mises en place dans l’organisation de cette rencontre sportive majeure.
A titre d’exemple : une remise de 3 euros sur le prix du billet d’entrée pour tout spectateur venu en tramway et une place de parking gratuite pour toutes les voitures de covoiturage remplies de quatre personnes ; ou encore le choix de prestataires provenant, au maximum, d’un rayon de 80km de Strasbourg. Pour ce qui est de la restauration : elle est choisie de région, de saison, comprenant une majorité de produits issus de l’agriculture biologique.

Isabella Burczak, Manager advocacy et développement a fournit des explications sur la stratégie de durabilité et les directives liées de l’Union Cycliste Internationale. Une stratégie construite sur 4 piliers : gouvernance interne et engagement, action climatique (réduction de l’impact du sport et éducation via le cyclisme), cyclisme du futur (introduire innovation afin de réduire l’empreinte carbone et renforcer les piliers sociaux), cyclisme pour tous (le vélo comme moyen de transport et loisir accessible à tous).

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Isabelle Burczak

François Ribeiro, Directeur de Discovery Sport Events a affirmé que les acteurs de l’industrie sportive et les organisateurs d’évènements sportifs doivent accepter de changer leurs méthodes de travail, notamment celles qu’ils maitrisent depuis de nombreuses années. Cela est possible en collaborant à petite échelle.

Discovery Sport Events est un groupe audiovisuel et diffuseur d’évènements sportifs, qui se doit d’envoyer beaucoup de matériel et de personnel pour servir les détendeurs de droits marché qui diffusent les Jeux Olympiques, mais il a fait le choix de réduire au maximum ces transferts. En 2018, Discovery Sport Events a envoyé 900 personnes à PyeongChang, mais seulement 270 en 2020 à Tokyo et a acté une réduction de 50% du matériel. Enfin, en 2022, ce sont seulement 170 personnes qui sont allées à Pékin. La réduction directe de l’empreinte carbone des activités du groupe est directement liée à la création de studios virtuels en Europe. Les journalistes peuvent désormais inviter sur un plateau virtuel des athlètes dans les mêmes conditions qu’en présentiel.

A échelle locale, les associations sportives sont de plus en plus innovantes en termes de bonnes pratiques, particulièrement via un tourisme sportif responsable. Prenons l’exemple du club de plongée des Nettoyeurs Subaquatiques, affilié à la FFESSM. Olivier Linardon, son président, motivé par la fragilité et l’entretien du Bassin d’Arcachon a monté un club ayant pour vocation première de nettoyer les fonds. Toutes les plongées, même celles de loisir, peuvent se transformer en plongée de ramassage grâce à un grand sac qui n’encombre par les plongeurs. L’initiative a connu un succès inattendu et séduit de plus en plus d’adhérents de tout âge (de 8 à 70 ans). Par ailleurs, le club propose une formation et une charte de l’adhérent responsable.

Julia Pallé, Directrice de la Durabilité de la Formule E, a également expliqué la vision de la course automobile du futur : la possibilité d’amener les courses en plein centre-ville, directement vers la population sans que celle-ci ait à se déplacer, et le tout, sans pollution énergétique ni sonore.

Troisième séquence : les perspectives européennes pour un sport durable et éco-responsable

Andrew Georgiou, modérateur Eurosport, a demandé à Peter Fischer, représentant de l’Unité Sport de la Commission européenne s’il existait bien une genèse d’une approche commune européenne autour de ces problématiques liant sport et développement durable. La réponse donnée fut positive mais Peter Fischer a insisté sur l’urgence d’une action coordonnée entre tous les secteurs et tous les acteurs. Il y a un « réel besoin d’une accélération de la dynamique. De nombreuses fédérations élaborent leur propre boite à outils alors qu’il faudrait mettre tout en commun ».

Matthew Campelli, fondateur du Sustainability Report a précisé qu’il est important que les organisations sportives aient, dans leur bureau directeur des personnes expertes en climat qui ont reçu une formation scientifique, et non uniquement une sensibilisation au sujet.

Enfin, nous avons demandé aux intervenants quelles étaient les lacunes et les limites institutionnelles européennes et/ou politiques pour une coordination efficace pour un sport vert et durable.

Maël Besson, expert sur les questions de transition écologique, notamment dans le sport, a répondu que l’UE a un rôle de coordination mais est loin d’être en capacité d’agir seule. « Tout ne repose pas sur les institutions. Il y a une dynamique à créer. Il existe un consensus à trouver entre un certain nombre de pays mais il ne permet pas d’aller loin et fort dans l’innovation et l’effet moteur. » Il est plutôt pertinent d’attribuer un rôle de leadership à un petit collectif d’entreprises et d’organisateurs d’évènements, car ces acteurs ont le plus de pouvoir direct sur les comportements.

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Mael Besson

Pour résumer, quatre éléments sont essentiels pour un pacte vert et durable efficace pour le sport : la règlementation, la sensibilisation, la fiscalité ainsi que l’étude des sciences comportementales.

Roxana Maracineanu a conclu cette journée de réflexions organisée par le PFUE 2022 en affirmant, que sa volonté ainsi que celles de ses homologues, étaient de construire, ensemble, un green deal pour le sport. En écho avec la première conférence ministérielle autour de l’enfance, la Ministre précise le potentiel fort du sport comme outil d’éducation au développement durable. En effet, le sport permet à l’enfant d’entrer en relation avec son environnement et lui permet comprendre pourquoi il doit en prendre soin et comment il peut en prendre soin.

A propos de cet enjeu, Florence Masnada, double médaillée olympique en ski alpin a présenté les actions de Water Family, association de laquelle elle est ambassadrice. Proposant des ateliers éducatifs dans les écoles sur le sujet de l’eau potable, Water Family lancera une campagne le 9 mars, pour que l’écologie devienne une matière principale à l’école. Il est primordial d’amener les enfants à l’extérieur et au contact de la nature.

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Charlotte Frueh-Richardot
Charlotte Frueh-Richardot

Ecolosport le PODDCAST explore la façon dont le sport peut contribuer à la réalisation des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) de l'ONU et comment ceux-ci peuvent soutenir le développement du sport.