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Quel intérêt économique pour les organisations sportives à mener une transition écologique ?

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DOSSIER – La transition écologique des organisations sportives ne s’est pas encore démocratisée. En cause, parfois, son aspect économique et financier jugé (trop) important. Ecolosport se penche donc sur la question de l’intérêt économique à mener une stratégie environnementale ambitieuse.

Vendredi 17 juin 2022. Castres. La canicule a envahi le sud-ouest de la France dont la sous-préfecture du Tarn. Le zénith culmine à plus de 42°C quand le couperet tombe : l’écran géant prévu pour la retransmission de la demi-finale de Top 14 face au Stade Toulousain est annulé, car le département du Tarn est passé en vigilance rouge. Heureusement, le match se déroule à Nice, où les températures sont plus clémentes quoique chaudes, obligeant les joueurs à profiter d’un « water break » à deux reprises durant le match. Imaginez maintenant si le département des Alpes-Maritimes était aussi passé au rouge : le match aurait été annulé ou au mieux reporté. Au-delà de la zizanie sportive que cela aurait engendrer, les conséquences économiques auraient pu être très difficiles à supporter pour la LNR, la région niçoise et les dizaines de milliers de spectateurs venus pour l’occasion.

Fin de la fiction, retour à la réalité. Le réchauffement climatique menace le sport comme il menace – évidemment – le reste de la société. Les températures grimpantes d’année en année tendent à réduire le nombre de jours où la pratique sportive et l’organisation d’événements sportifs sont possibles. « Une pratique sportive au-dessus de 32°C est d’ailleurs déconseillée », expliquait le WWF dans un rapport de 2021. « Dans ces conditions, le réchauffement climatique pourrait faire perdre jusqu’à 24 jours de pratique sportive dans un monde à +2°C, et jusqu’à 2 mois dans un monde à +4°C, désorganisant les pratiques individuelles, celles encadrées par les clubs, les établissements scolaires, etc. »

Les conséquences environnementales sont connues, les conséquences économiques qui y sont liées en découlent naturellement mais sont parfois sous-évaluées. Moins d’événements ou de pratique sportive, c’est moins d’argent dans les caisses des petites et grandes structures du sport. Davantage d’épisodes de canicule, de sécheresse ou de catastrophes naturelles, c’est davantage de difficultés organisationnelles et économiques pour les organisations sportives. Une montée des eaux dans un monde à +4°C, et c’est au minimum le quart des clubs situés sur le littoral qui devront délocaliser leur activité.

La transition écologique succède à la transition numérique

Soyons clairs tout de suite : toutes les organisations sportives n’ont pas encore compris l’intérêt environnemental de mener une transition écologique sérieuse. Évoquons alors l’aspect purement stratégique, économique et financier, puisque certains dirigeants – mais de moins en moins – ne voient encore que par ce prisme.

« Faisons le parallèle avec la transition numérique » analyse Anthony Alyce, fondateur du média Ecofoot. « Aujourd’hui, on n’imagine pas un club sans réseaux sociaux, sans CRM et sans toutes les fonctionnalités digitales. Je pense que, demain, la transition écologique sera un mouvement de la même ampleur, tous les acteurs seront impliqués. » Et comme demain se prépare aujourd’hui, l’urgence est de mise. « On s’inscrit dans un contexte où mener une transition écologique est une obligation pour l’ensemble des pays et des économies » ajoute Christophe Lepetit, responsable des études économiques au CDES de Limoges. « Le sport ne peut pas échapper à cette règle dès lors qu’il y a un fort impact sur l’organisation des compétitions sportives amateures et professionnelles. Soit la transition est menée de façon volontariste, avec beaucoup de proactivité, soit elle sera subie et plus coûteuse et donc douloureuse à mettre en place. » 

« Beaucoup de disciplines vont disparaitre à cause du réchauffement climatique, comme le ski ou les sports alpins » explique aussi Pierre Rondeau, spécialiste de l’économie du sport. Les sports d’hiver sont effectivement en première ligne et les stations de ski vont probablement subir de plein fouet les conséquences économiques et sociales dues au réchauffement climatique, la neige artificielle n’étant pas une solution durable.

Temps règlementaire Neige de culture artificielle Ecolosport

Au-delà des coûts, des bénéfices économiques importants

Une stratégie environnementale a un coût. Elle nécessite souvent des aménagements plus ou moins lourds dans les bureaux ou sur le site de l’événement, de la simple mise en place d’une fontaine à eau et de gourdes pour les salariés, à l’installation de panneaux solaires sur le toit d’un stade. Elle n’a pas qu’un coût financier, elle peut en avoir au niveau social ou sportif. « Il y a le sujet de la récupération du sportif de haut-niveau, qui imposent des temps de transport les plus réduits possibles et qui poussent les clubs à privilégier l’avion à des modes de transports moins émetteurs en CO2 » argumente Christophe Lepetit, persuadé que les avantages sont plus nombreux et que les organisations un peu pionnière sur leur engagement pourront largement le valoriser.

Comment ? Les sources de financement sont multiples, à commencer par ce qui est communément appelé « sponsoring responsable ». De plus en plus d’entreprises souhaitent soutenir les stratégies et les actions environnementales des structures sportives et, aussi, montrer à la fois leur savoir-faire et leur implication dans la transition écologique. « Veolia est par exemple le partenaire environnemental de l’Olympique Lyonnais et du RC Toulon, et souhaite s’impliquer dans la transformation environnementale de ces deux clubs » abonde Anthony Alyce, qui évoque aussi le solide partenariat entre EDF et Paris 2024. Le COJO va effectivement s’appuyer sur le savoir-faire de l’entreprise française en matière de production d’énergie renouvelable et de construction de bâtiments sobres en énergie pour atteindre, en partie, ses objectifs environnementaux.

« Les organisations sportives à la pointe sur les enjeux écologiques seront celles qui vont attirer en premier de nouveaux annonceurs, qui ne sont aujourd’hui pas dans le sport, qui proviennent de l’économie circulaire ou de la finance durable, comme Back Market ou To Good To Go » poursuit le fondateur d’Ecofoot. Ces entreprises seront effectivement très attentives aux stratégies RSE en place dans les organisations et feront leur choix d’abord en fonction de ce critère.

Des aides publiques peuvent aussi être activées par les structures du secteur. Christophe Lepetit : « Quand on regarde les plans de relance au niveau français ou à celui de la Commission Européenne, beaucoup d’aides sont centrées sur les aspects de transition écologique ou d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Économiquement, il y a des sommes à aller chercher pour amortir les coûts engagés. » Concernant l’énergie, justement, de nombreuses économies peuvent être faites, sur l’électricité et l’eau notamment. « La transition écologique n’est pas un coût mais un investissement. Mettre en place des panneaux solaires, ce n’est pas dépenser de l’argent mais faire des économies d’énergie et donc réduire la facture » analyse Pierre Rondeau. La sobriété énergétique est au cœur de l’actualité et le sera toujours plus à l’avenir. Des initiatives ont par ailleurs vu le jour dans le sport, comme le Championnat de France des économies d’énergie pour les équipements sportifs.

Paris-La Défense Arena Championnat de France des économies d'énergies Ecolosport

Enfin, la finance durable est un autre levier, méconnu et moins utilisé car encore nouveau. « Le fait de mettre en place une stratégie environnementale robuste et chiffrée peut permettre de faciliter le financement de certains projets » explique Anthony Alyce, qui en avait fait un sujet sur Ecofoot. « Des produits financiers commencent à voir le jour comme les Sustainability Linked Loans, un système de financement où une partie du taux est indexé à la réalisation d’objectifs environnementaux. » Seule contrainte : pour bénéficier de ces financements, les besoins doivent être relativement importants et ne sont donc pas accessibles à toutes les structures.

Les Forest Green Rovers en tête de gondole

Précurseur parmi les précurseurs, le club de football anglais des Forest Green Rovers jouit aujourd’hui, alors qu’il évoluait en 4ème division jusqu’en 2022, d’une aura incroyable. Élu club de football le plus écologique par la FIFA il y a quelques années, le club anglais a fait de la transition écologique son unique modèle. Énergie renouvelable, alimentation végétale pour les fans, pelouse vegan, maillots créés à base de marc de café, nouveau stade en bois, biodiversité respectée, joueurs sensibilisés, le club anglais ose tout… et ça fonctionne ! Les retombées économiques sont importantes pour le club, qui attire des partenaires et des investisseurs engagés de tout le pays, ainsi que la curiosité des médias du monde entier. Mieux encore, le projet du club, viable économiquement, a été validé sportivement par une montée en 3ème division, dès la saison 2022-23. Une première dans l’histoire du club !

Une stratégie environnementale sérieuse, long-termiste et bien menée n’est donc pas antinomique aux ambitions sportives et aux calendriers parfois très court-termistes des clubs, au contraire. « C’est un choix stratégique à opérer. Avoir de la compétence interne, à un assez haut niveau et à qui l’on donne des moyens, m’apparait comme une condition nécessaire pour tenir cette stratégie sur le long-terme » poursuit Christophe Lepetit. Cela permet en effet d’éviter les écueils du greenwashing et de mettre en place une stratégie qui a plus de poids et de résistance face à « l’écume des résultats sportifs, qui sont mauvais conseillers », complète-t-il.

Le greenwashing, justement. Les structures en ont peur mais s’en approchent parfois trop. « Mettre en avant son engagement pour l’environnement, ça peut redorer une image et ça peut permettre un retour sur investissement en termes de notoriété » argumente Pierre Rondeau. Beaucoup d’organisations sportives mettent en place des actions éco-responsables uniquement pour ces mauvaises raisons, et s’exposent ainsi aux remarques et aux critiques des parties prenantes et des observateurs. La mise en place de certaines de ces actions se heurtent à des paradoxes et des hérésies importantes, de ces mêmes structures, notamment sur la mobilité des sportifs de haut-niveau.

Dernier point à évoquer : l’éco-conditionnalité. Pour les structures amateures autant que professionnelles, elle sera au coeur des discussions dans les années qui viennent. Les subventions, aides publiques et privées seront conditionnées à la mise en place d’une stratégie RSE ambitieuse. De la même manière, les ligues sportives professionnelles seront probablement toutes amenées à conditionner une partie de la licence sportive accordée aux clubs pros en y intégrant un volet développement durable. La Ligue de football allemande l’a récemment mise en place et il sera intéressant de voir comment le mouvement sera suivi. « La question de la transition écologique ne se pose plus, elle s’impose ! » Nous n’avions finalement pas mieux que cette phrase de Christophe Lepetit pour conclure ce sujet.

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